L’édito de Fabrice Grosfilley : Téhéran, les suites…

Comme on pouvait s’y attendre, la démission de Pascal Smet n’a pas mis un point final à la polémique. Mais alors pas du tout. La présence d’une délégation iranienne au “Brussel Urban Summit” continue de faire des vagues. C’est même  en train de devenir un feuilleton. Un incendie même. Un incendie qui se propage et dont les flammes atteignent désormais les portes du 16 rue de la loi, le cabinet du premier ministre Alexander de Croo.

Dernier épisode à ce stade :  la révélation d’un contact entre Hadja Lahbib et le premier ministre sur la délivrance de ces fameux visas accordés aux iraniens pour qu’ils puissent venir assister à un colloque dont on ne se serait jamais douté qu’il avait autant d’importance. Hadja Lahbib et Alexander de Croo se seraient donc mis d’accord pour estimer que refuser un visa à une délégation iranienne  équivaudrait à risquer un incident diplomatique. Que cela n’était pas utile, que certes on avait réussi à ramener Olivier Vandecasteele, mais que plusieurs ressortissants européens étaient toujours détenus en Iran, et qu’il ne fallait pas oublier parmi eux  le professeur Ahmadreza Djaalili, enseignant à la VUB. Très bien. Sauf que cette notion de prudence diplomatique n’avait jamais été mentionnée jeudi dernier. Ce jour-là Hadja Lahbib avait mis toute la faute sur Pascal Smet, arguant que s’il n’avait tenu qu’à elle, on aurait jamais invité les iraniens. On pourra toujours objecter que la faute initiale réside bien dans l’invitation et que e celle-ci émane bien des organisateurs du colloques fort soutenus par l’ex-secrétaire d’Etat bruxellois, il n’empêche que c’est une évolution du discours de la ministre des Affaires étrangères. Un discours changeant, à diplomatie variable, dans une affaire sensible, les députés aiment rarement cela.

Il y a plus grave encore. C’est la procédure en urgence utilisée dans le cadre de la délivrance de ces visas. Jeudi dernier Hadja Lahbib indiquait que la procédure impliquait notamment de prendre l’avis de l’Office des Étrangers. D’après le journal l’Echo de ce matin la consultation de l’Office des Étrangers fut purement formelle. Une aide administrative, pas réellement une demande d’avis. Cette précipitation est d’autant plus fâcheuse que les iraniens sont venu en grande délégation. 14 personnes pour participer à un sommet des grandes villes c’est pas rien. Que la liste de la liste de visas délivrés n’est pas tout à fait celle des personnes invitées, et surtout que plusieurs d’entre eux présentaient un fameux pédigrée. Parmi eux notamment : Abdolmotahar Mohammadkhani ancien rédacteur-en-chef du journal télévisé de la télévision d’état iranienne aujourd’hui chef des affaires internationales de la mairie de Téhéran. Il est connu pour avoir fait retirer les photos des femmes qui ne portaient pas le hijab sur les stèles des cimetières… oui, les photos de personnes décédées ont été retirées des tombes car jugées non conformes. Il aurait également jouer un rôle dans l’implantation et l’utilisation à des fins répressives de caméras de surveillance dans les rues de Téhéran.

Lors de sa venue à Bruxelles Abdolmotahar Mohammadkhani aurait filmé (ou fait filmer par un collaborateur)  les opposants iraniens qui avaient organisé une manifestation de protestation. De retour à Téhéran il a évoqué cette vidéo pour mettre en cause une député belge d’origine iranienne Darya Safai qu’il accuse d’être l’organisatrice de cette action de protestation (la qualifiant de contre-révolutionnaire, un crime punit de la peine de mort en Iran). Les opposants iraniens, présents lors de  ce comité d’accueil craignent désormais que ces images soient utilisées contre eux et surtout contre des membres de leur famille restés en Iran. Là on est bien au delà de la maladresse ou de l’aveuglément de Pascal Smet. Il s’agit d’un manque cruel de suivi et d’encadrement d’une délégation dont on prétendait ne pas vouloir la présence dans un premier temps. Laisser des officiels filmer une manifestation (alors qu’ils sont censé participer à un colloque), ne pas intervenir, les laisser repartir avec les images… Cela pose quelques questions. La ministre des Affaires étrangères, mais aussi l’ensemble des services de sécurité, vont devoir y répondre.