L’édito de Fabrice Grosfilley : revenir de Syrie

Toutes les femmes et enfants belges qui pouvaient être rapatriés des camps de Syrie ont désormais été ramenés en Belgique. C’est la précision apportée ce matin par le procureur fédéral Frédéric Van Leeuw alors qu’il confirmait le retour de 22 ressortissants belges : 16 enfants et 6 mères de famille.

Ce retour a donc eu lieu cette nuit à l’aéroport militaire. Tous les enfants concernés ont moins de 12 ans. Direction pour eux l’hôpital dans un premier temps. Ensuite les juges de la jeunesse agiront au cas par cas, placement en institution de la jeunesse ou éventuellement dans la famille si on estime que les conditions de sécurité sont suffisantes. Pour les mamans en revanche, c’est l’incarcération. Toutes avaient fait l’objet d’une condamnation par défaut pour leur participation au djihad. L’Office central d’analyse de la menace sera chargé d’assurer leur suivi, tant pendant leur détention qu’après leur libération.

Parmi ces 6 mère de familles, 2 sont d’origine bruxelloise. Le journal Le Soir précise d’ailleurs l’identité de l’une d’entre elles : Fatima Bazarouj, parti en Syrie avec ses deux fils à l’insu de leur père. Sur place elle était accompagnée de plusieurs de ses frères qui sont aujourd’hui en attente de leur jugement pour le soutien qu’ils ont apporté aux terroristes du 13 novembre à Paris. Fatima Bazarouj fut également marié à un émir qui était  le responsable des opérations extérieures de l’Etat Islamique. On n’a pas affaire à une jeune femme égarée qui se serait retrouvée presque malgré elle au milieu des combattants. On est ici en présence d’une femme qui était au cœur du dispositif terroriste.

L’Etat belge avait bien le devoir de rapatrier ces femmes et leurs enfants. Le devoir vis-à-vis des enfants d’abord. Ils ont la nationalité belge et on leur devait assistance. C’est une obligation légale et morale, les enfants ne peuvent  être tenus pour responsables des agissements de leurs parents, même si le fait qu’ils aient grandi au sein d’une organisation terroriste oblige à les accueillir sans angélisme et avec un suivi sérieux. Pour ce qui concerne les mères, au-delà du droit, il y a un intérêt indéniable à les avoir en prison. A pouvoir surveiller leurs contacts, et à tenter de les faire entrer dans un programme de déradicalisation, si c’est encore possible. Les laisser dans la nature, en Syrie ou ailleurs, au contact d’autres terroristes c’était prendre le risque de perdre leur trace.

Le procureur fédéral a-t-il raison de dire que toutes les personnes qui pouvaient l’être l’ont désormais été ? Il faut nuancer cette affirmation. D’abord parce qu’elle ne concerne que les femmes et les enfants. Il reste plusieurs dizaines d’hommes originaires de Belgique soit dans des camps de réfugiés soit dans les prisons tenues par les milices kurdes. Il faut se souvenir que les kurdes ont avancé le chiffre de 12 000 combattants étrangers faits prisonniers, dont plus d’un millier d’européens. Ensuite parce qu’il resterait  aussi plusieurs femmes et leurs enfants dans le camp d’Al Hol. On parle d’au moins 5 enfants belges là- bas. Problème : ce camp-là est pour l’instant inaccessible pour des questions de sécurité. Ce qui a a été très difficile à mettre en place pour les rapatriements du camp de Hal Roj qui sont donc rentrés  la nuit dernière, est actuellement carrément impossible pour ces autres  enfants qui  vont donc, jusqu’à nouvel ordre rester sur place.

■ L’Edito de Fabrice Grofilley en image