L’édito de Fabrice Grosfilley : questions d’argent

Le feuilleton se poursuit. La VRT, le service public de la radio-télévision flamande, a dévoilé de nouvelles pièces à charge contre le CPAS d’Anderlecht. Cette fois, les accusations concernent la gestion des primes énergie. Selon la VRT, plus de 5 000 primes auraient été versées sans justificatif probant. Parmi les cas épinglés figurent, par exemple, une prime versée à une personne décédée ou à une femme résidant au Rwanda. La VRT ajoute un témoignage anonyme d’un employé du CPAS affirmant que sa direction lui aurait demandé de verser un maximum de primes pour épuiser le budget et éviter une baisse des subventions l’année suivante.

Bien sûr, il ne s’agit pas de grosses sommes. La prime énergie s’élève à 70 euros pour une personne isolée et à 160 euros pour un ménage avec enfants.

Il n’empêche que “l’effet Anderlecht” continue d’être délétère et alimente les suspicions d’une très mauvaise gestion de ce CPAS. Cela renforce également l’idée d’un clientélisme où l’on distribue de l’aide sans être trop regardant, feignant d’ignorer que cet argent ne tombe pas du ciel. Un peu comme si les guichets du CPAS étaient devenus des guichets de banque où, sur un malentendu, certains profiteraient de la désorganisation ambiante et de l’absence de contrôle dans un CPAS où le personnel semble aussi débordé que démotivé, pour repartir avec l’un ou l’autre billet en poche.

Rappelons tout de même que ceux qui se présentent au CPAS ne roulent pas sur l’or. Les bénéficiaires n’auraient pas les moyens, par exemple, d’investir chaque mois 2 000 euros dans des jeux de hasard, comme Didier Reynders est soupçonné de l’avoir fait. Comparaison n’est pas raison. Et d’ailleurs, le problème avec Didier Reynders n’est pas tant ce qu’il faisait de son argent, mais plutôt d’où cet argent provenait. Si l’ancien commissaire européen jouait avec son salaire, cela le regarde. Mais s’il est avéré que ces liasses de billets avaient une provenance douteuse, c’est une autre histoire. C’est cela qui nous intéresse. Et à ce stade, nous n’avons aucune information à ce sujet.

Si je mets ces deux affaires en parallèle, c’est parce qu’il faut bien constater leur dimension symbolique, qui permet dans les deux cas une exploitation politique des révélations. Les partis les plus à droite de l’échiquier trouvent dans l’affaire du CPAS d’Anderlecht une occasion inespérée de remettre en cause l’aide sociale. Avec Didier Reynders, c’est la gauche qui peut dénoncer la criminalité en col blanc. La polarisation aidant, il n’est pas exclu que vos repas de Noël se transforment en pugilat, avec d’un côté les pourfendeurs des fraudeurs du CPAS, et de l’autre les dégoûtés d’une classe dirigeante qui gaspille chaque mois des milliers d’euros dans des jeux de hasard.

Je vous laisse arbitrer ce débat lors de vos prochaines réunions de famille. Rappelons tout de même que dans un cas comme dans l’autre, nous ne connaissons pas encore le fin mot de ces affaires. À ce stade, des enquêtes sont ouvertes, mais aucune inculpation n’a été prononcée.

Pour conclure, je vais quand même vous donner un chiffre. Je l’ai trouvé dans une carte blanche publiée dans Le Soir au sujet de la situation des CPAS. Les signataires de ce billet estiment à 200 millions d’euros le besoin de refinancement des CPAS de la région bruxelloise. Deux cents millions pour aider tous ceux qui le méritent, pour permettre au personnel de ne pas crouler sous les dossiers, et donc pour assurer le suivi et le contrôle des bénéficiaires. Il est fort probable que ces 200 millions n’arriveront pas. Sauf si, peut-être, les dirigeants du CPAS décidaient de jouer à un jeu de hasard…

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  • Un édito de Fabrice Grosfilley