L’édito de Fabrice Grosfilley : les supporters et l’esprit sportif
Dans son édito de ce mardi 23 janvier, Fabrice Grosfilley revient sur le match du RWDM et ses dérives.
50.000 euros d’amendes et un bout de match à rejouer à huis clos. C’est la décision prise hier par la Pro League après l’interruption du match RWDM-Eupen ce week-end à la suite de l’envoi de fumigènes et de pétards sur le terrain. Le RWDM devra en outre prendre à sa charge les frais de déplacement d’Eupen pour ce bout de rencontre supplémentaire qui sera organisé demain à 15h (il reste six minutes à jouer). Et il n’est pas exclu que d’autres sanctions tombent dans les jours à venir. Une procédure disciplinaire a été ouverte devant les instances de l’Union Belge de football. En ce qui concerne les supporters responsables de ces jets de pétard, ils risquent une interdiction de stade (s’ils sont identifiés). On ne va pas pleurer sur les finances du club : John Textor, le propriétaire du RWDM, a les moyens de payer 50.000 euros. On ne s’inquiète pas non plus du sort des supporters : s’ils ont des comportements fautifs, il est logique de les écarter.
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Hier soir, le RWDM a publié un communiqué dans lequel il indiquait fermement condamner “le comportement de certains de ses supporteurs.” Le club bruxellois affirme ainsi qu’il prendra”toutes les mesures nécessaires, en collaboration avec les autorités compétentes, pour que des sanctions puissent être prises à l’égard des personnes coupables d’actions destinées à interrompre le bon déroulement du match.” “La violence, manifestée sous forme verbale ou physique, ne trouve sa place ni au sein d’un stade de football, ni à l’extérieur de celui-ci”, concluent les responsables du club molenbeekois.
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C’est qu’elles étaient interpellantes, ces images d’hommes, tout de noir vêtus, qui défient ouvertement les autorités du club qu’ils sont censés soutenir. Tout aussi interpellantes d’ailleurs que ce face à face filmé par nos équipes samedi entre ce noyau dur de supporters et les joueurs, où la menace d’interrompre le match était clairement exprimée. C’est une minorité, affirme la direction du RWDM qui dit avoir pris l’initiative d’organiser, en amont de la rencontre de dimanche, une réunion avec les responsables des différents clubs de supporters, et qui tente donc de rétablir le dialogue entre ceux qui dirigent l’équipe, ceux qui jouent sur le terrain, et ceux qui sont censés la soutenir depuis les gradins.
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On peut aussi comprendre que certains supporters n’apprécient pas la gestion du club par l’Américain John Textor. C’est vrai, le RWDM n’est pas la priorité de son propriétaire (qui, pour rappel, possède également le club de Botafogo à Rio de Janeiro, Crystal Palace en Angleterre et l’Olympique Lyonnais en France). C’est triste, sans doute, mais c’est aussi la vérité du football d’aujourd’hui. Le foot, c’est une affaire de gros sous, l’expression presque caricaturale de ce que donne le capitalisme mondialisé, quand un investisseur américain achète des clubs un peu partout pour créer une multinationale du foot, avec des économies d’échelles, des joueurs qui passent d’un club à l’autre, la volonté assumée de jouer avec les règlements ou en tout cas l’esprit de ceux-ci, et des investissements qui sont faits avant tout pour être rentables. Le RWDM, ce n’est pas une fin en soi pour Textor, c’est un petit rouage d’un projet plus vaste, une petite filiale d’une grande entreprise. La stratégie du propriétaire n’est pas de faire gagner Molenbeek, mais de se servir de Molenbeek pour faire de l’argent. C’est triste, mais c’est une réalité que les supporters doivent intégrer. Le grand décalage entre l’intérêt financier d’un côté et les ambitions locales de l’autre, n’est pas près de se résoudre.
À qui appartient l’âme d’un club ? Qui est dépositaire de son histoire et responsable de sa destinée ? Les supporters qui font le déplacement match après match, John Textor qui y a investi de l’argent, Thierry Dailly qui l’a fait renaitre de ses cendres, les joueurs qui sont sur le terrain ? On peut en disserter à l’infini. Cet incident nous conduit à reposer quelques questions qui reviennent souvent au sujet des noyaux durs de supporters. Comment se fait-il que ces petits groupes puissent continuer à contourner les règles en toute impunité ? À introduire des fumigènes, à chanter des chants racistes ou homophobes ? Tout le monde sait l’influence que les milieux d’extrême droite exercent sur les fans de foot par l’intermédiaire de ces noyaux durs. Tout le monde sait que les interdictions de stade sont régulièrement contournées. Qu’on puisse continuer à arriver cagoulé au stade et commettre des infractions en profitant de l’immunité que procure l’anonymat est le véritable fléau qui gangrène le football belge. Interdire la cagoule, c’est sûrement plus facile à dire qu’à faire. Imposer la reconnaissance faciale pour savoir qui s’installe dans le stade, et pouvoir ensuite identifier les fauteurs de trouble, sera sûrement attentatoire aux libertés. Ce sera peut-être la seule solution pour démanteler les noyaux durs qui, contrairement à ce qu’ils pensent, n’ont finalement pas plus que les gros investisseurs américains de respect pour l’esprit sportif.
Fabrice Grosfilley