L’édito de Fabrice Grosfilley : les communales et la sécurité

Où en sommes-nous sur la question de la sécurité ? La question se pose ce matin, après que des coups de feu aient à nouveau été tirés près de la station Aumale à Anderlecht. Ces tirs visaient un homme qui a été blessé aux jambes et qui se trouvait, hier soir, dans un état préoccupant. Des fusillades de ce genre se produisent chaque semaine ou presque en Région bruxelloise. La question mérite d’être posée aussi parce que les mesures prises au printemps, la fameuse politique des “hot spots”, ont maintenant six mois. Il est donc temps de se demander si elles doivent être prolongées et, surtout, si elles sont efficaces.

Alors, évidemment, la réponse n’est pas simple. Cette politique des “hot spots”, mise en place par la région bruxelloise et par les zones de police, ne peut pas, à elle seule, faire reculer le trafic de drogue. Les dealers sont toujours bien présents dans les rues de Bruxelles, leur activité se poursuit. Les guerres de territoires et les règlements de comptes n’ont donc pas disparu non plus. Cela n’empêche pas les policiers d’engranger un certain nombre de résultats. La politique des “hot spots” permet de multiplier les contrôles, à priori, dans les quartiers concernés. Lorsque les effectifs sont suffisants, cela permet de mettre une pression sur les dealers et peut-être aussi de dissuader un certain nombre d’acheteurs de se rendre sur ces points de deals.

La police a également enregistré quelques succès ces dernières semaines, par exemple en interceptant des trafiquants qui avaient dissimulé 60 kilos de cannabis dans une chambre d’hôtel, ou en procédant à des arrestations au parc Ambiorix. Chaque semaine ou presque, des perquisitions permettent de démanteler des réseaux et de saisir d’importantes quantités de drogues. Il y a aussi les enquêtes au long cours, comme celle qui a conduit avant-hier à l’arrestation de quatre Français dans la région parisienne, impliqués dans le meurtre de la rue Wayez. C’est le journal Le Parisien qui a révélé l’information hier. Parmi ces quatre Français, le tireur présumé, déjà connu pour des faits de trafic de drogue, serait passé aux aveux. L’enquête a également permis d’arrêter trois personnes à Anderlecht. Les investigations semblent confirmer que la victime de cette fusillade de la rue Wayez, au cours de laquelle 17 balles avaient été tirées il y a un peu plus d’un an, a probablement été abattue par erreur. Ce père de famille de 31 ans circulait dans un véhicule identique à celui que les tueurs recherchaient, avec une plaque d’immatriculation partiellement similaire. On se souvient de l’émotion immense à Anderlecht après cette fusillade.

Ces arrestations, fruit d’une enquête conjointe des polices belges et françaises, prouvent qu’il n’y a pas d’impunité pour les trafiquants et les tueurs à gages, ce dont tout le monde se félicitera. Cela prouve aussi que la coopération entre polices est une nécessité, et que les réseaux de trafiquants de drogue jouent aujourd’hui à saute-frontières. Cela est vrai pour le trafic de drogue, mais probablement aussi pour d’autres types de criminalité.

Dans presque toutes les communes, la question de la sécurité fait partie des débats de la campagne électorale. À ce sujet, il est sans doute utile de lire l’interview que Christophe Mincke, de l’Institut de criminalistique, a accordée au journal Le Soir ce matin. Il nous invite à relativiser un ressenti parfois trompeur : les chiffres montrent de manière globale une baisse constante de l’insécurité depuis plusieurs décennies. C’est parfaitement clair, note-t-il. Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas des moments de crispation ou des violences soutenues dans certains endroits particuliers, mais la tendance est à la baisse. Par exemple, le nombre d’homicides a diminué de moitié en l’espace de 30 ans. Bien sûr, lorsque l’on est confronté au deal et aux fusillades au bas de chez soi, ces chiffres ne sont pas une consolation.

Ajoutons une dernière réflexion pour conclure : faire de la sécurité un thème de débat pour les élections communales du 13 octobre n’est pas illégitime. Les bourgmestres, à travers les zones de police, ont la sécurité dans leurs compétences. Croire ou faire croire que les bourgmestres ou les communes auraient la solution entre leurs mains, est en revanche malhonnête. On ne peut pas découpler la sécurité des questions de pauvreté, de dépendance aux drogues ou à l’alcool, ou de la violence croissante dans nos sociétés. La sécurité est aussi un problème social, parfois un problème d’éducation. Surtout, il faut bien comprendre que les polices locales ne peuvent à elles seules assurer la sécurité. La police fédérale, la justice, les douanes – notamment lorsqu’il s’agit de trafic de drogue – et les services de renseignement sont autant d’acteurs qui doivent également être mobilisés. La réponse doit maintenant se faire à l’échelle européenne et non plus au niveau local, et elle nécessite, évidemment, un investissement conséquent dans les services publics si l’on veut réellement opposer une réponse efficace à la criminalité.