L’édito de Fabrice Grosfilley : les choix de l’info

Ce vendredi dans l’édito de Fabrice Grosfilley, on revient sur l’importance des choix éditoriaux.

Que retenir de l’actualité ? Quel évènement mettre en exergue, quelle tendance de fond mettre en lumière ou quelle anecdote retenir ?  C’est l’exercice auquel l’équipe de “Bonjour Bruxelles” est confrontée chaque matin. Qu’allons-nous traiter dans nos journaux, quelle analyse vais-je tenter de développer dans cet éditorial ?  Ce matin, comme tous les matins, plusieurs options étaient sur la table. Retenir un fait, c’est forcément éliminer les autres. Choisir c’est renoncer. Ce choix dit beaucoup de ce que nous croyons être important, prioritaire, utile à savoir. C’est le rôle des journalistes de trier et mettre en forme l’information une fois qu’elle a été identifiée et vérifiée. Un métier forcément subjectif, avec des choix, qui par nature, sont forcément discutables. Retenir une information plutôt qu’une autre, c’est donner une certaine couleur à notre matinale. C’est aussi vous indiquer comment nous interprétons le monde qui nous entoure, les valeurs qui nous animent et le rôle que nous nous assignons à nous-mêmes en tant que journaliste.

Ce matin, il y avait la possibilité de faire un éditorial sur la magnifique victoire de l’Union Saint-Gilloise sur le mythique club de Liverpool. Un véritable exploit, le dernier club belge à avoir battu Liverpool était Anderlecht et cela remonte à 1978. Alors c’est vrai, Liverpool était venu sans ses stars :  Salah ou Van Dijk étaient restés à la maison. Mais on ne doit pas bouder son plaisir :   l’Union nous fait rêver depuis quelques saisons. De petit club d’une division inférieure à leader du championnat de D1A, on doit bien prendre la mesure de cette renaissance incroyable. L’Union Saint-Gilloise est un phénix qui renaît de ses cendres. Un club historique qui fait définitivement partie du patrimoine bruxellois. Un patrimoine vivant et enthousiasmant, pas un vieux  trophée qui prend la poussière sur une étagère.

À propos de patrimoine, j’aurais pu vous parler du palais Stoclet et de la visite virtuelle qui y est désormais permise. M’extasier sur les œuvres de Klimt, regretter que la visite réelle relève toujours de l’utopie. J’aurais aussi pu m’arrêter sur les débats  autour du budget de la Région Bruxelloise au parlement régional. Des sujets très bruxellois, sur lesquels on attend la rédaction de BX1. Parce que c’est notre mission effectivement de nous intéresser au quotidien des bruxellois, et de traiter des informations que les chaînes nationales ne traiteront pas. Je pourrais aussi m’arrêter longuement sur le dossier de la sécurité. Avec des faits divers qu’on égrène comme un chapelet, des règlements de comptes sans fin entre trafiquants de drogue, l’insuffisance des moyens accordés à la santé mentale et à la justice, les nouveaux produits qui apparaissent comme le crack ou le protoxyde d’azote qui sera désormais interdit à la vente. J’aurais par exemple pu mettre l’accent sur le ressenti des comités de quartiers qui se lancent dans un baromètre de la sécurité et dont le constat est que, de leur point de vue, le point de vue des habitants confrontés à ces scènes de rue, la situation ne s’améliore pas. J’aurais pu souligner la différence entre le ressenti et les statistiques, l’importance de la perception de ces choses vues sur un trottoir ou une station de métro, par opposition aux statistiques froides qui tombent du bureau d’une administration.

J’aurais pu vous parler ce matin des discussions européennes autour de l’Ukraine. Nous sommes la capitale de l’Union européenne, c’est chez nous que ces décisions se prennent. Ce sera donc oui pour entamer de négociations d’adhésion avec l’Ukraine, mais non pour débloquer une nouvelle aide de 50 milliards. Le Premier ministre hongrois, le populiste Victor Orban s’y est opposé. La règle veut que ce genre de décision se prenne à l’unanimité.  Victor Orban ne veut pas que l’argent de l’Europe serve à aider les Ukrainiens. Il a en revanche décidé de sortir de réunion au moment où l’on votait sur les négociations d’adhésion.

J’aurais pu vous parler de tout cela, mais je m’en serais voulu de ne pas vous dire un mot sur la situation à Gaza aussi. Sur les 19 000 morts désormais recensés dans la bande de Gaza (chiffres fournis par le ministère de la Santé gazaoui, mais considéré comme crédible par les ONG), les destructions sans fin, les bombardements quotidiens. La situation humanitaire apocalyptique, avec des hôpitaux qui ne fonctionnent plus, une alimentation insuffisante, des problèmes d’accès à l’eau, l’absence d’électricité ou de télécommunications. Sans oublier les déplacements de population  : près de deux millions de Palestiniens, 85% de la population gazaouie ont dû quitter leur domicile. Certains ont même dû être déplacés plusieurs fois, au gré de l’avancement des combats. D’un camp de réfugié à l’autre, dans des abris de fortune, en toile, avec à présent des pluies diluviennes qui compliquent encore la situation, si cela était encore possible . Cette guerre durera “plus que quelques mois” a prévenu hier le porte-parole de l’armée israélienne. En parallèle, la menace d’attentat terroriste, qui pourrait désormais nous frapper, nous en Europe, à nouveau. Avec des cellules dont on soupçonne qu’elles seraient liées au Hamas qui viennent d’être démantelées en Allemagne et au Danemark.

Puisque c’est le dernier éditorial de cette année 2023 (nous passons en programmes de fêtes lundi prochain), vous me permettrez donc, pour une fois, de ne pas choisir dans l’actualité. De parler d’un peu de tout, de l’Union Saint-Gilloise et des comités de quartier, mais aussi de l’Ukraine et de Gaza. Parce que ma conviction profonde et que pour bien vous informer, il faut parfois porter le regard au-delà des frontières de la Région Bruxelloise, ne pas s’enfermer dans un carcan géographique artificiel, tout en gardant toujours notre regard bruxellois. Et je me permets d’ajouter ce vœu : celui d’une trêve de Noël, qui ne soit pas qu’un aménagement festif des programmes de BX1, mais qui apporte un peu de paix et de réconfort, partout où c’est nécessaire.

Un édito de Fabrice Grosfilley