L’édito de Fabrice Grosfilley : le choix cornélien d’Ecolo

Cette fois-ci, il est impossible de nier ou de minimiser. C’est une crise majeure, et elle éclate au grand jour. Le parti Écolo est dans la tourmente, ses deux coprésidents reconnaissant sans détour qu’ils ne sont plus en capacité de travailler l’un avec l’autre.

Cette incompatibilité de caractère doublée d’une divergence sur la stratégie concerne surtout les écologistes. Et pourtant, si l’affaire fait autant de bruit, c’est aussi parce qu’elle touche à la singularité d’Écolo, ce parti qui ne voulait pas être comme les autres, et qu’au final cette saga nous ramène à des questions assez fondamentales : comment organise-t-on l’exercice du pouvoir en 2025 ? Qu’attend-on d’un parti politique et de sa démocratie interne ? Est-ce que la fin justifie les moyens, ou est-ce que les principes sont sacrés ? Un homme, une femme, un Wallon, une Bruxelloise : est-ce un bon moyen de représenter tout le monde ? Et est-ce que le système des quotas est réellement efficace pour n’oublier personne ?

Pour commencer, il faut peut-être dire un mot de l’origine de cette crise. Marie Lecocq et Samuel Cogolati ont été élus à la coprésidence d’Écolo dans un contexte de crise : un revers électoral sévère, un parti qui a dû se séparer d’une grande partie de ses collaborateurs, et une actualité belge et mondiale qui a déplacé le curseur vers les questions de sécurité, de pouvoir d’achat et de maintien ou non des droits sociaux, qui ne sont pas spécifiquement porteurs pour la famille écologiste.

Il y a aussi donc une  opposition de style. Samuel Cogolati se veut fonceur et déterminé : il veut du changement ici et maintenant, et les mauvais sondages l’ont convaincu qu’il fallait agir au plus vite, que concerter et discuter à l’infini revenait à prendre du retard. Marie Lecocq, dans la tradition des débats participatifs, voulait moins de précipitation, plus d’inclusion des équipes et des militants. Elle n’est pas loin de dénoncer une forme de personnalisation du pouvoir dans le chef de son coprésident.

Il y a également  une opposition sur la stratégie à suivre pour redresser Écolo. Même s’ils ne l’expriment pas clairement, on devine des sensibilités qui ne sont plus les mêmes. Samuel Cogolati imagine une opération de transformation du type CDH devenant Les Engagés : un changement de packaging qui s’accompagnerait d’un recentrage doctrinal, parce que c’est au centre qu’Écolo pourrait retrouver un électorat parti chez Les Engagés, justement. Marie Lecocq préfère un parti plus radicalement écologiste, craint qu’une opération de relooking ne se traduise par une perte d’ADN et privilégie la relation avec un secteur associatif et des ONG dont le cœur penche nettement plus à gauche.

Hier, Samuel Cogolati a donc voulu pousser Marie Lecocq à la démission, mais celle-ci a refusé. La seule certitude est donc que ces deux-là ne pourront plus travailler ensemble. Suivant la proximité ou la sympathie que vous pouvez éprouver pour l’un ou l’autre, vous pourrez y voir l’élimination d’un maillon faible ou une forme de coup d’État. Vu de l’extérieur, cela ressemble à une forme de suicide politique.

Entre ces deux styles et surtout ces deux projets, ce sera donc aux militants écologistes de se prononcer. Les débats auront lieu vendredi. On ne voit pas trop comment les écologistes pourraient éviter une nouvelle élection. Ce serait d’ailleurs sain et logique, dans un parti qui se veut un exemple de transparence et de démocratie interne : redonner la parole aux militants pour choisir la ligne, c’est la logique même. Une partie des cadres d’Écolo voudrait aussi que l’épisode serve à questionner les structures internes du parti. On rappellera qu’au départ, la direction était collégiale, avec un secrétariat fédéral composé d’une équipe de cinq personnes. Il y a eu ensuite un secrétariat fédéral composé de trois personnes. Rapidement, on a constaté que cette équipe fonctionnait plutôt selon la formule du « 2 + 1 », le troisième étant surtout chargé de l’animation interne. Finalement, les écologistes sont arrivés au concept de coprésidence que l’on connaît aujourd’hui. La fin de l’histoire pourrait se solder par la disparition de ce concept et l’installation d’un seul dirigeant.

C’est le dilemme qu’Écolo doit désormais résoudre : vouloir ressembler aux autres au nom de l’efficacité, ou cultiver sa singularité, au nom d’une certaine sincérité.

BX1
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