L’édito de Fabrice Grosfilley : la vérité sur le budget
Dans son édito de ce lundi 25 mars, Fabrice Grosfilley revient sur la dette de la Région bruxelloise.
Les finances bruxelloises sont dans le rouge et, cette fois, le doute n’est plus permis. L’agence de notation Standard and Poor’s, en dégradant la note de la Région, vient de donner un coup d’accélérateur à la prise de conscience : le budget dérape et la Région vit au-dessus de ses moyens.
On va rester mesuré. La note de la Région bruxelloise est passé de AA- à A+. C’est une marche plus bas dans une cotation où la meilleure note est un triple A, la plus mauvaise un D, mais, à partir du double B, on glisse dans la catégorie des investissements spéculatifs. La Région bruxelloise n’en est pas encore là. Si on ramène cela à une cotation sur 20, cela veut dire que la note de la Région est passée de 17/20 à 16/20. Pour le commun des mortels, cela ne veut pas dire grand-chose. Pour les banques, cela veut dire que prêter de l’argent à la Région bruxelloise est légèrement plus risqué qu’avant. Le risque, cela se rémunère, cela veut dire que les taux d’intérêt des prochains emprunts de la Région pourraient être légèrement plus chers.
Dans un communiqué publié samedi matin, Sven Gatz indiquait que cette note correspond à “un risque faible” pour les investisseurs, que c’est la même note que celle du Japon en tant que pays, que la ville de Marseille ou encore que la société de transport public de Londres. Pour le ministre du Budget, il y aurait aussi une nette amélioration de la trajectoire pluriannuelle, dans la mesure où le budget 2024 est davantage conforme à celui de 2019 après les années de crise que nous avons entre 2020-2023, soulignant au passage qu’il a imposé au gouvernement régional un plafond d’endettement des économies permettant de réduire le déficit. Ce qui n’empêche pas le ministre de reconnaitre que des économies supplémentaires seront nécessaires. “Il est dans l’intérêt de la Région de Bruxelles-Capitale que tous les ministres actuels et futurs en prennent conscience, et pas uniquement le ministre du Budget“, ajoute-t-il avec une point d’acidité.
Si l’équipe sortante a pu effectivement mettre en avant les crises du Covid et la guerre en Ukraine comme des facteurs aggravants, ils n’expliquent pas tout. La Cour des comptes avait estimé que la croissance des dépenses régionales était de 12,4 % entre 2019 et 2022, en faisant abstraction des dépenses liées à la crise sanitaire, à la relance post-covid et à l’aide à l’Ukraine. Les dépenses ont donc augmenté, alors que les recettes ne suivaient pas la même trajectoire. Une politique assumée par la majorité actuelle qui estime qu’il s’agit en grande partie d’investissements stratégiques qui porteront leurs fruits dans le futur.
On pourrait aussi ajouter une série de dépenses sur l’accueil des migrants ou la sécurité avec la lutte contre le trafic de drogue que la Région doit prendre en charge alors qu’elles devraient relever du fédéral. Tout n’est pas de la faute de la Région bruxelloise dans cette crispation budgétaire.
Le budget et l’économie, c’est comme la politique. Si vous ne vous en occupez pas, ce sont eux qui s’occupent de vous. En clair, cette dégradation des finances publiques concerne tous les Bruxellois, parce qu’il va falloir en tenir compte dans les années à venir. Pour équilibrer un budget et réduire son endettement, il n’y a pas 250 solutions. Soit on limite les dépenses. Soit on augmente les recettes. Renoncer à des dépenses, cela peut vouloir dire réduire la dotation des CPAS et des communes, rogner sur le budget de la STIB, diminuer l’emploi à Bruxelles-Propreté ou dans les administrations régionales, moins subsidier les associations. Augmenter les recettes pour une région, c’est jouer sur la fiscalité immobilière, les centimes additionnels, les droits de succession ou sur la fiscalité automobile avec le projet Smartmove par exemple. Il semble aussi inévitable de préciser quels grands projets sont encore tenables ou pas (on pense notamment au Métro 3), et quelles aides on attend ou pas du niveau fédéral (avec le corolaire que, quand on demande de l’aide, on est en position de faiblesse).
Puisque nous sommes à trois mois des élections, il serait utile que les partis expliquent clairement quelle politique budgétaire ils comptent mettre en place dans la prochaine législature, avec quels impacts concrets. Ne pas se contenter de slogans qui claquent, mais oser entrer dans la réalité des chiffres. Ce n’est pas ce qu’il y a de plus séduisant par ces temps de campagne électorale, où petites phrases et grande communication créent un épais brouillard qui camoufle les aspérités. Mais c’est sans doute ce qui éclairerait le mieux l’électeur, sur ce qui nous attend demain.
Fabrice Grosfilley