L’édito de Fabrice Grosfilley : la ministre et le boomerang

Il y a désormais une partie des enjeux qui la dépassent. Hadja Lahbib n’est plus maîtresse de son destin : ce sont ses partenaires de la majorité qui décideront désormais si elle peut, oui ou non, rester ministre des affaires étrangères.

Partenaires” de majorité, le mot est sans doute mal choisi, tant on sent les tensions vives. Dans la majorité Vivaldi on ne s’est jamais fait beaucoup de cadeaux. Depuis le début de la législature, le 1er octobre 2020, chacun joue sa propre partition. A moins d’un an des prochaines élections les chances accorder les violons sont proches de zéro.

Un mea culpa insuffisant ?

Pourtant, hier soir Hadja Lahbib a bien commencé son exposé par un “mea culpa” en bonne et due forme. “Je vous prie de m’excuser pour mon manque de clarté” a-telle indiqué face aux parlementaires. ” Je regrette que certaines personnes aient pu se sentir intimidées ou mises en danger par la présence de la délégation iranienne. Les décisions politiques doivent tenir compte de la réalité sur le terrain. Je présente mes excuses si je n’en ai pas assez tenu compte dans mes déclarations”. Bref une véritable courbe rentrante. Dans la forme on a bien entendu une ministre affaiblie, qu reconnait qu’elle aurait du mieux faire avec par moment la voix qui semble mal assurée.

Ce revirement de communication sera-t-il suffisant ? Hier soir cela ne semblait pas le cas.  A l’audition des interviews radio de ce matin,  notamment sur BX1, ce n’est toujours pas le cas. La ministre n’avait pas convaincu les parlementaires de l’opposition qui réclament toujours sa démission. Beaucoup plus grave : elle n’a pas su s’allier non les ténors de sa majorité. Samuel Cogolati pour Ecolo, Malik Ben Achour pour le parti socialiste, les deux parlementaires les plus en pointe dans ce dossier des visas  restent particulièrement critiques. “A ce stade, nous n’avons pas reçu les garanties nécessaires pour restaurer la pleine et entière confiance. , je ne peux pas me montrer satisfait“, résumait Samuel Cogolati.

“Ce gouvernement doit pouvoir travailler dans la sérénité mais votre intervention dans ce dossier et vos réponses à nos questions légitimes ne sont pas de nature à ramener la sérénité” assénait de son coté Malik Ben Achour, qui dans Bonjour Bruxelles ce matin continuait à parler de mensonge dans le chef de la ministre. L’emploi d’un terme aussi fort laisse peu de doutes à l’interprétation.  Quand une ministre ment, elle n’a plus la confiance du parlement, fin de la démonstration.

Motion de défiance

A ce stade il n’est donc toujours pas exclu que le PS et Ecolo mais aussi Vooruit et Groen votent la motion de défiance qui vise Hadja Lahbib. Le vote est prévu après demain jeudi en séance plénière, la pression risque donc d’être maximale jusqu’à ce moment-là, à moins que la ministre des affaires étrangères ne donne d’autres explications d’ici-là, ou que les présidents de parti ne s’entendent pour sauver sa tête dans une sorte de grand compromis à la Belge. Dans le cas contraire l’issue du vote pourrait ne pas être favorable. L’intérêt personnel de la ministre sera probablement de démissionner plutôt que de subir le camouflet d’une motion de défiance.

A dire vrai on n’aimerait pas être à la place de la ministre. Quatre heures d’audition hier soir. Des critiques à n’en plus finir. Il faut évidemment avoir le cuir épais pour endurer une telle épreuve. Mais le cas d’Hadja Lahbib est aujourd’hui emblématique. Il la dépasse. Il dépasse les seules erreurs qu’elle et son cabinet on pu commettre dans ce dossier : la charge inutilement violente contre un ministre d’un autre gouvernement. Une délivrance à la légère de visas dans une procédure pas claire. Le calendrier brouillon fourni aux députés dans un premier temps qui rendait les choses opaques alors qu’elles auraient du être limpides, le brouillard ambigu autour de l’avis demandé aux services de sécurité, l’OCAM notamment. Rien de toute cela ne plaide en la faveur de la ministre dont les premières déclaration ressemblaient plus à un coup politique qu’à un exercice de transparence.

Dans le meilleur des scénarios la motion de défiance sera rejetée grâce à l’abstention d’une partie des députés qui n’oseront pas voter la défiance au nom de l’intérêt supérieur de la Vivaldi et elle en sortira abîmée. Hadja Lahbib reçoit aujourd’hui en plein figure le boomerang qu’elle avait lancé à Pascal Smet. Elle paye surtout aussi 3 années de législature chaotique ou son président de parti Georges-Louis bouchez n’a cessé d’égratigner ses partenaires de coalition.

Derrière Hadja Lahbib il y-a Georges-Louis Bouchez. C’est la raison pour laquelle le bras de fer sera sans concession. Quand vous traitez en permanence vos partenaires en opposants, il arrive un moment où ceux-ci n’ont plus du tout envie de vous faire le moindre cadeau.

Fabrice Grosfilley