L’édito de Fabrice Grosfilley : jouer collectif

Ce jeudi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito le comité de concertation sur l’énergie.

Décevant, insuffisant, insignifiant. Depuis hier soir, les commentaires ne sont pas tendres avec le comité de concertation. Les prix de l’énergie mettent la Belgique en ébullition. Et nous ne réagissons peut-être pas de la meilleure des manières.

Alors bien sûr, on a le droit d’être déçu et critique. Parce que ce comité de concertation n’apporte pas de réponse concrète à un problème qui touche de plus en plus de citoyens. En espérant une mesure de contrôle des prix pris au niveau européen, la coalition Vivaldi parie sur l’avenir. Mais des paris, cela ne calme pas les angoisses.

Même déception en ce qui concerne l’élargissement du tarif social, ou l’imposition d’une cotisation de crise ou d’une taxe sur les superprofits du monde électrique. Les deux mesures sont dans l’air depuis longtemps. Elles font consensus. Il faut les appliquer. Même si évidemment ce n’est pas simple. Par exemple, décider qui a droit ou pas à un tarif “petites classes moyennes” quand on n’a pas de cadastre très précis des revenus est un fameux casse-tête. Mais c’est justement le rôle d’un gouvernement de résoudre les casse-têtes. Là, on a le sentiment que le monde politique a pris un temps de retard. Que la crise énergétique était prévisible, mais que les réponses ne sont pas tout à fait prêtes.

Alors est-ce qu’il faut jeter le bébé avec l’eau du bain ? Non. Parce que ce comité de concertation a au moins un mérite, celui de sonner la mobilisation générale. Il n’y a pas encore de réponses pratiques, il y a quand même une prise de conscience de la gravité de la situation. Et dire qu’il n’y a rien eu de décidé n’est d’ailleurs pas tout à fait exact. La prolongation du tarif social, de la TVA à 6%, du chèque mazout, etc, sont de mesures qui coûtent des milliards à la collectivité.

Ce qui est le plus dommageable dans ce brouhaha politique, c’est la recherche systématique d’un bouc émissaire. La situation actuelle ? C’est à cause des écolos qui ne veulent pas prolonger le nucléaire… non, c’est à cause des libéraux qui n’ont rien anticipé lorsqu’ils avaient le portefeuille de l’énergie… ou encore, c’est à cause des générations précédentes qui ont privatisé le secteur de l’énergie.

Ces petites attaques sont fatigantes. Et la plupart du temps, elles sont infondées. Les décisions en matière d’énergie ne portent leurs effets que des années plus tard. La crise que nous traversons n’est pas belge, mais européenne. Le vrai responsable est à Moscou.  Ce que nous subissons est une attaque économique. À défaut d’un conflit militaire, la Russie se sert de l’arme énergétique pour affaiblir l’Union européenne. Tous ces pugilats sur le nucléaire ou sur autre chose sont malsains, ils ont pour effet de détourner l’attention du véritable responsable de la précarité énergétique qui est aujourd’hui la nôtre.

Le débat sur les jets privés par exemple, il est assez exemplaire. Alors bien sûr, les jets privés ne représentent que 1% des émissions de gaz à effet de serre et ce n’est pas le cœur du problème, on est bien d’accord. Mais si on demande au citoyen lambda de faire des efforts. De diminuer son thermostat, de limite ses déplacements. Il n’est pas acceptable que les plus nantis, s’exonèrent de tout effort. Ou que certains magasins décident de garder leurs portes ouvertes sans regarder à la dépense parce que cela booste le chiffre d’affaires. La mobilisation générale concerne tout le monde. Les citoyens comme le monde économique. Et il ne pourra pas y avoir d’exception.

Si l’on pouvait échapper quelques semaines aux petits jeux politiques, cela permettrait d’avoir un débat sur les vrais enjeux. Parce que la mobilisation générale réclame des sacrifices. Et qu’il faut maintenant les regarder en face. Faire bloc, c’est notre seule porte de sortie. C’est plus facile en France ou en Allemagne où le réflexe national est très enraciné. Cela va devenir indispensable en Belgique.

■ Un édito de Fabrice Grosfilley