L’édito de Fabrice Grosfilley : jeunes violences

Il y a des mots qui glacent, et des faits qui les dépassent. Coup sur coup, en France, en Autriche, et plus près de chez nous, en Wallonie à Saint-Hubert, nous venons d’être exposés à des faits de graves violences commises dans le cadre d’un milieu scolaire ou para-scolaire.

Hier matin, en France, une assistante d’éducation dans un collège de Nogent, petite ville paisible de Haute-Marne, a été poignardée à mort par un élève de 14 ans. L’auteur de ces coups de couteau est un adolescent sans casier judiciaire, qui avait même tenu le rôle d’ambassadeur contre le harcèlement dans son collège, issu d’une famille qu’on appellerait “classique”, comprenez : a priori sans problème. Que s’est-il passé dans ce collège ? Pour l’instant, nous n’avons pas toutes les explications, mais l’agresseur ayant été maîtrisé par les gendarmes, on aura peut-être des réponses au cours de la journée. Ce qu’on sait, c’est que les faits se sont produits alors que la gendarmerie organisait un contrôle des sacs à l’entrée de l’établissement.

En Autriche, pas d’explication non plus à ce stade, après la fusillade qui a fait 10 morts et une trentaine de blessés dans une école secondaire à Graz, dans le sud du pays. Là, ce qu’on sait, c’est que l’agresseur avait 21 ans, qu’il était un ancien élève de l’établissement, qu’il bénéficiait d’un permis de port d’arme, et qu’il s’est suicidé dans les toilettes de l’école. La lettre d’adieu qu’il a laissée ne donne pas d’explications sur ses motivations.

Plus proche de nous, à Saint-Hubert, en Wallonie, on signalait un début d’émeute hier soir à l’IPPJ, l’institution publique de protection de la jeunesse. Les jeunes qui y sont placés ont commencé à casser du mobilier et à tenter de forcer les portes de l’établissement. La police a été appelée en renfort. La veille déjà, des gardiens avaient été victimes d’agressions dans ce même établissement, ce qui avait poussé le personnel à se mettre en grève.

Voici trois faits que le hasard de l’actualité met sous nos yeux. Trois faits distincts, qui n’ont pas de lien entre eux, sauf qu’il s’agit à chaque fois de jeunes, ou de très jeunes gens. Cela nous amène donc à nous poser la question de la violence. Qu’est-ce qui pousse des adolescents à se promener avec une arme blanche en se rendant à l’école ? Comment de très jeunes gens peuvent-ils avoir accès à un permis de port d’arme ? Comment encadre-t-on les jeunes placés dans les IPPJ ? Ce matin, je ne peux que poser des questions, sans avoir la possibilité d’apporter des réponses. On va se contenter d’un constat : cette violence des jeunes, qu’on a longtemps considéré comme un phénomène américain — avec les tueries dans le lycée de Columbine il y a plus de vingt ans, ou celle de l’école d’Uvalde au Texas il y a trois ans — est aujourd’hui devenue un phénomène européen.

Hier soir, Emmanuel Macron, président de la République française, réagissait à la télévision en annonçant son intention d’interdire l’accès des moins de 15 ans aux réseaux sociaux. Son Premier ministre, François Bayrou, a annoncé l’interdiction de la vente de couteaux aux mineurs. Le débat sur les réseaux sociaux, on peut l’avoir évidemment, mais on sait bien que ce type d’interdiction sera difficile à mettre en place, et risque fort d’être contourné.

Il y a un avertissement que le monde politique n’a pas voulu entendre ces dernières années : celui des professionnels de l’éducation et de la santé mentale, qui alertaient sur le mal-être grandissant des jeunes. Le sentiment d’avoir été abandonnés par la société dans son ensemble pendant la période du Covid. La perte de sens, le sentiment de ne plus avoir d’avenir. Ajoutez à cela un manque de soutien et d’encadrement : « On manque cruellement d’infirmières et de psychologues scolaires », disait François Bayrou à la télévision française hier soir. On peut probablement tirer le même constat en Belgique aussi.

Quand la violence est partout — à la télévision, dans le monde professionnel, dans le discours politique, dans les entreprises, dans la rue —, quand on a le sentiment d’être la victime d’un système brutal qui vous oppresse dès l’école, parfois au sein de votre propre famille… on n’est pas sûr qu’interdire l’accès aux réseaux sociaux soit la réponse au problème.

►L’edito de Fabrice Grosfilley dans Bonjour Bruxelles

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