L’édito de Fabrice Grosfilley : Humanité

Fabrice Grosfilley - Photo Couverture

Et si nous nous offrions un peu d’humanité pour cette nouvelle année ? À côté des traditionnels vœux de bonne santé, de bonheur, de succès et de félicité, que ce soit en amour ou en affaires, je vous souhaite également de ne pas oublier d’être des êtres humains.

L’humanité, si vous consultez le dictionnaire, désigne à la fois l’ensemble des hommes et des femmes qui habitent la planète Terre, ce collectif qui nous rassemble tous et que l’on peut considérer comme une entité morale, et une disposition d’esprit qui nous permet d’éprouver de la compassion pour les autres. Faire preuve d’humanité, c’est comprendre l’autre, le traiter avec sensibilité et bienveillance. Pour avoir de l’humanité, il faut voir l’autre comme son égal : comme un être humain qui nous ressemble, et non comme un étranger différent de nous.

Si je formule ce vœu pour cette première émission de janvier, c’est parce que cette humanité ne nous est pas acquise d’emblée. “L’homme est un loup pour l’homme“, disait déjà le latin Plaute en 195 avant Jésus-Christ. Être humain et tendre la main, ou se comporter comme un animal prêt à mordre ses semblables pour se défendre : ces deux pulsions cohabitent en nous. À l’heure où l’intelligence artificielle tend à nous remplacer et où les robots agissent de plus en plus souvent à notre place, il est peut-être temps de réfléchir à ce qui fait notre humanité : notre capacité à émettre un jugement moral, à distinguer le bien du mal, à adapter notre comportement pour l’aligner sur nos valeurs et non seulement en fonction de nos intérêts. Contrairement aux machines, nous avons la capacité de répéter sans cesse ce processus, de corriger nos manières de faire, de les adapter à chaque nouveau paramètre, plutôt que de les reproduire indéfiniment à l’identique. Errare humanum est, perseverare diabolicum : se tromper est humain, mais persister dans l’erreur, c’est devenir machine.

Faisons-nous  preuve d’humanité lorsque nous laissons des hommes, des femmes et des enfants dormir dehors, dans les rues de Bruxelles ? Dans quelques jours, les températures nocturnes redeviendront négatives. Serons-nous dignes de notre humanité si nous laissons sciemment les plus vulnérables dormir dans le froid ? Parce qu’ils ne sont pas d’ici, qu’ils n’ont “rien à faire chez nous”, qu’ils consomment des substances qu’ils ne devraient pas, ou qu’ils “n’ont qu’à travailler”. Sur cette problématique de la misère dans les grandes villes, il y aurait énormément à dire ou écrire. Je recommande le film L’histoire de Souleyman, qui raconte la vie d’un jeune Guinéen sans papiers, livreur à vélo. Le film se déroule à Paris, mais il est en tout point semblable à ce qui se passe à Bruxelles.

Faisons-nous  preuve d’humanité lorsque nous restons silencieux, immobiles, ou si peu engagés face à des États qui bombardent leurs voisins : en Ukraine, en Cisjordanie, au Congo, au Yémen… la liste est longue. Peut-on seulement regarder les images de Gaza et penser que cette destruction systématique, visant à expulser un peuple de son territoire, est digne d’humanité ? En retour, les terroristes peuvent-ils eux aussi se revendiquer de notre humanité lorsqu’ils ne visent plus des soldats, symboles d’oppression, mais des femmes ou des enfants dans des attaques sanglantes ?

Les jeunes — ou moins jeunes — qui ont tiré des feux d’artifice sur des pompiers ou incendié des voitures le 31 décembre n’ont-ils pas, dans ces moments-là, oublié de faire preuve d’humanité ? Et ceux qui, en retour, souhaiteraient ouvrir le feu sur ces fauteurs de troubles échappent-ils à un examen de conscience ?  On pourrait aussi mentionner ceux qui fraudent le fisc, s’enrichissent sur le dos d’autrui ou recourent à la violence sous toutes ses formes, etc.

Au moment d’entrer dans une nouvelle année, osons l’introspection. Nous ne sommes pas des criminels de guerre, mais peut-être pas des saints non plus. La meilleure manière de progresser est de prendre conscience de notre appartenance à l’humanité, de nous connecter aux autres, de les respecter, et de vouloir faire le bien. Plutôt que de penser que tout va mal, ce qui pourrait nous donner tous les droits ou toutes les excuses pour la perdre, notre humanité.

Ecouter l’édito de Fabrice  Grosfilley, dans Bonjour Bruxelles 

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06 janvier 2025 - 11h09
Modifié le 06 janvier 2025 - 17h59