L’édito de Fabrice Grosfilley : fact-checking à la Fédération Wallonie-Bruxelles
Que reste-t-il du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles ? S’agit-il d’un gouvernement en affaires courantes, qui peut encore gérer le quotidien et boucler quelques dossiers déjà bien avancés et sur lesquels il y a un relatif consensus ? N’y a-t-il, en réalité, plus de gouvernement du tout ? La Fédération (autrefois appelée Communauté Française) est-elle comparable à un bateau sans capitaine, qui donnerait au gré du vent et des courants un coup de barre à gauche, puis un coup de barre en droite, au risque de tourner en rond et de donner l’impression de faire du sur place ?
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La journée de mercredi a permis d’avoir des premiers éléments de réponse. Avec d’un coté des cris, de l’autre des votes. Cotés cris : les accusations de trahison et l’affirmation selon laquelle ce gouvernement n’existerait plus. C’est Pierre-Yves Jeholet, le ministre-président qui a lui-même annoncé un gouvernement “en affaires courantes”, rejetant la responsabilité sur ses partenaires socialistes et écologistes. Un discours repris (avec la puissance médiatique qu’on lui connait) par Georges-Louis Bouchez “il n’y a plus de gouvernement, ce sont PS et Ecolo qui ont décidé de débrancher la priser, on se réveille avec une nouvelle majorité qui est PTB-PS-Ecolo” disait même le président du Mouvement Réformateur au 13 heures de RTL TVI . Une lecture qui n’est pas celle des ministres et parlementaires PS-Ecolo, ceux-ci assurant que l’alliance avec le PTB était circonstancielle, une sorte de “one shot”, ou d’exception, que la situation était due à l’entêtement du MR à ne pas vouloir changer une ligne au décret paysage, et que bien sûr, le gouvernement et le Parlement allaient continuer leur travail et qu’ils appelaient le MR à assumer ses responsabilités jusqu’au bout dans l’intérêt de tout le monde.
Du côté des votes : le divorce entre la gauche et la droite de cette majorité ne semblait pas si prononcé hier soir au Parlement. Il y avait de la tension et de l’animosité bien sûr, mais PS-MR-Ecolo ont fini par voter ensemble sur 4 projets de décret qui étaient à l’ordre du jour : deux textes de Bénédicte Linard, sur le soutien au cinéma et à l’audiovisuel, et sur la réforme de l’Office de la naissance et de l’enfance (ONE), et deux autres décrets de Caroline Désir sur le pilotage des centres psycho-médicaux sociaux (PMS) et sur les équipements pédagogiques pour l’enseignement qualifiant. Sur tous ces projets, les députés PS-MR-Ecolo ont donc fait le job qu’on attend d’un parlementaire de la majorité : permettre à un projet préparé par les ministres d’avoir l’aval du Parlement (on rappelle que c’est le Parlement qui a le pouvoir de voter des décrets et des budgets, pas les ministres). En apparence donc, la majorité fonctionne toujours. Attention, c’est un fonctionnement à géométrie variable, a prévenu Georges-Louis Bouchez. Ces textes-là sont passés, oui, mais ce ne sera peut-être pas le cas des prochains. Le MR s’autorise donc à agir au cas par cas puisqu’il ne se sent plus lié par la loyauté de coalition. Il faudra donc surveiller ce que les députés libéraux feront lorsqu’on repartira l’enveloppe des travaux de rénovation dans les écoles, qui est le gros dossier qui reste encore à régler à ce niveau de pouvoir.
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Plus que jamais, il est utile d’assurer la distinction entre la communication et les faits. Entre ce qui est dit et ce qui est vrai. Si on fait un peu de fact-checking, on notera d’abord que ni le MR, ni le PS et Ecolo ne peuvent se revendiquer de la position des recteurs. Les recteurs et rectrices (les femmes sont majoritaires dans ce collège, c’est assez rare pour qu’on le souligne) souhaitaient qu’on agisse pour tenir compte des difficultés de certains étudiants, ce que le MR se refusait à faire. Mais les recteurs s’opposaient aussi à tout moratoire, même limité, ce que finalement le PS et Ecolo ont quand même voté.
Autre précision factuelle : le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles n’est pas tombé. Constitutionnellement parlant, il ne peut pas tomber ni être démissionnaire (à la différence du fédéral, seule une motion constructive peut le démettre), ses ministres resteront en poste jusqu’à la prestation de serment de leurs successeurs. Ce qu’il parvient encore à faire ou pas, dépend de ses membres.
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PS et Ecolo ont effectivement rompu la logique de coalition en s’autorisant un vote avec une majorité alternative. Ça, c’est vrai. Mais ce qui se passe à la suite de cette rupture est encore à écrire. Rien n’empêche (en théorie) la majorité actuelle de continuer à fonctionner comme avant si elle le désire.
Les voix du PTB ont permis au texte proposé par le PS et Ecolo d’être adopté : c’est vrai aussi. Le PTB a voté pour le projet dans son ensemble mais s’est abstenu sur l’amendement qui était en réalité le cœur du nouveau projet. S’il avait voté contre, le texte ne serait pas passé. Mais dire que c’est une nouvelle majorité qui vient de s’installer, comme s’il y avait eu un putsch, avec des ministres PTB sur le point de prêter serment… c’est une “petite” exagération.
Fabrice Grosfilley