L’édito de Fabrice Grosfilley : et si on s’était trompé sur Donald Trump ?

Et si on s’était trompé sur le compte de Donald Trump ?

La question peut paraître provocante, mais elle mérite d’être posée ce matin. La conclusion d’un premier accord de cessez-le-feu entre les négociateurs du Hamas et les représentants du gouvernement israélien est un tour de force diplomatique qu’il faut saluer.

Bien sûr, on doit rester prudent. Il faudra d’abord que le gouvernement de Benyamin Netanyahou confirme son accord — une réunion a été convoquée pour aujourd’hui. Il faudra ensuite que les deux camps libèrent les personnes qu’ils détiennent : une vingtaine d’otages israéliens pour le Hamas, 2 000 prisonniers de guerre palestiniens du côté israélien. Il faudra que l’armée israélienne laisse entrer l’aide humanitaire comme convenu.

Et puis, surtout, il faudra négocier la suite. Ce cessez-le-feu n’est qu’une première phase. Il faudra ensuite que l’armée israélienne recule, quitte la bande de Gaza. Il faudra aussi instaurer un système de gouvernance pour Gaza, mettre fin à la politique de colonisation agressive qu’Israël a intensifiée en Cisjordanie. Le chemin est encore très long.

Pourtant, le premier pas est là. Et Donald Trump a toutes les raisons de s’en féliciter, et même de raison de penser que cela servira son grand rêve d’obtenir un prix Nobel de la Paix, comme Barack Obama avant lui. « Je pense que les otages seront de retour lundi », s’est-il avancé cette nuit, confirmant et donc endossant la responsabilité de l’accord. Le président américain a aussi indiqué qu’il n’excluait pas de se rendre lui-même au Proche-Orient dans les jours à venir, peut-être dimanche.

« Nous pensons que Gaza sera un endroit beaucoup plus sûr, reconstruit, et d’autres pays de la région l’aideront à se reconstruire, car ils possèdent d’énormes richesses et ils veulent que cela arrive. Et nous (les États-Unis) serons impliqués pour les aider à en faire un succès et pour aider à y maintenir la paix », a également déclaré le président américain, avant de préciser qu’il pensait que la République islamique d’Iran devrait aussi être associée au processus.

« Le monde entier s’est rallié à cet accord (…) Tant de pays auxquels vous n’auriez pas pensé ont (…) fait tout ce qui était nécessaire. C’est une très bonne chose pour Israël, pour les musulmans, pour les pays arabes (…) pour les États-Unis », a-t-il continué, ajoutant : « C’est plus que (la paix à) Gaza. C’est la paix au Moyen-Orient. »

Après Donald Trump le bulldozer, voici donc Donald Trump le rassembleur. Cette évolution, pour peu qu’elle soit durable, est notable. Il y a encore trois mois  (une réunion avec son gendre Jared Kushner, promoteur immobilier et  Tony Blair avait encore été organisée fin août à la Maison Blanche) , Donald Trump était 100 % aligné derrière Israël : il menaçait le Hamas de destruction totale, n’excluait pas la déportation des Palestiniens et la transformation de leurs terres en « riviera du Proche-Orient », un Disneyland de la Méditerranée construit sur les ruines des bombardements qui ont littéralement rasé la bande de Gaza. La publication d’une vidéo en images de synthèse (en février 2025)  pour appuyer cette idée était au-delà de l’indécence.

Trois mois plus tard, on a un président qui veut rallier tous les pays de la région, y compris l’Iran, dans le processus ; qui affirme que les Américains aideront au maintien de la paix ; et qui est donc en mesure de faire reculer les prétentions du gouvernement israélien. Ce même gouvernement qui accusait les Européens de « récompenser le terrorisme » parce que ceux-ci osaient parler d’une riposte disproportionnée aux attaques du 7 octobre, de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité — et qui aujourd’hui est bien obligé d’ouvrir les portes de ses prisons et d’accepter l’idée que non, il ne pourra pas prendre possession de la bande de Gaza, n’en déplaise à l’extrême droite israélienne.

Alors oui, on s’est peut-être mal jugé le président américain. On s’est peut-être laissé prendre au bluff que ce président semble mettre avant chaque négociation, en soumettant ses adversaires à une pression maximale. Mais c’est peut-être aussi Donald Trump qui a changé. Qui, comme pour la guerre en Ukraine, finit par prendre conscience que les conflits sont parfois bien plus complexes que la présentation sommaire qu’on peut en faire à un moment T. Qu’il n’y a pas, d’un côté, les bons parés de toutes les vertus, et de l’autre, les méchants, seuls responsables de l’ignominie.

On notera que ces derniers jours et dernières heures, malgré les négociations en cours, les bombardements de la bande de Gaza se sont poursuivis. Que les militants qui participaient aux flottilles tentant de rejoindre Gaza ont été arrêtés et détenus sans ménagement. Et que le projet immobilier de “Gaza Riviera” reste d’actualité… et que c’est peut-être le moteur le plus à même de motiver un président, qui reste un investisseur dans l’âme.

Tant qu’à saluer l’évolution de Donald Trump, on aimerait qu’elle se poursuive encore un peu. Que les notions de droits de l’homme, de multilatéralisme, de droit international fassent aussi leur chemin dans le cerveau et dans les discours du président américain. Si une telle conversion devait se concrétiser, on serait ravi de dire que, sur Donald Trump, on s’est effectivement trompé.

BX1
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