L’édito de Fabrice Grosfilley : Derrière la guerre des chefs

C’est un bras de fer qui menace de se transformer en divorce irrémédiable. Entre François De Smet, président de DéFI, et Olivier Maingain, son prédécesseur, ce ne sont plus les couteaux qui sont sortis, c’est la kalachnikov qui est sur la table. Hier les deux hommes se sont livrés à des attaques en règle par conférences de presse interposées. Petites phrases assassines et accusations mutuelles. Le genre de séquences qui ressemblent à une lutte à mort. C’est “règlement de comptes à la chaussée de Charleroi”, et cela risque de laisser des traces.

Celui qui a tiré le premier hier matin est Olivier Maingain. Le bourgmestre de Woluwe-Saint-Lambert organise une conférence de presse surprise. Il y dénonce une tricherie et somme François De Smet de se séparer de son chef de cabinet. Dans le cas contraire c’est François De Smet lui même qui sera en difficulté, menace-t-il.  Quatre heures et une alerte de l’agence Belga plus tard, contre-conférence de presse au siège du parti, chaussée de Charleroi, donc. Cette fois c’est François De Smet qui prend la parole, il parle de propos calomnieux et demande à Olivier Maingain de présenter ses excuses.

Ce n’est pas qu’une simple querelle de personnes entre un président qui n’arriverait pas à faire taire les voix dissonantes et son prédécesseur qui aurait du mal à lui laisser sa place. C’est un bras de fer qui ressemble à une reprise en main de DéFI par son ancien président, qui dans la préparation des prochaines élections a réussi à placer aux postes clefs une série de personnalités qui semblent lui être proches, alors que le président actuel et son entourage n’ont pas réussi à garantir la solidité du processus de désignation. Pour comprendre il faut remonter à dimanche. Ce jour-là le conseil général de Défi  (une sorte de bureau élargi)  doit valider la liste pour les prochaines élections régionales. Le début de la liste est connu (c’était l’objet d’un autre conseil général, qui avait déjà été tendu) : Bernard Clerfayt en première position, suivi de Joëlle Maison et de Fabian Maingain. Il s’agit désormais de la compléter. Les choses ne sont pas simples, les débats vont durer sept heures. A huis clos, et dans une tension certaine.

D’après nos informations, trois suggestions de listes ont été proposées aux membres de ce conseil général dimanche. La première écartée dès les débats ne sera pas soumise au vote. La seconde  n’obtiendra pas la majorité qualifiée requise (60% des suffrages). La troisième sera adoptée tout juste, à une voix près. Dans cette troisième mouture, des personnalités considérées comme proches d’Olivier Maingain obtiennent des places de choix. C’est le cas Michael Loriaux chef de file DéFI à Woluwe-Saint-Lambert, qui se retrouve en 5e position, place très convoitée, avec l’assurance d’être élu. A l’inverse, des députés sortants comme Marc Loewenstein ou Emmanuel De Bock  ont considérablement reculé. Emmanuel De Bock, actuel chef de groupe au parlement régional se retrouve en 25e position par exemple. On aurait pu en rester là, si en voulant effectuer un recomptage, le chef de cabinet de François De Smet n’avait pas constaté des anomalies dans le décompte. Ces anomalies sont-elles réelles, ou s’agit-il d’une manipulation pour remettre en cause le résultats du vote ? C’est tout le débat. Avec d’un coté Oliver Maingain qui crie à la manipulation et de l’autre François 2De Smet qui jure de sa bonne foi.

Derrière cet épisode rocambolesque, il y a une véritable lutte pour le contrôle du parti. Olivier Maingain, avec la section locale de sa commune, reste un poids lourd de DéFI. Il est en mesure de peser, en mesure de faire mal aussi, quitte à obtenir une victoire à la Pyrrhus et à affaiblir sa propre formation politique. François De Smet a, lui, le soutien de la plupart des autres ténors. De Bernard Clerfayt à Didier Gosuin en passant par la plupart des autres parlementaires, ils sont nombreux à ne pas avoir apprécié la conférence de presse d’Olivier Maingain hier. Un coup de force, une agression caractérisée, un chantage inacceptable disent-ils en coulisse. A ce stade François De Smet a donc toujours le soutien de ceux qui comptent dans le Défi d’aujourd’hui, à l’exception d’Olivier Maingain, de sa section locale et de ses proches.

L’interview de Joëlle Maison, députée régionale DéFI, dans Bonjour Bruxelles 

A ce stade Défi doit donc organiser un nouveau Conseil Général pour re-procéder à un vote sur la composition de sa liste. Et on devine bien que ce ne sera pas simple car les tensions désormais mises sur la place publique vont s’exacerber. Que l’image du parti est désormais fortement abimée non  seulement par la guerre des chefs mais aussi par un constat d’amateurisme. Devoir compter puis  recompter encore pour constater des irrégularités une fois que la réunion est terminée n’inspire pas la confiance. En arrière plan, c’est aussi le renouvellement du parti qui se joue. DéFI c’est avant tout quelques bourgmestres bien implantés. Des bourgmestres qui arrivent en fin de carrière sans que la relève n’arrive à s’imposer et alors que les sondages sont au plus bas. Hier soir sur LN 24 Olivier Maingain campait sur ses positions. “S’il y a recomptage je quitterai le parti.”, disait-il en substance. S’il mettait sa menace à exécution ce serait l’implosion d’une formation qui fut longtemps le 4e parti (parfois le 3e) en Région bruxelloise et risquerait de n’être plus qu’un micro-parti.  Le bras de fer n’est pas terminé. Et si Défi n’est pas mort, il est aux soins intensifs.