L’édito de Fabrice Grosfilley : dépasser les crispations

Quelques panneaux tagués, des blocs de béton déplacés. Après Anderlecht et Schaerbeek c’est donc au centre de Bruxelles que l’activisme  anti-Good Move s’est déplacé la nuit dernière. Action de petite envergure mais qui va contraindre le monde politique à clarifier sa position.

Cette nouvelle protestation n’a pas du tout la même ampleur que celles qu’on a pu observer à Cureghem ou dans le quartier de la Cage aux Ours, on avait plus  affaire cette nuit à quelques individus isolés qu’à une vraie manifestation, avec seulement quelques photos sur la page Facebook du comité “Non au plan Good Move”, mais cela illustre la volonté de ce comité d’exporter la méthode de l’obstruction physique dans toutes les mailles que les pouvoirs publics décident d’implanter. Même si au centre de Bruxelles le nouveau plan de circulation date de la fin août, et qu’il n’a pas semblé provoquer du tout le même tollé qu’à Anderlecht.

La répétition de ces actions, qui sont quand même  punissables il faut le rappeler, va désormais contraindre les pouvoirs publics à assumer une position claire. Ce matin dans le journal Le Soir Rudi Vervoort (PS) annonçait son intention de temporiser. « Quand un problème menace la paix sociale il faut pouvoir mettre le holà, il y a un travail d’apaisement à mener, il faut faire tomber la pression ». Hier matin  sur Bel RTL Elke Van Den Brant (Groen) était moins encline à ralentir le tempo même si elle reconnaissait qu’il fallait un « moment d’évaluation » et qu’on allait en profiter pour revoir le processus pour les mailles à venir. Attentions ces deux  déclarations  avaient été faites avant l’épisode de cette nuit. L’idée qu’on puisse désormais se retrouver avec des dégradations du mobilier organisées et répétitives pourrait évidement changer la donne.

Pour le monde politique ce n’est pas du tout la même chose d’être aux prises avec la colère populaire d’un quartier précis sur un aménagement clairement désigné, ou de devoir affronter des sortes d’actions commandos nocturnes organisées de manière tournante qui ne visent pas une gène particulière mais affirme une hostilité de principe au plan Good Move. Un habitant qui proteste au grand jour parce qu’il ne peut pas rentrer chez lui c’est très différent de quelqu’un qui enfilerait sa cagoule à la nuit tombée pour aller renverser des bacs à fleurs et faire des graffitis.

Hier soir, toujours à Bruxelles, mais dans le quartier européen, et c’était peut-être au même moment, les députés européens et des représentants des états membres tombaient d’accord sur la confirmation d’une mesure qui va révolutionner notre mobilité : l’interdiction des moteurs thermiques, y compris des véhicules hybrides. A partir de 2035 on ne vendra plus de véhicules à moteur thermique neufs, seuls les modèles d’occasion seront encore autorisés. Les actions d’intimidations des opposants au plan Good Move porteront peut être leur fruit à court terme.  A long terme, elles semblent déconnectées du monde qui nous attend. Il y aura moins de voitures dans le futur. Ce n’est pas vrai que pour Bruxelles mais pour l’ensemble de l’Union européenne.

Enfin dernière observation : il faut bien écouter les slogans des opposants à Good Move. Qui parlent très rapidement d’écologie punitive, de plan hors sol, de politiques déconnectées, de manque de considération, de déni de démocratie… C’est comme si le plan Good Move agissait comme un catalyseur pour en réalité exprimer une colère bien plus profonde. C’est vrai qu’avec la guerre en Ukraine, la facture énergétique, l’inflation, deux ans de covid, l’incertitude économique, la lasagne de nos frustrations ne cesse de prendre de l’épaisseur. Mais là on ne parleplus du tout de mobilité ou de Good Move, c’est important de le noter.

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