L’édito de Fabrice Grosfilley : Bruxelles, région dépendante
Obtenir l’aide du fédéral. C’est ainsi qu’on pourrait résumer la position du gouvernement bruxellois hier à l’issue d’une réunion dont on dit qu’elle a été tendue, mais où le communiqué final permet de garder un semblant d’unité. Le gouvernement bruxellois a confirmé que le projet de Métro 3 entre la gare du Nord et la station Bordet à Evere était pour lui “un élément structurant de sa politique de mobilité et de développement territorial”. En clair, le projet reste important, mais on a évité les mots prioritaires ou incontournables. Le gouvernement se garde donc de confirmer coûte que coûte le projet dans sa forme et sa facture actuelles. On va d’abord analyser avant d’aller plus loin. Beliris va devoir fournir une analyse approfondie des offres et tenter d’objectiver les raisons du décalage entre les estimations de départs et les offres déposées par les entreprises soumissionnaires.
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Avant de confirmer qu’il fera bien le métro, le gouvernement bruxellois aimerait aussi obtenir des éclaircissements du fédéral. Est-il oui ou non possible d’obtenir plus que les 500 millions déjà alloués pour ce projet ? Il est vrai qu’avec une facture finale qui, au train ou ça va, risque d’approcher les 4 milliards d’euros. 500 millions, c’est finalement qu’un 8ᵉ du budget. Argument répété par tous les partisans du projet : dans toutes les grandes capitales du monde occidental, un projet de métro est considéré comme une priorité nationale. Cela profite à tout le monde, en particulier aux navetteurs, il serait logique que la région ne supporte pas le projet toute seule. Hier soir, les Bruxellois ont reçu un signal encourageant de Karine Lalieux (ministre fédérale qui a la tutelle sur Beliris) qui a indiqué qu’elle prendrait contact avec le Premier ministre Alexander De Croo dans le but de lancer un dialogue sur la question. Dialogue et contact n’engagent à rien. Mais les Bruxellois ont sans doute enregistré un signal nettement moins encourageant d’Alexia Bertrand, la secrétaire d’État au budget qui expliquait à nos confrères de la Libre Belgique que ce projet est clairement de la responsabilité de Bruxelles. Que celle-ci a déjà reçu 500 millions du fédéral et que c’est au gouvernement bruxellois de discuter avec Beliris pour voir comment ils peuvent continuer. En d’autres termes, la secrétaire d’État au budget n’est pas très enthousiaste à l’idée d’accorder une rallonge.
On sent bien que dans la séquence qui s’ouvre désormais, les Bruxellois sont assez mal pris. Parce qu’ils se posent une fois de plus en situation de demandeurs. Il faut l’aide du fédéral pour s’en sortir. Maintenir l’extension du métro telle quelle, c’est contracter un endettement qui risque d’être difficile à soutenir, devoir s’obliger à des choix douloureux qui affecteront d’autres politiques dans la durée et au final n’avoir comme seul horizon que la construction d’une infrastructure importante et structurante certes, mais qui s’inscrit dans le temps long… pas avant 2033. Ce temps long, ce n’est pas la spécialité des décideurs politiques, même si ça devrait. Et puis, surtout, les Bruxellois vont avoir du mal à attendre jusque-là. Il ne faudrait d’ailleurs pas oublier que le métro 3, ce n’est pas que l’extension nord vers Schaerbeek et Evere. C’est aussi la phase 1, déjà lancée, avec la transformation du pré-métro en métro et les grands travaux sous le boulevard Stalingrad. Travaux à l’arrêt, et donc il va bien falloir décider si on les relance ou pas. Sur ça non plus, le gouvernement bruxellois n’a pas tranché hier.
Au final, et puisqu’on parle de tunnel, la région bruxelloise se retrouve dans la position délicate qu’illustre un refrain connu d’une chanson d’Annie Cordy : je voudrais bien, mais je peux point. On voudrait bien un métro, mais je ne peux point le financer. Ou en tout cas pas aussi facilement que je ne le pensais. Cela illustre finalement l’interdépendance des différents niveaux de pouvoirs. La région bruxelloise, tant qu’elle sera désargentée, ne sera jamais aussi autonome qu’elle pourrait le souhaiter. Et devoir attendre de l’argent des autres dans une période où l’on risque de reparler de réforme de l’État, c’est clairement être en position de faiblesse.
Fabrice Grosfilley