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L’édito de Fabrice Grosfilley : Bruxelles n’est pas une île, mais…

Bruxelles n’est pas une île. Elle ne l’a jamais été. Mais notre ville-région est peut-être aujourd’hui moins autonome politiquement qu’elle ne l’a été par le passé. C’est la conclusion à laquelle on pourrait arriver à la lecture de l’actualité du jour.

D’abord, l’accord annoncé hier pour enfin installer une majorité communale à Schaerbeek. Il aura fallu six mois pour parvenir à la constituer. C’est un délai anormalement long pour une commune. Certes, les choses étaient compliquées : le PS et le MR étaient presque à égalité, le paysage politique était morcelé, il fallait réunir quatre formations politiques si l’on ne voulait pas d’une majorité trop juste dans une commune qui a politiquement démontré dans le passé son caractère instable. Le refus des écologistes schaerbeekois d’envisager de gouverner avec le PTB avait fermé la porte d’un scénario alternatif. PS et MR se sont ensuite regardés en chiens de faïence pendant de longs mois. La liste du bourgmestre, durement sanctionnée par l’électeur, ne voulait rien céder non plus. Bref, ce fut compliqué.

Mais ce qui a surtout été compliqué à Schaerbeek, c’est l’intervention des états-majors dans la négociation. Plus que les élus schaerbeekois eux-mêmes, ce sont des consignes venues de Georges-Louis Bouchez et David Leisterh d’un côté, ou d’Ahmed Laaouej de l’autre, qui ont conduit à une forme de bras de fer où personne ne voulait renoncer au mayorat. Au sein de la Région bruxelloise, en termes de démocratie locale, Schaerbeek aurait dû être une île. Son futur aurait dû appartenir aux Schaerbeekois. Cela ne fut pas le cas.

Si l’on monte d’un niveau, à la Région, on a voté il y a plus de dix mois. C’est, partiellement, la même chose. Autrefois, les états-majors bruxellois négociaient rapidement entre eux, pendant que les présidents de parti étaient occupés ailleurs. On négociait au fédéral, en Flandre, en Wallonie… alors comprenez bien que la Région bruxelloise, sans être une île, n’était pas la priorité numéro un. En ne réussissant pas à prendre les autres négociations de vitesse, nos représentants bruxellois se sont retrouvés sous le feu des projecteurs et sont devenus une monnaie d’échange dans un grand puzzle qui les dépasse. On a mélangé l’avenir de la Région à la confection des majorités communales, et maintenant cet avenir est même devenu un objet de débat national. Ce sont les présidents du MR, de l’Open VLD, du CD&V, de Vooruit, et même de la N-VA, qui décident de l’avenir de la Région bruxelloise. La question bruxelloise n’est plus une question d’accord de gouvernement qui pencherait plus ou moins à droite, à gauche ou vers l’environnement. C’est devenu  une question symbolique existentielle  : puis-je accepter que mon parti ou le parti frère n’en soit pas ?

Bruxelles, qui n’était pas une île mais bénéficiait d’une relative autonomie, est devenue un jouet de ce phénomène bien connu qui s’appelle la particratie. Ce ne sont donc plus les électeurs bruxellois qui comptent, c’est la stratégie décidée au niveau national qui s’impose.

Ce matin, dans l’actualité, on notera aussi la sortie de Sven Gatz, ministre en charge du Budget dans le gouvernement bruxellois sortant. Sven Gatz, qui s’astreignait à une certaine réserve médiatique ces derniers mois, publie une sorte de carte blanche dans le journal De Morgen.

« Je joue rarement l’homme et presque toujours le ballon », écrit-il, « mais je me sens obligé de faire une exception car un homme bloque depuis des mois la formation d’un gouvernement bruxellois. »

Vous avez compris, l’homme en question, c’est Ahmed Laaouej, président de la fédération bruxelloise du PS. Et Sven Gatz de dénoncer dix arguments qui indiqueraient, selon lui, que le veto du PS contre la N-VA est une mauvaise décision. Sven Gatz accuse donc Ahmed Laaouej de courir après le PTB, affirme qu’il ne veut pas faire d’économies, propose une politique de logement social inabordable, et voit en lui une sorte de Machiavel dont on pourrait se passer, avant d’affirmer que Bruxelles « n’est pas une ville de gauche mais une ville libérale au sein de laquelle vivent des socialistes ».

La tonalité de ce billet est donc ouvertement polémique. À sa lecture, on comprend que les tractations théoriquement en cours pour tenter d’aboutir à un budget sont en train d’échouer. On mesure aussi combien la collaboration d’antan entre le PS et l’Open VLD appartient au passé. Guy Vanhengel et Rudi Vervoort, qui affichaient l’entente cordiale, se présentaient comme les grands défenseurs de la Région contre les menaces venant du fédéral — quel que soit le parti concerné —, et qui pouvaient même présenter une liste commune aux élections communales… c’est une situation qu’on ne reverra plus.

En cela, la période que nous vivons est donc une rupture avec le passé. Pendant plus de vingt ans, la Région bruxelloise a réussi à s’affirmer. À devenir presque… une île. On le doit à des personnalités comme Philippe Moureaux et Charles Picqué, mais aussi à Hervé Hasquin ou Jacques Simonet. À l’influence du FDF, l’ancêtre de DéFI, qui participait aux majorités régionales avec Didier Gosuin. Tous ces leaders bruxellois voulaient que Bruxelles gagne en autonomie. On parlait du fait bruxellois et de “Bruxelles, région à part entière”. Ce discours, il est entre parenthèses aujourd’hui.

Parmi tous les défis — notamment budgétaires — que la Région va devoir relever, celui de pouvoir dire que l’avenir de Bruxelles doit pouvoir se décider entre Bruxellois n’est pas le moindre. Bruxelles n’est pas une île, c’est vrai. Nous ne sommes économiquement, géographiquement, financièrement pas un territoire autonome. Mais Bruxelles n’est pas non plus un confetti que l’on pourrait gérer ou annexer de l’extérieur.

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24 avril 2025 - 11h33
Modifié le 24 avril 2025 - 11h33

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