L’édito de Fabrice Grosfilley : Bruxelles et ses habitants
Combien sommes-nous d’habitants à Bruxelles ? Réponse de l’IBSA (l’institut bruxellois de statistique et d’analyse) : 1 222 637 habitants. C’est le chiffre pour 2022, le plus haut jamais enregistré dans l’histoire de la ville. Il faut se rappeler que jusqu’en 2004 on était en dessous du million d’habitant. On a connu donc une augmentation continue, elle a même été très forte au début des années 2000, au point qu’on a parlé d’un boom démographique. Lundi l’IBSA a publié une nouvelle étude qui indique que nous sommes désormais dans une phase de stabilisation, la croissance du nombre d’habitant n’est plus aussi forte, et elle devrait même stagner à partir de 2025. Mais pour l’instant la population continue de croître.
Ce matin le journal Le Soir annonce pourtant que Bruxelles perd de plus en plus d’habitants. La lecture de ce gros titre en première page nous laisse assez perplexe. En dessous de ce gros titre l’article dit d’ailleurs exactement l’inverse : la région bruxelloise continue de gagner des habitants, 2667 en plus exactement pour l’année 2021 sur laquelle le journal s’est arrêtée. En réalité ce que met en exergue le journal ce sont les départs de bruxellois pour la région wallonne et la région flamande. En 2021 44 905 bruxellois ont en effet déménagé vers la Flandre ou la Wallonie. C’est évidement important, 45 000 habitants, l’équivalent de la population d’Evere ou de Woluwe-Saint-Pierre ce n’est pas anodin. Cela fait plus de 30 ans qu’on a pas eu autant de départs de la région bruxelloise souligne l’article.
C’est vrai que cet exode bruxellois est une vraie question. Souvent ce sont les jeunes couples qui quittent Bruxelles. Notamment parce qu’ils ont du mal à se loger, une question économique donc, ou parce qu’ils cherchent une qualité de vie, des espaces verts, un jardin qu’il ne trouvent pas à Bruxelles. Mais ce que l’article (ou en tout cas le gros titre en Une) ne dit pas c’est que ces départs sont largement compensées par de nouveaux arrivants. Ils sont même de plus en plus nombreux ces arrivants, ce qui explique que le nombre d’habitants continue d’augmenter à Bruxelles. En réalité le solde migratoire de la Région Bruxelloise est positif , alors que le titre du Soir insinue le contraire.
Ce que suggère les confrères, mais sans oser l’écrire vraiment, c’est donc une distinction entre la migration interne et la migration externe. La migration interne quand on passe de Bruxelles à la Flandre et à la Wallonie, ou inversement. La migration externe, quand on vient d’un autre État, qu’il s’agisse d’un pays de l’Union Européenne ou du reste du monde. Il est donc vrai que si Bruxelles voit sa population augmenter c’est en grande partie grâce à l’immigration internationale : des français, des roumains, des italiens, des ukrainiens qui sont venus s’installer à Bruxelles ces dernières années. Il me semble particulièrement délicat (pour ne pas dire politiquement douteux) de cataloguer les Bruxellois en fonction de leur origine. Pour écrire que Bruxelles perd des habitants, il faut ne pas tenir compte de ces nouveaux arrivants. Cela revient à leur refuser la qualité de Bruxellois. C’est pourtant la réalité de Bruxelles : 36% des Bruxellois sont de nationalité étrangère. Parmi eux la majorité sont des européens, avec en tête les français et en deuxième place les roumains. Et encore mieux : 59 % des bruxellois (oui, 6 habitants sur 10) n’ont pas la nationalité belge à la naissance. C’est la réalité de notre région avec 179 nationalités recensées. Une région cosmopolite qui, donc, gagne des habitants chaque année. Et nous, on en est plutôt fier.