L’édito de Fabrice Grosfilley : au nom de la stabilité gouvernementale

Il n’y aura donc pas de vote de la motion de défiance visant Hadja Lahbib. Les groupes socialiste et écologiste ont finalement décidé d’approuver la motion pure et simple des libéraux. Une motion qui aura pour effet de purger l’ordre du jour de la séance plénière de demain : une fois qu’elle est formellement approuvées, les motions de défiance sont retirées. Hadja Lahbib et le Mouvement Réformateur peuvent donc pousser un ouf de soulagement. Même si le PS et Ecolo ont tenu à préciser que la confiance n’était pas rétablie avec la ministre des Affaires étrangères et que leur décision consiste surtout à éviter une crise gouvernementale.

Cette annonce d’un semblant de cohésion gouvernementale subitement retrouvée peut paraitre étonnante. Elle est en contradiction avec les propos pleine de mâle assurance qui affirmaient hier matin encore que la ministre avait menti, qu’il n’était plus possible pour les parlementaires de travailler en confiance avec elle, qu’elle portait la responsabilité de la crise et qu’elle devait en tirer les conséquences. En termes de conséquences, la ministre pourra bel et bien se maintenir à son poste. Elle est affaiblie par la polémique bien sûr, mais elle est toujours ministre. L’opposition pourra donc railler ces députés de la majorité qui accusent une ministre de mensonge, de dissimulation et d’omission, mais qui au final n’osent pas actionner le couperet et lui demander vraiment de partir. Un aveu de faiblesse. Ou au minimum un décalage entre des propos qui paraissaient sans concessions à l’égard d’Hadja Lahbib, et un vote qui finalement sera beaucoup plus accommodant.

Alors bien sûr, cette reculade peut s’expliquer. D’abord, pour une question de forme. Parce que la motion pure et simple associait Hadja Lahbib et Alexander De Croo. Il y était stipulé qu’après avoir entendu la ministre des Affaires étrangères et le premier ministre, le parlement écartait les motions de défiance. Ne pas voter ce texte, c’était donc désavouer Hadja Lahbib mais aussi Alexander De Croo. Un crime de lèse premier-ministre que les socialiste et écologiste n’ont pas osé commettre. Les premiers à céder ont été les socialistes flamands de Vooruit qui l’avait fait savoir dès hier matin. Le PS francophone puis les écologistes se sont finalement alignés en fin de journée. On voit ici à quel point le chef de gouvernement a effectivement joué le rôle de paratonnerre (et l’on peut s’interroger sur cette méthode qui consiste à associer deux noms dans une seule motion, du jamais-vu de mémoire parlementaire, et qui, si elle se répète à l’avenir, rendra impossible la sanction de tout ministre).  Et, puis il y a une raison de fond, que les deux partis expliquent dans leur communiqué et vont tenter de défendre auprès de l’opinion : être des formations politiques responsables, qui font passer la stabilité de l’État et l’intérêt des citoyens avant tout. Un geste de responsabilité et d’apaisement en quelque sorte, qui doit permettre à la majorité de retrouver un peu de stabilité et surtout n’hypothèque pas le travail en cours : la négociation de la prolongation de deux réacteurs nucléaires, l’accord avec Engie est imminent, la confection d’une réforme fiscale qui doit permettre de rendre du pouvoir d’achat aux salariés, une réforme des pensions que l’Europe nous demande… Bref, tout ce que le citoyen est en droit d’attendre de ses gouvernants. Et l’on ne vous parle pas de la politique climatique ou du survol de Bruxelles. L’aile gauche du gouvernement avait bien mis la main sur son revolver. Elle a finalement renoncé à faire feu sur Hadja Lahbi de peur qu’une balle perdue n’atteigne le Premier Ministre et que ce soit finalement tout le gouvernement qui s’écroule.

Au final, on pourra évidemment souligner que c’est beaucoup de cinéma pour pas grand-chose.  Que la hauteur de l’indignation et le volume sonore de déclarations des derniers jours étaient finalement bien excessifs si c’était pour arriver à ce résultat. Le genre de distorsion qui ne peut que rendre la politique encore un peu plus incompréhensible. Un cirque, une comédie, une exagération permanente diront donc les partis populistes. Et, nous, sans sombrer dans ce sentiment populiste ou antipolitique, on forme juste un vœu : celui que cette crise ne soit pas suivie d’une autre crise. Et, que la majorité se ressaisisse vraiment. Qu’elle soit, par exemple, en mesure de boucler une réforme fiscale réellement avantageuse pour les citoyens. Que nous n’assistions pas de nouveau dans trois jours à de nouvelles crispations où les cris de guerre des uns et des autres prendraient au final beaucoup de place que la qualité de la réforme elle-même.

Fabrice Grosfilley