La proposition d’ordonnance “sparadrap” très inspirée par les avocats d’Uber

Ce mercredi midi en bureau élargi a été déposé la proposition d’ordonnance dite sparadrap pour permettre aux chauffeurs LVC de travailler à nouveau. Cosignée par DéFi, one.brussels, Groen et l’Open VLD, elle est très inspirée des recommandations faites par les avocats d’Uber. Elle sera prise en considération lors d’une plénière extraordinaire ce vendredi au parlement bruxellois.

Depuis quelques jours, les échanges sont plutôt vifs autour du dossier Uber et du plan taxi de la Région bruxelloise. Afin de permettre aux chauffeurs LVC de retravailler le plus rapidement possible, tous les groupes politiques y vont de leur proposition. Lundi, surprenant tout le monde, le chef de groupe PS, Ridouane Chahid a déposé une proposition d’ordonnance pour le plan taxi, contournant ainsi le gouvernement bruxellois.

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En même temps, une proposition d’ordonnance dite “sparadrap” a été déposée par DéFi, one.brussels, Groen et l’Open VLD. Rapidement, le MR, le cdH et la N-VA ont dit vouloir la cosignée. Ecolo est resté d’abord en retrait, ne souhaitant pas de majorité alternative au sein du gouvernement puis son chef de groupe, John Pitseys, a annoncé la soutenir. Le but pour Ecolo est de trouver un texte qui convienne à tous les partis de la majorité.

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Une ordonnance écrite par Uber?

Mais que contient cette proposition d’ordonnance en urgence? Selon le chef de groupe socialiste, Ridouane Chahid, elle aurait été dictée par Uber. Nous avons eu accès au document qui a servi de base au travail ainsi qu’au texte de l’ordonnance. Les similitudes sont très importantes. Le texte de base aurait été écrit par les avocats d’Uber et transmis aux différents cabinets des ministres régionaux.

“J’ai effectivement reçu une proposition venant des avocats d’Uber qui expliquait comment devrait être modifié l’ordonnance du 27 avril 1995 relative aux services de taxis et aux services de location de voiture avec chauffeurs, explique Matthieu Pillois, spécialiste mobilité au sein du cabinet du ministre de l’Emploi, Bernard Clerfayt (DéFi). Je l’examine et je pense qu’elle va dans le même sens que l’accord qui a été trouvé jeudi midi entre les ministres. Ne voyant pas venir de proposition de la part du cabinet du ministre-président, je la transfère au chef de cabinet de Rudi Vervoort en disant que cela vient d’Uber et qu’il faudrait la faire analyser par les avocats de la Région. Vendredi midi, on nous répond que selon nos avocats, cela ne va pas. Et puis, vendredi soir, le chef de cabinet de Rudi Vervoort nous renvoie la proposition d’ordonnance avec des modifications en nous disant qu’elle peut être transférée aux chefs de groupe au parlement.”

Matthieu Pillois se défend d’être le porte-parole d’Uber, rappelant qu’il a des contacts avec les fédérations de taxis et que donc pour lui, vendredi soir, il peut partir avec le sentiment du devoir accompli. Il avait été décidé de trouver une solution en urgence pour permettre aux 2.000 indépendants travaillant pour Uber de circuler à nouveau dans les rues de la capitale et une proposition d’ordonnance qui convenait à tout le monde avait été rédigée.

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Quelles sont les modifications ?

Entre les deux textes, certains éléments ont effectivement été modifiés. Tout d’abord, Uber souhaitait que l’ordonnance de 1995 soit modifiée. Elle demandait qu’une fois la réservation d’un véhicule faite, il ne soit plus considéré comme mis à la disposition du public. On peut aussi y trouver le fait que la réservation peut se faire par voie téléphonique ou électronique, mais ne peut être hélé sur la voie publique. Les véhicules LVC ne peuvent pas stationner au point taxi. 

Finalement, le texte qui avait obtenu un accord de tous les partis bruxellois avant d’être déposé par DéFI, one.brussels, Groen et l’Open VLD, ne concerne plus directement une modification de l’ordonnance de 95. Ce sont uniquement des dérogations. En plus, les changements ont une durée limitée au 22 juillet 2022. Les auteurs estiment qu’à cette date, le plan taxi aura été approuvé. Enfin, les dérogations ne concernent que les chauffeurs ayant démarré leur collaboration avec Uber avant le 15 janvier 2021, date à laquelle un autre arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles a jugé que le montage juridique sur lequel repose la plateforme UberX est constitutif d’une fraude à la loi.

“Nous n’avons pas fait un copier-coller de la proposition d’Uberajoute Matthieu Pillois. Le PS aurait aussi pu apporter plus de modifications. Pour nous, il était acceptable ainsi.”

Vers un apaisement

Pour certains, Rudi Vervoort se serait fait doubler par son groupe politique“Il a du mal à tenir le groupe PS sur ce dossier, nous confie-t-on. Le texte en urgence ne correspond pas à ce que souhaite le secteur des taxis et donc Ridouane Chahid et Jamal Ikazban.”

Finalement ce mercredi midi, les tensions au sein de la majorité s’apaisent quelque peu. En bureau élargi, quatre textes ont été déposés : la proposition d’ordonnance des quatre partis de la majorité, la proposition de plan taxi du PS, la proposition du plan taxi du MR et la proposition du PTB.

“Cela permet à tout le monde de sauver la face, commente un député. Et si le plan taxi passe par le parlement, cela permettra d’avoir des auditions de tout le secteur en commission.”

Pour la proposition d’ordonnance des quatre partis de la majorité, soutenue par l’opposition à l’exception du PTB, une requête en extrême urgence a été sollicité auprès du conseil d’Etat. Vendredi, elle sera prise en considération lors d’une plénière extraordinaire. Si le conseil d’Etat a rendu son avis, alors elle sera discutée mardi en commission affaires intérieures et pourra être votée le 10 décembre.

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Pour les autres textes, l’extrême urgence n’a pas été invoquée. Ce mercredi, de nouvelles discussions ont eu lieu et finalement, le dossier reste dans les mains du gouvernement bruxellois et donc de Rudi Vervoort pour qu’il corresponde à l’accord de majorité. Cela permettra au ministre-président bruxellois de se positionner sur un dossier qu’il souhaitait obtenir dès le début des négociations pour la formation du gouvernement.

Vanessa Lhuillier – Photo : BX1