“Jeanne d’Arc au bûcher” ne fait pas l’unanimité : la Monnaie défend la liberté artistique

Un opéra intitulé “Jeanne d’Arc au bûcher” sera représenté à plusieurs reprises au Théâtre de la Monnaie durant le mois de novembre. C’est un portrait que dresse Romeo Castellucci.

Le portrait de Jeanne d’Arc que brosse le metteur en scène Romeo Castellucci dans la production acclamée de Jeanne d’Arc au bûcher (qui sera à l’affiche de la Monnaie au mois de novembre) ne fait pas l’unanimité. “Ce qui est une bonne chose“, explique le directeur du Théâtre de la Monnaie. La Fédération Pro Europa Christiana requiert cependant l’annulation de la production et consolide sa demande par une pétition. Pour eux, “le personnage-symbole de sainte Jeanne d’Arc est à nouveau la cible d’une représentation pornographique. Ça suffit ! Souiller publiquement la figure de sainte Jeanne d’Arc est inacceptable !” La Fédération s’offusque que Jeanne d’Arc apparaisse sur scène en vêtements masculins, par exemple. Elle appelle à signer une pétition qui a déjà recueilli près de 10.000 signatures et a adressé une lettre au directeur du Théâtre royal de la Monnaie.

Qui est Pro Europa Christiana

Mais qui se cache derrière cette institution qui estime “qu’à travers la Pucelle, c’est l’union de la France avec Dieu qui est prise pour cible”… La Fédération pro Europa Christiana a été créée en 2002 et rassemble des associations européennes “qui œuvrent pour la défense des valeurs chrétiennes dans l’ordre social”. Basée en France, plus précisément en Lorraine, à savoir – selon l’organisme – le “vrai carrefour de l’Europe”, la Fédération peut compter sur ses membres, actifs évidemment en France, au Portugal, en Allemagne et en Autriche mais également sur les réseaux sociaux, engrangeant des fidèles “de toute l’Europe”.

Des colloques et des conférences sont organisées pour les membres, principalement en France. Les thématiques sont toujours les mêmes : Dieu, Jésus Christ et les valeurs chrétiennes. Et parmi les chevaux de bataille de pro Europa Christiana, figure notamment la défense des valeurs spirituelles qui sont le “fondement de la civilisation européenne”. Dans son combat, la fédération s’inspire des principes de l’Evangile et veille à ce que les représentations de la chrétienté soient respectées, pour ne pas donner lieu à une forme blasphème à propos du Père, du Fils ou Saint Esprit. Et la figure de Jeanne d’Arc fait partie des personnages sur lesquels veille Pro Christiana.

C’est pourquoi la Fédération, outrée par la pièce proposée par le théâtre de la Monnaie, appelle la direction à ne pas “souiller publiquement la figure de sainte Jeanne d’Arc” et demande l’annulation immédiate de ce spectacle “obscène et offensant pour les chrétiens”.

Ce n’est pas la première fois que pro Europa Christiana réagi à la mise en scène de cette pièce qui avait déjà été jouée à Lyon, suscitant, là aussi, le courroux de la fédération.

La liberté d’expression

Pour la Monnaie, cette initiative va trop loin. Voici les arguments qui les convainquent qu’il s’agit bel et bien d’une production de grande valeur. “Au cours des siècles, le personnage de Jeanne d’Arc a fait l’objet d’interprétations diverses et paradoxales. Son image a été régulièrement redessinée, revue, corrigée, déformée, en fonction des idéologies dominantes. Comme le dit le titre d’un texte repris dans notre programme, Jeanne fut en effet une « héroïne polymorphe à usages multiples”, explique la Monnaie, dans un communiqué.

Romeo Castellucci souhaite défaire Jeanne d’Arc des différentes interprétations dont elle a fait l’objet au fil des siècles“.

La Monnaie est particulièrement attachée à la liberté d’expression. Nous respectons les opinions des autres, mais nous leur demandons de faire preuve du même respect à notre égard. La Monnaie soutient à 100 % la production de Romeo Castellucci. Mieux encore, nous pensons qu’il s’agit d’un spectacle incontournable“, conclut le communiqué.

C.Bk avec M. Ben / Image: S.Van Rompay / Pro Europa Christiana