Il y a cent ans, la Reine Elisabeth était l’une des premières à visiter la tombe de Toutankhamon

Retour sur un des plus fameux épisodes de l’égyptologie belge et bruxelloise.

Nous sommes le 18 février 1923 : ce jour-là, dans la Vallée des Rois, au Nord de Louxor en Égypte, la Reine Elisabeth de Belgique est parmi les premières à pénétrer dans la chambre funéraire du plus célèbre des pharaons, Toutankhamon. Avec ce voyage, accompagnée de son fils, le futur Léopold III âgé alors de vingt-et-un ans, et de l’égyptologue bruxellois Jean Capart, la monarque lance un essor sans précédent de l’égyptologie dans notre pays.

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Cet épisode débute quelques semaines auparavant, à Bruxelles : depuis la capitale, la reine apprend la découverte du tombeau de Toutankhamon par le Britannique Howard Carter. “Elle a tout de suite dit : je dois y aller, je dois être là“, nous relate Lore Vandoorne, porte-parole du Palais royal. Elle entreprend alors un long voyage pour se rendre en Égypte : elle se rend en train royal de Bruxelles à Gênes (Italie), avant d’embarquer sur le bateau Esperia jusqu’à Alexandrie (Égypte), où elle débarque le 15 février. “Et puis encore un train jusqu’au Caire, et enfin elle s’est directement rendue à Louxor“.

Le 15 février 1923, la reine débarque à Alexandrie

Elle séjourne alors au Winter Palace, un grand hôtel de Louxor. Si l’ouverture officielle de la troisième chambre funéraire du pharaon est d’abord prévue le 17 février, l’événement est retardé : la reine est souffrante.

Elle s’y rend finalement le lendemain, vêtue d’une veste au col en fourrure. “Les photographes sur place n’ont pas très bien compris pourquoi elle était habillée comme s’il faisait si froid. Mais je comprends : elle voulait se protéger contre le sable, je suppose“, commente Lore Vandoorne.

La Reine Elisabeth, vêtue de son manteau, avec Jean Capart

La découverte de la tombe

Ce jour-là, la Reine des Belges pénètre dans la tombe. “La Reine, lorsqu’elle sort, est bouleversée : elle raconte que tous les objets étaient encore à la même place qu’il y a trois mille ans. Elle était tellement impressionnée qu’elle devait s’asseoir à côté de la tombe“, indique la porte-parole du Palais, comme en témoignent des clichés pris à l’époque, où l’on voit Elisabeth de Belgique assise à la sortie du tombeau.

La Reine (à gauche) à la sortie du tombeau

Elle poursuit ensuite son voyage, visite plusieurs sites, notamment le long du Nil, puis rentre en Belgique. À son retour, elle accepte d’offrir son Haut Patronage à une nouvelle institution, qui portera son nom : la Fondation égyptologique Reine Elisabeth. “Elle a tout de suite mis en action ses réseaux pour s’assurer que la Fondation puisse exister et faire en sorte que la Fondation puisse faire plein de choses“, parmi lesquelles le financement de plusieurs fouilles, et la création de la bibliothèque d’égyptologie du Cinquantenaire, précise Lore Vandoorne.

Je pense que la Reine a aidé à rendre l’égyptologie en Belgique très importante et très visible“, ajoute la porte-parole du Palais. La monarque reviendra en 1930 en Égypte, lors d’une visite d’État accompagnée de son époux, le Roi Albert.

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Un fragment de la tombe à Bruxelles

De ce voyage, la Reine Elisabeth conservera une bonne partie de son existence un minuscule témoignage : un morceau de lin, qui se trouvait dans le tombeau du pharaon. “Il faisait partie de l’un de ces velums en lin qui surplombait le sarcophage de Toutankhamon dans sa tombe“, explique Luc Delvaux, conservateur des collections Égypte aux Musées Royaux d’Art et d’Histoire. À l’époque, le fait que cet échantillon soit découpé et remis à la Reine a “certainement été mal vu par les autorités égyptiennes, qui n’avaient pas très envie de voir partir à l’étranger un petit morceau, mais je crois que cela s’est fait de matière extrêmement discrète“.

L’objet est exposé au Cinquantenaire depuis 1951, dans les salles consacrées aux collections égyptiennes.

Le fragment de velum exposé au Cinquantenaire

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Commémorer le passé et célébrer le futur, lors d’une visite de travail

L’anniversaire de ce voyage historique sera d’ailleurs commémoré lors d’une visite de travail, que la Reine Mathilde et la Princesse héritière Elisabeth réaliseront du 14 au 16 mars prochain, en Égypte. La souveraine et la Duchesse de Brabant visiteront plusieurs sites, notamment le tombeau de Toutankhamon, et assisteront au Caire au vernissage d’une exposition consacrée à la Reine Elisabeth et à l’égyptologie belge.

Elles vont suivre les traces de la Reine Elisabeth, alors même que la Princesse Elisabeth a vingt-et-un ans, comme le prince héritier Léopold à l’époque. Elles vont suivre le passé, les traces de la Reine Elisabeth, mais aussi regarder le futur, en visitant des fouilles archéologiques d’universités belges. C’est regarder le futur avec le passé dans le dos“, conclut Lore Vandoorne.

 

Arnaud Bruckner – Photos : Archives du Palais royal – Vidéo : extrait du reportage En Immersion du 10/02/23