Finances communales : 6 communes n’ont toujours pas rendu leur budget
À la date du 16 mai 2022, Anderlecht, Etterbeek, Ganshoren, Ixelles, Saint-Josse et Saint-Gilles n’ont toujours pas pu boucler le difficile exercice budgétaire 2022. Elles fonctionnent en 12e provisoire en espérant pouvoir rendre leur devoir en juin prochain.
C’est un refrain que l’on entend presque chaque année depuis plus de 10 ans. Les communes bruxelloises ont de plus en plus de mal à boucler leur budget en atteignant l’équilibre demandé par la Région tout en ne dépassant pas les hausses de 2%. Les communes pensaient avoir fait le plus dur avec les frais supplémentaires engendrés par la crise du covid que cela soit en termes de dépenses pour les protections (masques, gel hydroalcoolique, gants, nettoyage…) que pour les aides fournies à la population et aux entreprises (suppression de la taxe sur les terrasses pour les restaurateurs, baisse des loyers pour les baux commerciaux, augmentation de la dotation aux CPAS…). Seulement, c’était sans compter la guerre en Ukraine, la hausse du coût de l’énergie et l’inflation galopante.
À cela s’ajoute aussi une revalorisation barémique pour les fonctionnaires des communes afin de rattraper la différence avec les fonctionnaires régionaux. Cette décision, justifiée à en croire les différents bourgmestres, grévait déjà les finances communales de plusieurs millions d’euros. Le bourgmestre de Woluwe-Saint-Lambert, Olivier Maingain (DéFi) n’a d’ailleurs pas hésité à introduire un recours au conseil d’État.
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Des budgets en déficit
En 2020, la crise sanitaire avait déjà mis à mal les finances communales avec un surcoût et des pertes de recettes de plus de 41 millions. Les entités locales ont donc déjà puisé dans leurs réserves pour 2021. Et pour 2022, plusieurs communes n’ont pas eu d’autres choix que de rendre un budget en déficit. C’est le cas pour la Ville de Bruxelles ou Forest. À Anderlecht, le budget n’est toujours pas bouclé, mais il sera en déficit. Le bourgmestre socialiste Fabrice Cumps espère pouvoir le rendre en juin, mais sans garantie. “Nous devons intégrer trois voire quatre indexations. Or, les frais de personnel sont les plus gros postes de dépenses. Nous avons un déficit de base de 20 millions et une augmentation de la dotation au CPAS de 5 millions d’euros.“
Pour Anderlecht, il n’était pas question de toucher à la taxation des habitants, alors on est allé prélever là où cela était encore possible. “Nous allons augmenter la taxe sur les parkings pour les bureaux ainsi que la taxe sur les bureaux et créer d’autres petites taxes. L’accord sur la revalorisation salariale nous plombe vraiment. Heureusement que la hausse du coût de l’énergie ne nous impacte pas encore cette année, car nous avions un contrat fixe, mais cela va arriver.”
À Ganshoren, la fumée blanche est enfin sortie. Le budget sera présenté au conseil communal de ce jeudi, mais il sera en déficit pour cette année. En 2023 et 2024, il devrait revenir à l’équilibre. “Nous connaissons les mêmes difficultés que les autres communes, décrypte l’échevin des Finances, Stéphane Obeid (MR). Les barèmes des fonctionnaires augmentent de 25%, notre dotation au CPAS va doubler à l’horizon 2024 par rapport à 2019. En plus, notre densité de bureaux est faible donc ce n’est pas un levier fiscal important pour nous. Et enfin, nous payons plus à la zone de police que Berchem.”
Pour Ixelles, la tâche est aussi loin d’être aisée. L’échevin des Finances, Romain De Reusme (PS) annonce la date du 16 juin prochain. “Je ne peux pas en dire plus pour le moment, car nous sommes toujours en cours de travail. Cependant, la première difficulté est évidemment celle de l’inflation et donc de l’indexation. Nous devons évaluer financièrement toutes nos politiques.”
Le cas d’Etterbeek
A Etterbeek, le budget a bien été voté le 2 mai. Seulement, un conseiller communal a estimé ne pas avoir eu les documents assez en avance et a introduit un recours. Un vote de confirmation doit avoir lieu ce jeudi. Officiellement, la tutelle régionale n’a donc toujours encodé le budget. “Nous l’avons bien remis pourtant, rétorque le bourgmestre Vincent De Wolf (MR). Nous avons réussi à diminuer nos frais de fonctionnement pour le rendre avec un léger boni. J’espère bien que nous pourrons encore réduire l’impôt sur les personnes physiques les deux prochaines années. Cependant, on ne sait pas quelle catastrophe pourrait encore arriver.”
Une situation qui perdure
À Saint-Josse, rien n’est joué. Le bourgmestre Emir Kir (Indépendant), espère le boucler pour la fin mai, mais le doute s’installe et il parle plutôt de la 1ère quinzaine de juin. “Nous n’avons jamais connu 4 indexations. C’est certainement le budget le plus complexe de toute ma carrière et je ne suis pas certain que cela s’améliore ensuite. L’inflation risque de durer encore une année et nous aurons aussi les coûts de l’énergie. Déjà maintenant, certaines rénovations nous coûtent beaucoup plus que prévu à cause de la hausse du prix des matériaux.”
À Saint-Gilles, on promet également un budget pour le mois de juin. “Nous aurions été dans de la fiction budgétaire si nous l’avions rendu avant, commente l’échevin des Finances et futur bourgmestre, Jean Spinette (PS). Il est impossible aujourd’hui de rendre un budget en équilibre et avec 2% de croissance comme le demande la tutelle régionale. Nous ne pouvons plus réduire le personnel. Nous pouvons ne pas le remplacer et faire des économies en engageant des personnes plus jeunes, mais les frais de pension seront toujours là. Nous avons donc dû préparer un bouquet printanier de mesures fiscales avec des nouvelles taxes sur les salissures. Nous avons chaque année, 591 tonnes d’encombrants qu’il faut enlever, ce qui a un coût. Nous allons augmenter les caméras de surveillance pour les prendre en flagrant délit.” À ces mesures s’ajoutent une hausse de la taxe sur les bâtiments inoccupés, les logements meublés ou alors les colivings qui fleurissent dans la commune.
“Nous ne voulions pas jouer sur la fiscalité des particuliers. Nous avons ainsi attendu le résultat du compte pour combler une partie du déficit, mais nous serons à l’équilibre sur le plan triennal que nous devons rendre simultanément.” L’échevin reste cependant prudent, car le nombre de personnes touchant le revenu d’intégration a augmenté de 14%, les coûts de l’énergie n’ont pas encore été touché et les négociations pour la revolarisation du salaire des policiers est toujours en cours au fédéral. Elles ne devraient pas aboutir cette année.
“J’essaie de regarder ce qui se fait dans les autres communes pour que Saint-Gilles reste dans la moyenne fiscale régionale même si nous avons d’autres frais comme le home, la piscine et bien sûr les hôpitaux. Nous allons d’ailleurs mettre en place un groupe de travail avec les communes hospitalières et le ministre des Pouvoirs locaux, Bernard Clerfayt (DéFi). Et j’espère aussi que la tutelle va comprendre la pression qu’elle exerce sur les budgets communaux.”
Si ces 6 communes sont clairement très en retard dans la confection de leur budget, cela ne veut pas dire pour autant que celles qui ont remis leur copie plus tôt sont sorties d’affaires. Elles n’avaient pas prévu une telle indexation des salaires. Leurs comptes seront donc très éloignés de leur budget, avec certainement des déficits encore plus importants.
Vanessa Lhuillier – Photo : Belga