Du smartphone au changement de statut : les dossiers chauds de l’enseignement

La rentrée, c’est aujourd’hui. L’occasion de développer les grandes lignes de ce que le nouveau gouvernement a prévu pour l’enseignement avec Roland Lahaye, secrétaire général de la CSC Enseignement. “L’attaque du statut est une attaque frontale et directe au corps enseignant”, dit-il ce lundi au micro de Fabrice Grosfilley, même si “les premiers contacts avec la ministre Galtigny sont encourageants”.

Le 11 juillet, Georges-Louis Bouchez et Maxime Prévot avaient dévoilé la déclaration de politique communautaire (DPC). Plusieurs mesures ont fait grincer des dents les syndicats, “une vraie déclaration de guerre”, avaient-ils réagi. Celle sur la réforme du statut est celle qui les inquiète le plus. “Aujourd’hui, on a un système à deux vitesses qui rend tout le monde malheureux”, avait commenté Georges-Louis Bouchez. “Certains qui ont le statut. On pense qu’ils sont contents, mais pas toujours, parce qu’ils ont des progressions linéaires de carrière, ils ont des blocages, ils ne peuvent pas passer d’un réseau à l’autre, sinon ils perdent leur ancienneté. Donc certains se sentent parfois prisonniers de cette situation. Et de l’autre côté, on a des jeunes qui débutent et qui doivent attendre parfois dix ans, quinze ans avant d’être affectés à une école. Ils ont des petits bouts de contrat, ils n’ont aucune prévisibilité”, déclarait le président du MR début juillet.

Un argument qui n’est pas recevable selon Roland Lahaye, secrétaire général de la CSC Enseignement. “Je ne comprends pas du tout cet argument”, tranche-t-il ce lundi matin sur BX1 dans l’émission Bonjour Bruxelles. “Il y a d’autres moyens de permettre une mobilité quand on est jeune enseignant. Je rappelle que la précédente ministre, Caroline Désir, avait mis en place un pôle de remplacement expérimental qui n’a jamais été évalué. Il permettait d’être engagé pour une année complète tout en étant intérimaire. Je pense que c’était une bonne alternative. Il suffit de l’évaluer et de le corriger si besoin.”

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Pour lui, l’attaque du statut est une attaque frontale et directe au corps enseignant. “Avec cela, on s’attaque à la protection et à la vie privée. J’en ai marre de ceux qui affirment qu’un enseignant nommé est un enseignant auquel on ne peut pas toucher. Chaque année, nous avons des enseignants qui franchissent des limites et qui obtiennent des sanctions. C’est un raccourci graveleux que je ne supporte plus.”

Avec cette mesure, le gouvernement ne s’attaquerait pas à la bonne racine, selon le syndicaliste. “Je voudrais que les gens comprennent que lorsqu’il y a des personnes malades de longue durée, c’est la pénibilité du travail qui doit être pointée du doigt. Pas le statut des enseignants. Rendons-le moins pénible et arrêtons de faire des procès d’intention.”

 

Interdiction du smartphone à l’école primaire

Autre grand chantier de l’axe MR-Engagés : interdire l’utilisation du smartphone dans les classes. En tout, cela devrait toucher 132.600 élèves dans 373 établissements. “L’idée n’est pas que l’enfant n’ait pas son téléphone pendant son trajet en bus, mais de ne pas l’utiliser durant le temps scolaire”, avait notamment expliqué Cécile Marquette, directrice de la communication de Wallonie-Bruxelles Enseignement, à Belga.

Pour le syndicaliste, cet objectif est réalisable, même s’il estime qu’il y a d’autres moyens dans l’apprentissage de l’usage d’un téléphone mobile. “Je suis toujours interpellé par l’interdiction“, reprend-il. “On ferait mieux d’éduquer les élèves. C’est d’ailleurs le rôle des écoles. Les enseignants savent quand le téléphone peut être utilisé. Il faut avoir des règles de vie et des règlements d’ordre intérieur. Interdire, c’est facile. Je pense qu’il y a moyen de s’y prendre autrement.” D’ici deux semaines, un texte de loi devrait voir le jour pour légiférer sur le sujet. “On va y travailler rapidement, a précisé la miniostre Valérie Glatigny à notre micro.

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Le barème 501, un problème ?

Le barème 501 est le barème de base attribuable à un enseignant qui possède le niveau master enseignant au degré supérieur de l’enseignement secondaire. En gros, le gouvernement souhaite limiter l’accès au master et imposer des tâches supplémentaires à ceux qui le détiennent. Un énorme problème pour Roland Lahaye. C’est une injure par rapport à tous ceux qui ont été chercher ce master”, dégaine-t-il. “Si on pense que c’est facile, et que les futurs enseignants ont été le chercher pour l’argent, c’est se voiler la face. Ce que les enseignants veulent, c’est parfaire leur formation. Quand on me dit que ce n’est pas une plus-value pour l’école ou les collègues, c’est totalement faux ! Certaines personnes ont sacrifié une partie de leur vie privée pour obtenir ce barème. Qu’on leur laisse et qu’on cesse de les pénaliser.”

Du coup, quelle solution trouver est possible ? “Le problème vient du fait que les directions estiment qu’il n’est pas normal que des enseignants qui ont le master soient mieux rémunérés qu’elles. Pourquoi, du coup, ne pas ‘masteriser’ les directions d’écoles lorsque l’on veut devenir directeur ? Voilà une solution qui pourrait rééquilibrer les choses.”

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Gratuité des fournitures scolaires

Les mesures de gratuité scolaire actuellement en place jusqu’en 3e primaire en Fédération Wallonie-Bruxelles ne seront pas remises en cause”, a assuré lundi la ministre de l’Éducation, Valérie Glatigny au micro de la RTBF. L’intention de la majorité est d’évaluer son impact et sa mise en œuvre sur le terrain. Certaines écoles ne permettraient en effet pas aux enfants de ramener le matériel chez eux, contraignant alors les parents à racheter du matériel. D’autres écoles ont également fait état de phénomènes de gaspillage, a pointé Mme Glatigny.

La mesure, appliquée depuis 2019, coûte quelque 20 millions d’euros par an au budget de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Elle permet aux parents d’économiser une centaine d’euros à la rentrée, selon la Ligue des familles.

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Fusion de l’enseignement

Maxime Prévot a annoncé la volonté pour la coalition MR-Engagés de “fusionner l’ensemble du réseau officiel, pour pouvoir évoluer demain avec le réseau officiel restructuré d’un côté, et le libre de l’autre” (enseignement organisé par Wallonie-Bruxelles Enseignement et enseignement officiel subventionné). “La fusion, il faudra voir comment ils la déclinent. Nous plaidions plutôt pour des synergies entre réseaux, entre autres pour faciliter la mobilité des enseignants”, pointe Roland Lahaye. Actuellement, le texte parle d’une volonté, pas d’une décision. Le syndicaliste estime donc qu’il faudra voir à quel point cette mesure sera faisable ou non.

 

Évaluer le pacte d’excellence

Le “Pacte d’excellence” dans sa version actuelle sera revu pour devenir un “Pacte de confiance pour un enseignement d’excellence”, disait Maxime Prévot. Sur ce point, Roland Lahaye est plutôt d’accord puisque ce pacte est imparfait. “Le pacte pose problème parce qu’il a amené une surcharge de travail. Je suis pour un rééquilibrage. De là à jeter tout le pacte d’excellence à la poubelle, c’est un pas que je ne franchirai pas. Je suis disposé à en discuter.” Le “Pacte d’Excellence” va donc rester sur les rails pour être amélioré. Le message général est : attendons de voir comment les intentions seront traduites dans le concret.

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Un organe représentatif des enseignants

Pour nos confrères du Soir, Valérie Glatigny avait fait une déclaration forte : “Je vais mettre en place un panel représentatif du terrain.” Son objectif sera de créer de la confiance entre les enseignants mais aussi d’être à l’écoute de l’ensemble des enseignants, vu qu’ils ont des problématiques spécifiques. Il devrait être composé de 80 à 100 professionnels de l’éducation désireux de partager leur vécu.

Je déchante un peu, avoue Roland Lahaye. “C’est peut-être nier le rôle des organisations syndicales ou considérer que nous ne sommes pas représentatifs de notre personnel.” Pour rappel, les enseignants sont 120.000 en Belgique francophone. “J’espère qu’il ne s’agit pas d’un moyen pour contourner les syndicats. On représente 45.000 affiliés et notre rôle est de savoir comment se déroule leur travail. J’espère que cette centaine de personnes qu’elle souhaite réunir dira la même chose que ce qui nous revient lorsque nous interrogeons nos membres.”

Malgré ces inquiétudes, Roland Lahaye a été formel : aucune grève n’est prévue pour le moment. Mais il ne fermera certainement pas la porte si certaines limites sont franchies.

 

Rédaction 

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26 août 2024 - 18h12
Modifié le 27 août 2024 - 06h57