Des militants russes des droits de l’homme se sont réunis durant deux jours à Bruxelles
Quelque 300 personnes se sont retrouvées mardi et mercredi à Bruxelles à l’appel d’une plateforme d’associations pour échanger et discuter des droits humains en Russie, de la façon de s’opposer à la guerre que mène Vladimir Poutine en Ukraine et, plus généralement, de l’avenir de ce pays.
L'”Antiwar Initiatives Congress 2025″ (Congrès des initiatives contre la guerre) en est à sa troisième édition depuis le début de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine. Il était consacré cette année au mouvement anti-guerre et pro-démocratie en Russie. Il a regroupé un grand nombre d’ONG et de militants actifs pour beaucoup à l’échelle locale. Après un premier rassemblement à Berlin, il se tient désormais à Bruxelles, point central de la diplomatie européenne, dans un lieu tenu secret.
“Ce rassemblement est important: il crée un espace protégé où se retrouvent des gens qui veulent changer quelque chose. Il nous permet de voir les gens en personne alors que nous sommes habituellement dispersés à travers l’Europe et la Russie. Ici, nous partageons le même espace durant deux jours et nous avons la possibilité de discuter de sujets sensibles, de stratégies, de communiquer avec les organisations et les partenaires européens”, a expliqué l’une des responsables de la plateforme “Anti-war initiatives” à Berlin, Elena Stein.
Le congrès est soutenu par l’Union européenne et le ministère allemand des Affaires étrangères.
La guerre menée par la Russie a bouleversé l’Europe. “Il y a un avant et un après invasion”, a reconnu le chef du département Russie du Service d’action extérieure de l’UE, Dirk Schuebel. L’heure n’est pas à l’optimisme trois ans après le début de la guerre. “Le changement démocratique ne nous attend pas au coin de la rue”, selon le diplomate allemand. “Aussi longtemps qu’il n’y aura pas de démocratie et de respect des droits humains en Russie, celle-ci restera la menace la plus significative en Ukraine et en Europe”. “La société civile exerce une influence limitée sur l’agenda politique, y compris sur la guerre en Ukraine”, a-t-il constaté. L’UE maintient toutefois son soutien à cette société civile. “Nous voulons protéger ces structures locales pour qu’elles soient une alternative à cet Etat violent et meurtrier”.
Les panels de discussion ont abordé durant deux jours des thèmes divers: de la façon de s’organiser en s’inspirant des clubs sportifs locaux aux possibilités d’échapper à la conscription militaire en passant par la question des droits des LGBTQIA+. Un atelier était consacré aux scénarios du futur pour la Russie. Les intervenants venaient du milieu académique, associatif, juridique ou politique. L’un d’eux représentait la Fondation anti-corruption de l’opposant défunt Alexeï Navalny. Il y a été question d’élections, de droits de l’homme, de libertés syndicales et bien sûr de la guerre contre l’Ukraine. “Aucun avenir n’est possible dans un Etat qui mène une guerre de destruction”, a résumé l’un des activistes.
Même si bon nombre de participants ont fui en Europe pour échapper aux persécutions, ils conservent des liens étroits avec la Russie. “On ne changera rien sans connexion avec des gens en Russie, des partenaires, des citoyens. C’est un grand pays de 140 millions d’habitants et on ne peut pas prétendre que toute la Russie est pro-Poutine. A lire les statistiques, on pourrait affirmer que la plupart des gens le soutiennent mais je ne le crois pas. Beaucoup de gens vivent avec le minimum et n’ont pas une opinion politique très forte, ne se soucient pas de ce qui se passe autour d’eux. Et puis il y a des gens qui, à travers tout le pays, essaient de lutter contre le régime. Ils sont limités, ils risquent la prison s’ils manifestent ou postent quelque chose sur les réseaux sociaux. Tout le monde ne peut pas être un héros mais ils continuent chaque jour leurs petites actions. On ne voit peut-être pas de grand mouvement dans la rue mais je crois qu’avec l’accumulation des actions, leur consolidation, la protestation va s’amplifier”, a assuré Elena Stein.
Plusieurs intervenants avaient, eux, fait le chemin depuis la Russie dans la discrétion mais n’avaient reçu un visa que de quelques jours. “Ce n’est pas le visa que nous avions demandé et qui vous aurait protégé”, a assuré la rapporteuse du Conseil des droits de l’homme de l’ONU pour la Russie, Mariana Katzarova. L’ex-journaliste a regretté la situation de militants des droits de l’homme venant de Russie réfugiés dans un pays européen et qui attendent parfois depuis des années de recevoir un statut de protection internationale. “L’un d’eux attend depuis trois ans et demi dans un camp de demandeurs d’asile. Il y a peu, il me parlait de suicide”, a-t-elle déploré.
Outre des ateliers de discussion, des expositions étaient organisées. L’une d’elles, consacrée à la “120 Campaign”, rappelait le sort funeste réservé aux opposants au régime. Elle dresse le portrait de 120 opposants incarcérés parfois depuis années et laissés sans soins médicaux en dépit d’un état de santé critique (cancer, tuberculose, etc.). La société civile a “désespérément” besoin de la preuve qu’ils ne seront ni abandonnés, ni oubliés, réclament ses initiateurs.





