Des dispositifs anti-triche jugés discriminatoires par des étudiants à l’ULB
En cette période d’examens, la question divise à l’ULB : un professeur peut-il exiger que les oreilles et poignets de ses élèves soient visibles durant les épreuves afin d’éviter des triches? Pour certains étudiants, c’est une discrimination envers celles qui portent le voile. Un rassemblement silencieux avait lieu cet après-midi juste avant l’examen.
■ Reportage de Pierre Beaudot, Nicolas Scheenaerts et Corinne De Beul
Des mesures anti-triche pour une examen de 2e année de psychologie à l’ULB sont considérées comme discriminatoires par certains étudiants et étudiantes. Le titulaire du cours a requis que les poignets et oreilles soient dégagés durant l’épreuve. Dans quel but ? S’assurer qu’aucune oreillette ou montre connectée n’est utilisée lors de l’examen écrit.
Mais cela ne plait pas à l’Union syndicale étudiante qui estime que ce type de règles porte atteinte à celles qui portent le voile. “Il s’agit là d’une mesure extrêmement discriminante pour les étudiantes qui portent le voile, qui se retrouvent ainsi contraintes à dévoiler une partie de leur corps, en contradiction avec leurs convictions religieuses“, peut-on lire sur le communiqué.
Un rassemblement s’est tenu ce mardi à 16h devant l’auditoire Janson, sur le campus du Solbosch, avant l’examen. Le professeur en question, Christophe Leys, doyen de la faculté de Psychologie des sciences de l’éducation et de logopédie, avait déjà tenté d’appliquer ladite mesure le 21 janvier de cette année. Celui-ci avait demandé à ses assistantes de procéder aux vérifications, dans un climat parfois tendu.
“Toutes les alternatives ont été refusées”
Pour cet examen, le professeur a décidé de vérifier “ponctuellement, c’est-à-dire une fois“, les poignets et les oreilles, et demande au rectorat “de prendre des décisions structurelles. Ce genre de vérification est très inconfortable pour tout le monde.”
“Ce n’est pas possible, aujourd’hui, de ne pas vérifier la validité des épreuves et d’assurer que les diplômes ont de la valeur. La majorité des étudiants comprennent. Il y a beaucoup de mauvaise foi de la part de groupuscules. Je suis ouvert à de nombreuses propositions alternatives, tout a été refusé en bloc,” conclut-il.
“Légitime de vérifier, tant que la manière reste respectueuse”
“Ce cas n’est pas nouveau. Il est légitime pour les enseignants d’éviter des systèmes de triche. On sait très bien que les montres connectées et écouteurs peuvent être utilisés. Vérifier ce type de dispositif me semble donc répondre à un impératif correct. Mais cela dépend aussi de la manière dont on le communique aux principaux concernés et de comment le contrôle s’opère. Il faut le faire de manière respectueuse et non suspicieuse. Mais oui il est bel et bien légitime de vérifier qu’il n’y a pas de triche lors des examens“, détaille Patrick Charlier, directeur du Centre interfédéral pour l’égalité des chances (UNIA).
Quant à savoir si une mesure appliquée à tout le monde peut être discriminatoire, le patron de UNIA tient là encore un discours très clair : “Bien sûr. Si on dit à tout le monde de prendre l’escalier, c’est discriminatoire pour les personnes en chaise roulante, alors que la règle est identique. Une règle commune ou égale pour toutes et tous peut par conséquent être discriminante. Tout va dépendre des modalités et circonstances précises“.
“L’Université est confrontée à l’évolution des méthodes de tricherie”
Contacté, le rectorat de l’université nous a transmis une réaction écrite:
“Comme toute institution d’enseignement, l’Université est confrontée à l’évolution des méthodes de tricherie pendant les évaluations, notamment celles facilitées par les nouvelles technologies, tels que les objets connectés ou les outils d’intelligence artificielle. L’université dispose déjà d’un règlement général strict en matière de lutte contre la tricherie. Il est notamment interdit, sauf exception explicitement prévue pour des raisons pédagogiques, aux étudiantes et étudiants de se présenter à un examen en possession d’un appareil électronique de communication ou d’échanger, pendant toute la durée de l’épreuve, des propos, des signes, qu’ils soient physiques ou technologiques, ou des documents. L’ULB veille à l’application de cette réglementation dans les meilleures conditions et procède d’ailleurs à une mise à jour régulière de son Règlement général des Études. Un groupe de travail composé d’experts techniques et pédagogiques a ainsi été mandaté pour suivre de près ces évolutions, adapter les méthodes d’évaluation, et, le cas échéant, renforcer les dispositifs de prévention en matière de tricherie durant les évaluations”.
Romuald La Morté