Des agences bruxelloises de titres-services demandent des frais administratifs à leurs clients

En Wallonie, plusieurs sociétés de titres-services ont demandé à leurs clients de payer des frais administratifs en plus du prix du titre pour faire face à l’augmentation des coûts. A Bruxelles, certaines ont utilisé la même pratique même si la hausse des prix du carburant alourdit moins l’addition. Du côté du cabinet du ministre de l’Emploi, Bernard Clerfayt (DéFi), on travaille sur une réforme du système.

Depuis plusieurs semaines, les aides-ménagères et les sociétés qui les emploient tirent la sonnette d’alarme. Des frais de transport qui augmentent, des coûts supplémentaires au niveau énergétique et une indexation des salaires font craindre aux sociétés, une perte de rentabilité trop importante. Le prix du titre-service fixé à 9 euros n’a pas augmenté depuis 8 ans. 

Pourtant, la Région bruxelloise a maintes fois examiné cette possibilité. Cependant, passer la barre symbolique des 10 euros restait jusqu’à présent impossible. Et pour les finances régionales, il est tout aussi impossible d’augmenter la participation financière dans la rémunération des aides-ménagères.

Pour rappel, les Bruxellois, tout comme les Wallons et les Flamands, peuvent acheter des titres-services au prix de 9 euros à Sodexo pour les utiliser auprès d’une entreprise agréée pour des travaux de nettoyage, des courses ou du repassage à leur domicile. Sur les 150 premiers titres, il existe une déduction de 15% de l’impôt sur les personnes physiques. Pour compléter le revenu des aides-ménagères, la Région bruxelloise paie 14 euros à la société qui emploie l’aide-ménagère. Une heure vaut en réalité 23 euros et la travailleuse, vu que ce travail concerne majoritairement des femmes, touche entre 12 et 13 euros de l’heure.

Un abonnement pour des frais supplémentaires

“Nos frais ont augmenté de manière trop importante tout comme notre taux d’absentéisme qui est aujourd’hui de 11% au lieu de 5% avant le covid, explique Jérôme Paquot, directeur marketing chez Domestic Services, société qui emploie 35.000 aides-ménagères à Bruxelles et en Wallonie. Depuis le début de cette année, nous sommes dans le rouge tous les mois. Nous avons donc décidé de demander 10 euros par mois à nos clients à partir du 1er mai. Nous aurions préféré ne pas mettre ce forfait en œuvre.”

Avec ces 10 euros mensuels supplémentaires, rien ne change pour le client. Deux autres formules plus onéreuses existent avec lesquelles il peut se procurer des produits d’entretien. Dans le courrier envoyé par Domestic Services, la raison de ce forfait s’explique par la hausse des coûts et cela doit permettre de conserver le métier attractif. 5% des clients ont refusé de payer et ont changé d’agence.

Rendre le métier attractif

Les entreprises n’arrivent plus à recruter. Le métier d’aide-ménagère n’attire pas puisque l’expérience est rarement valorisée, le métier est éprouvant physiquement et il est rare de pouvoir exercer un temps plein“Nous pourrions engager 1.000 personnes supplémentaires pour répondre à la demande, ajoute Jérôme Paquot.

A Bruxelles, le secteur emploie 25.000 personnes et quelque 112.000 Bruxellois utilisent des titres-services. En 2021, plus de 16 millions de titres ont été émis. Le niveau d’avant covid a été retrouvé. On pourrait donc croire que c’est un secteur fleurissant. “Notre marge diminue tous les ans. On parle toujours de 47 millions de bénéfices pour le secteur, mais sur un chiffre d’affaires de 3 milliards d’euros, ce n’est rien. Notre marge n’est que de 1,5%. Personne ne veut investir dans un tel secteur”, précise Jérôme Paquot. Chez cette société, un tiers du forfait mensuel ira aux aides-ménagères pour augmenter leurs salaires.

Chez I.L&C, autre grand acteur des titres-services avec 2.500 employés, aucun frais supplémentaire n’est demandé. “Nous en discutons, mais ce n’est pas notre philosophie et je pense que cela doit se discuter avec l’ensemble du secteur, explique Chantal Schuster, directrice de la communication de I.L&C. Pour le moment, cela ne nous semble pas opportun même si nos marges diminuent. Nous sommes plus préoccupés par la pénurie de personnel depuis le covid. Nous participons à des job days, mais nous n’arrivons pas à engager. Le secteur n’est plus attractif et nous ne savons pas comment attirer du personnel.

Augmenter le salaire et le remboursement des frais de transport serait une première étape, mais insuffisante selon nos interlocuteurs. “Nous mettons en place des formations en langue, en dactylographie ou encore en premier secours, explique Jérôme Paquot de Domestic Services. Nous expliquons aussi aux aides-ménagères comment bien se positionner pour ne pas se blesser et nous les aidons dans leurs démarches administratives, particulièrement à Bruxelles.”

Une réforme en cours

Au niveau du cabinet du ministre de l’Emploi, Bernard Clerfayt (DéFi), il n’est pas question d’interdire ou d’encadrer ces frais supplémentaires, notamment parce que peu de sociétés bruxelloises les appliquent. Les aides-ménagères ne doivent pas parcourir autant de kilomètres que les Wallonnes et bien souvent, elles utilisent les transports en commun.

Cependant, une réforme du secteur est à l’étude depuis plusieurs mois. Les discussions avec les partenaires sociaux sont à mi-parcours. “Trois possibilités sont sur la table, nous explique-t-on au cabinet Clerfayt. Nous pouvons augmenter le prix du titre-service ou réduire la déductibilité fiscale ou procéder à un mélange des deux premières solutions. Cela doit encore se discuter avec les partenaires sociaux avant que nous puissions déposer une note au gouvernement.” 

Une autre question devra aussi être posée : le bien-être au travail et l’amélioration de la fin de carrière pour un métier pénible physiquement.

Vanessa Lhuillier – Photo: BX1

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19 avril 2022 - 17h45
Modifié le 20 avril 2022 - 10h58