Dépôts clandestins : un “fléau” en Région bruxelloise, qui souffre “d’un vide réglementaire”

Le ramassage des déchets clandestins le long des voies rapides créent des problèmes de sécurité et, par conséquent, de répartition des compétences. Une réflexion globale autour de la réattribution des missions des différents acteurs publics est en cours afin de présenter une proposition au futur gouvernement bruxellois.

Dans un reportage de ce mardi, nous constations un monticule de déchets qui ne cesse de s’agrandir sur le bord du ring à Anderlecht, juste avant la sortie vers Sint-Pieters-Leeuw. Un phénomène qui n’est pas nouveau, mais qui devient de plus en plus incontrôlable. “Malheureusement, c’est une situation que l’on connaît beaucoup trop souvent à Bruxelles“, constate Adel Lassouli, porte-parole de Bruxelles-Propreté. “Les dépôts clandestins sont un fléau et nos équipes travaillent quotidiennement sur leur ramassage. Chaque année, on déplore plus de 4.000 tonnes de déchets clandestins qui sont évacués pas nos équipes.

Des déchets pas seulement bruxellois

En décembre 2023, l’institut bruxellois de statistique et d’analyse (Ibsa), a sorti une “Évaluation de l’impact de la sensibilisation et des sanctions en matière de propreté dans l’espace public” menée de mars 2020 à septembre 2022.

Dans les entretiens effectués avec les communes et les institutions régionales en charge de la propreté, il est ressorti que les caractéristiques des contrevenants étaient très variées. Certains types d’infractions peuvent être assez spécifiques à certaines catégories de publics cibles. Ainsi, par exemple, les mineurs commettent plus d’infractions aux alentours des écoles et au temps de midi.

Par ailleurs, selon les acteurs communaux et régionaux interrogés, les infractions commises sur le territoire de la Région ne sont pas seulement le fait d’habitants de la Région. Elles sont également commises par des personnes venant des deux autres régions et parfois d’autres pays. Les auteurs de ces incivilités sont des particuliers et des professionnels.

Les zones habitées et résidentielles sont plus susceptibles de recevoir des petits dépôts issus des habitants. Les points sans contrôle (peu habités, inhabités, clôturés, terrains, vides, etc.) sont surtout propices pour les gros dépôts, de professionnels ou d’habitants, pointe également ce rapport. Les habitants des communes limitrophes à la Région bruxelloise profitent notamment des grands axes routiers de la capitale – difficiles à surveiller – pour effectuer leurs dépôts.

Bruxelles Mobilité ou Bruxelles-Propreté ?

Une fois ces dépôts constatés, les règles institutionnelles propres à la Région bruxelloise ne facilitent pas leur nettoyage. Entre voiries régionales et communales, les services de nettoyage et de mobilité se renvoient la balle.

Par défaut, c’est Bruxelles-Propreté qui est responsable du ramassage de ces dépôts, mais l’agence refuse d’envoyer ses agents sur des axes routiers rapides pour des raisons de sécurité. Pour ces cas particuliers, c’est l’agence Bruxelles-Mobilité, davantage équipée pour ce type d’intervention, qui reprend la main. Mais celle-ci rappelle que ces interventions ne font pas partie de ses missions de base. Ces interventions demandent d’importants moyens humains et matériels, à tel point que l’agence doit parfois faire appel à des prestataires extérieurs, ce qui représente un coût important.

Revoir | Versus – La propreté à Bruxelles, comment être plus efficace?

Des discussions sont en cours pour clarifier la répartition des compétences entre les acteurs en charge du nettoyage, “mais il existe actuellement un vide réglementaire“, pointe la porte-parole de Bruxelles Mobilité, Camille Thiry. “Il s’agit d’une réflexion globale sur la réattribution des missions des différents acteurs bruxellois, que ce soit Bruxelles Propreté, Bruxelles-Mobilité, Bruxelles Environnement ou encore la Stib“, précise Adel Lassouli. “Pour le ramassage des feuilles sur les voiries par exemple, qui est responsable ? Nous sommes en train de dresser un inventaire de ces missions afin de faire une proposition au futur gouvernement bruxellois.”

En attendant, Bruxelles Mobilité a accepté de prendre en charge le ramassage des dépôts le long des voies rapides jusqu’à fin 2025.

Identifications complexes

Pour éviter ces problèmes, la meilleure solution serait évidemment que ces dépôts n’existent pas. Pour cela, il faut que les fraudeurs puissent être identifiés et sanctionnés, mais cela s’avère complexe. L’identification ne peut en effet se faire que par deux moyens : les images captées par caméra et le flagrant délit. Or, le premier moyen a déjà montré ses limites : lorsqu’une caméra est posée, les fraudeurs se contentent d’aller un peu plus loin. Cela ne fait donc que déplacer le problème. Par ailleurs, sur le plan logistique, la vidéosurveillance présente l’inconvénient de coûter cher. 

Plusieurs bourgmestres, et particulièrement ceux des communes situées en bord de Région, plaident pour un renforcement des sanctions. Ils planchent sur l’augmentation des caméras, mais aussi des agents aptes à verbaliser. Ils insistent sur la prévention et l’importance d’une meilleure collaboration entre les niveaux de pouvoir.

Lorsqu’ils sont identifiés, les auteurs d’incivilités sur la voie publique encourent une taxe, une amende administrative ou une procédure judiciaire en fonction de la gravité de leur infraction, surtout en cas de récidive. Les montants des amendes encourues varient de quelques dizaines à plusieurs milliers d’euros. Récemment, une entreprise a par exemple été sanctionnée par Bruxelles Propreté à hauteur de 15.000 euros pour des frais d’amende et de nettoyage.

Victor de Thier