Covid-19 : quelle stratégie après les vagues de contamination ?
C’était la thématique du duel de +d’Actu, ce mardi.
Alors que les principales vagues de Covid semblent derrière nous, quelle stratégie désormais adopter pour gérer au long-terme la situation sanitaire ? Dans +d’Actu, ce mardi, Fabrice Grosfilley recevait Michel Goldman, professeur d’immunologie à l’ULB, et Yves Van Laethem, infectiologue au CHU Saint-Pierre. Au programme : plusieurs grandes questions.
Quelle est la situation aujourd’hui ?
Yves Van Laethem : La Covid continue à augmenter, mais cela ralentit peut-être un peu… On augmentait de 25%, on est plutôt à 15-20% pour l’instant. Pour les hospitalisations, toujours 15 à 20% d’augmentation, mais la mortalité stagne. Mais c’est malheureux que nous devons toujours déplorer une vingtaine de morts par jour. L’occupation des soins intensifs diminue très lentement, avec un plateau au niveau des 160-170 lits actuellement. Il faut toujours bien considérer que l’ennemi est présent, même si on a un peu poussé sur le bouton pause.
Quel est le profil des personnes qui sont toujours à risque, qui sont aux soins intensifs ou qui décèdent ?
Yves Van Laethem : Malgré une certaine variation, on a d’une part les personnes qui ne sont pas vaccinées, et qui sont avec des facteurs de risque (comme l’âge, ou des comorbidités comme l’obésité, l’hypertension, etc), mais c’est aussi un public beaucoup plus large qui est mis dans ce vaste amalgame des immunodéprimés. Qui va des personnes qui prennent une certaine dose de cortisone de manière chronique jusqu’à des personnes qui sont beaucoup plus sévèrement immunodéprimées, parce qu’elles sont greffées par exemple ou car elles ont des traitements pour des cancers. Et pour ceux-là, malgré leur grande compliance à la vaccination, leur corps se refuse à faire des anticorps. Ils sont alors encore des cibles potentielles pour l’infection, même avec Omicron.
Que sait-on du variant BA.2 ?
Michel Goldman : Il est excessivement contagieux, encore plus qu’Omicron, et cela explique effectivement le nombre de contaminations qui reste très élevé. Il est nettement moins méchant, a priori, lorsqu’on a un système immunitaire qui fonctionne et lorsqu’on a été vacciné. Cette vaccination, y compris le rappel, est indispensable : il suffit de regarder ce qu’il se passe dans d’autres pays où la protection vaccinale n’est pas bonne chez les patients, notamment âgés, comme à Hong Kong où ils sont dans une situation catastrophique. Les vaccins restent donc essentiels pour se protéger des formes graves.
Mais un point qui est largement négligé par les autorités sanitaires, c’est qu’il y a dans la population une petite fraction, sans doute de l’ordre de 1%, qui est incapable de répondre au vaccin, et qui aujourd’hui est extraordinaire exposé à des infections graves. Pourquoi ? Car nous savons tous que les mesures sont relâchées, on ne porte plus le masque : donc, ces gens-là doivent rester isolés pour éviter une infection qui pour eux peut être fatale. C’est ça le combat que l’on mène : que l’on prête plus attention à cette population très minoritaire mais qui peut payer un lourd tribut.
Le masque reste-t-il utile dans certaines circonstances ?
Yves Van Laethem : Je pense que toute une partie de la population qui est plus à risque a intérêt à employer encore les mesures barrière (et le masque est le plus simple et le plus rentable d’entre-eux), dans des circonstances où les gens sont concentrés à l’intérieur. C’est le cas des patients dont parlait Michel, mais aussi des personnes âgées, car on ne sait pas exactement quelle est leur réponse à la vaccination, malgré le rappel.
Quels sont les traitements existants aujourd’hui ?
Michel Goldman : Il y a plusieurs traitements qui existent, et nous plaidons pour que la Belgique aille beaucoup plus vite pour offrir l’accès à ces traitements, en particulier aux personnes les plus vulnérables. Pour les traitements déjà présents chez nous, il y a un anticorps monoclonal, le Xevudy, mais le problème est qu’il n’est pas actif contre le variant BA.2, et aux Etats-Unis on recommande d’ailleurs d’arrêter l’administration de cet anticorps lorsque le variant BA.2 est dominant, ce qui est le cas chez nous. Il y a d’autres possibilités : lorsque l’on fait le diagnostic et que l’on traite rapidement, il y a un médicament qui est disponible chez nous, donné par voie intraveineuse à l’hôpital : c’est le Remdesivir. Mais il y a un autre traitement, qui est donné par la bouche, qui est beaucoup plus simple, qui s’appelle le Paxlovid, qui est disponible dans beaucoup de pays mais pas chez nous, pour des raisons que personnellement je n’explique pas. Parce que des commandes sont prévues, il y a des négociations avec la firme [Pfizer, NDLR] qui me semblent traîner en longueur. Même s’il faut savoir que ce médicament doit être manipulé avec prudence, car il interagit avec d’autres médicaments qui peuvent être pris par le patient.
L’Espagne a décidé de relâcher très largement les mesures, c’est trop tôt ?
Yves Van Laethem : Actuellement, les Espagnols gardent quand même certaines précautions, au niveau des quarantaines par exemple. Ils vont dans une direction qui n’est pas très différente dans la nôtre, comme la plupart des pays occidentaux : se dire qu’à un moment il faudra vivre avec ce virus. Est-ce trop tôt ou pas, c’est toute la question. C’est une discussion qui peut avoir lieu : certains pays se sont lancés, mais l’Autriche remet le masque. Des politiques vont dans les deux sens autour d’un même axe.
ArBr – Photo : Belga (illustration)