Comment la culture tente de rebondir en ces temps troublés
Il y avait déjà eu trois mois de fermeture puis un soulagement cet été avec une reprise en douceur des activités dans les lieux culturels. Le public était de retour dans les fauteuils rouges mais en plus petit nombre. Aujourd’hui, les lieux culturels ont de nouveau baissé le rideau pour un mois, mais ils sont peu nombreux à croire à une réouverture avant la fin de l’année. Alors certains cherchent des alternatives, des moyens d’atteindre le public pour ne pas tomber dans la morosité ambiante.
Parce que la culture permet l’évasion de l’esprit, la réflexion, la création d’espoir, de sourires, elle ne peut pas disparaître même si les portes des institutions sont closes. Les bibliothèques et les librairies sont toujours là pour fournir des ouvrages. Et certains théâtres ont décidé de continuer, de proposer des formes différentes pour ne pas abandonner leur public et aussi faire travailler les comédiens. Car la culture est aussi un métier.
Au théâtre Varia, comme dans d’autres structures, on permet aux artistes de venir répéter les spectacles qui se joueront peut-être à partir du 20 novembre. Au Public, on a décidé de tenter l’expérience de virtuel. “Pour les personnes qui avaient déjà leur ticket pour Intra-Muros ou les Emotifs anonymes, nous allons tenter de faire une ou deux représentations en streaming, explique Gaëtan Bergez, porte-parole du théâtre Le Public. Nous devons voir si cela est possible techniquement mais cela ne nous permettra pas de sauver les prochains spectacles.”
Durant le premier confinement, Le Public avait proposé un spectacle de Richard Ruben et un autre de Marie-Paul Kumps en streaming mais la technique avait connu des ratés. En tout, 700 accès avaient tout de même été vendus. Si dans un mois les représentations peuvent reprendre avec les mesures sanitaires prises au niveau fédéral, la grande salle du théâtre pourrait accueillir 70 personnes. Or, pour arriver à l’équilibre financier, 85% de la salle doit être occupée. On en est loin et pour le moment, les aides à la billetterie promises par la ministre de la Culture, Bénédicte Linard (Ecolo), ne sont toujours pas là.
Rester positif
Au théâtre de Poche, on veut rester positif et créatif. Ici aussi, les répétitions se poursuivent comme le permet l’arrêté bruxellois. Et on pense déjà au futur. “Je souhaiterais mettre en place une bourse à la création pour les artistes qui veulent travailler sur le thème du rattrapage, précise Olivier Blin, directeur du théâtre de Poche. Il faut jouer sur l’espérance, réinventer le monde. Je veux communiquer de manière joyeuse.” Pour le mois d’août prochain, le théâtre proposera aussi des spectacles en plein air. Et les séances pourront être doublées pour éviter les concentrations de personnes.
Rester positif, c’est aussi le crédo de Damien Locqueneux avec son spectacle Contact. Il s’agit d’une pièce sonore en plein air. Le concept a été inventé en France juste après le déconfinement mais quand les salles étaient encore fermées. Les spectateurs sont sur l’espace public munis de leur smartphone et d’écouteurs. On leur diffuse les pensées des deux comédiens présents qui jouent la pièce tout en déambulant dans l’espace public. “Cela permet de vivre une expérience unique, confie le comédien. C’est très différent et les gens sont espacés. Techniquement, il s’agit de personnes qui marchent dans la rue donc nous pouvons continuer à le faire.” Pour le moment, les représentations se donnent au Sablon et dans le parc du Cinquantenaire.
Des initiatives pour aider la création
Pour les concerts, cela se complique. Dans les grandes salles comme le Cirque royal, tout est annulé et on commence aussi à reporter les événements prévus en janvier et février prochain. Au Cirque royal, 197 dates ont été reportées depuis mars dernier et la salle ne rapportera rien cette année.
Pour aider les artistes dans leur création, un fond hébergé par la Fondation Roi Baudouin a été créé en juin dernier. Il s’agit du Fund Belgian Music. Le fonds vient de lancer son premier appel à projets. Le but est d’investir dans des projets de relance en apportant un soutien financier aux musiciens belges qui démontrent qu’ils ou elles travaillent à relancer un projet dont les activités de lancement ont été annulées à cause du coronavirus. La date limite d’introduction d’un dossier pour ce premier appel à projets est le 12 novembre 2020. Un jury de professionnels passera en revue chaque dossier et l’annonce des projets sélectionnés aura lieu en décembre. Ce jury est composé de Marie-Paule Wouters, Eric Russon, John Terra, Pauline Leblanc, Cloé Defossez, Patrick Printz, Rrita Jashari et Aya Braem. Un financement à hauteur de 10.000 euros par dossier est possible.
Vivre la culture en ligne
Le festival d’Ars Musica, Solid-Ars, prévu du 6 au 27 novembre, rebondit et plusieurs concerts seront joués à huis clos et diffusés en ligne. Les places achetées restent ainsi valables.
A Bozar aussi on se rabat sur le numérique avec Radar. Grâce à un scan en 3D, il est possible de visiter les expositions de Bozar sans bouger de son canapé. Cela n’est évidemment par identique mais cela permet de découvrir.
Dans cette philosophie, le site agenda.brussels recense toutes les initiatives culturelles en ligne. Cela va des spectacles d’impro de l’Improviste au cirque dans un jardin d’une maison de repos. Les institutions culturelles qui le désirent sont aussi appelées pour y inscrire leurs événements.
Vanessa Lhuillier – Photo: BX1