Analyse : quelle est réellement la qualité de l’air que nous respirons à Bruxelles ?

Pollution Air Qualité - Belga Benoit Doppagne

En 2018, 632 personnes sont décédées prématurément dans la capitale à cause de la mauvaise qualité de l’air. Les maladies respiratoires peuvent être amplifiées à cause de la concentration de dioxyde d’azote et, sur le long terme, les particules fines peuvent provoquer des cancers. Mesurer la qualité de l’air que nous respirons est ainsi un enjeu majeur de santé publique. Et dans la capitale, les relevés sont très différents selon la localisation des stations de mesures.

Nous respirons 15.000 litres d’air par jour. Mais que respirons-nous exactement ? Sur l’ensemble de la Région bruxelloise, on compte 13 stations de mesures de la qualité de l’air. Neuf sont gérées par Bruxelles Environnement, deux par le Parlement européen et une par Engie (celle de Forest pour la centrale de Drogenbos). Elles sont situées aux quatre coins de la Région : Arts-Loi, Sainte-Catherine, Ixelles, Haren, Neder-over-Heembeek, Woluwe-Saint-Lambert, Uccle, Forest, Berchem-Sainte-Agathe, rue Belliard, Parlement européen, Molenbeek-Saint-Jean et maintenant la place De Brouckère. Ces stations ne mesurent cependant pas toutes la concentration en dioxyde d’azote et les plus précises relèvent également la concentration en particules fines. Ce sont les deux familles de polluants les plus présentes dans la capitale.

Les particules fines

Les particules fines sont classées en plusieurs catégories. Il y a les PM10 et les PM2.5. Ces chiffres correspondent à la taille des particules. Plus elles sont petites, plus elles sont dangereuses puisqu’elles rentrent plus facilement dans les alvéoles pulmonaires. Cela provoque de l’essoufflement, des risques respiratoires et cardio-vasculaires qui peuvent entraîner des maladies neurodégénératives. La concentration de ces particules peut être plus importante à cause des conditions météorologiques mais également d’une forte circulation automobile, d’un chantier… “Il est intéressant de les analyser car leurs effets sur la santé se voit sur le long terme, explique Olivier Brasseur, responsable des études sur la qualité de l’air pour Bruxelles Environnement. Malheureusement, toutes les stations que nous avons ne peuvent pas mesurer la concentration en particules fines car il faut des conditions très précises. Certaines de nos stations comme celle de Arts-Loi par exemple, sont dans des stations de métro où il n’est pas possible de mesurer le taux.”

L’Union européenne a fixé le seuil de tolérance à 20 µg/m³. En 2018, il a été dépassé dans un tiers des stations. La concentration la plus importante a été relevée à Haren. Les activités industrielles de l’avant-port sont ainsi pointées du doigt. À titre de comparaison, à Uccle, la concentration moyenne annuelle est de 8 µg/m³.

Le dioxyde d’azote

L’autre polluant très problématique est le dioxyde d’azote, NO2 pour les chimistes. Il irrite les voies respiratoires et augmente les symptômes des personnes souffrant de maladies comme l’asthme. Les populations les plus fragilisées comme les femmes enceintes, les enfants, les seniors sont les plus à risque. L’Europe a fixé à 40 µg/m³ le seuil maximal quotidien. L’an dernier, il a été dépassé plus de trois fois dans toutes les stations.

Il est en même temps intéressant de comparer les données des différentes stations. Sans surprise, celle d’Arts-Loi connaît le plus grand nombre de dépassements des normes. En moyenne annuelle, le taux de NO2 est de 56 µg/m³ en 2018. À Uccle, il est de 18 µg/m³. Au niveau de la rue Belliard, la concentration est cependant moindre que rue de la Loi. “Cela peut être dû à des vents qui poussent les polluants ou encore à la présence d’un important chantier, commente Olivier Brasseur. Nous allons devoir analyser toutes ces données mais nous pouvons déjà dire qu’au fil du temps, la qualité de l’air s’améliore en Région bruxelloise. Nous savons aussi qu’il sera impossible d’avoir partout les mêmes données qu’à Uccle mais il faut tendre vers cette diminution.” Le transport est responsable de 30% des émissions de particules fines PM2.5 et 69% des émissions de NO2. Pour notre expert, si l’air est aujourd’hui un peu plus pur, c’est grâce à la mise en place des filtres à particules sur les automobiles, la réduction du trafic mais également l’amélioration des appareils de chauffage et de l’isolation des bâtiments.

Avec la mise en place du piétonnier sur les boulevards du centre, Bruxelles Environnement n’a pas constaté de modification des données des stations de mesures situées à proximité. “À Sainte-Catherine, la concentration de dioxyde d’azote ou de particules fines n’a pas augmenté avec la création du piétonnier mais la circulation automobile y est restée modeste. Il serait intéressant de placer une station sur les artères qui ont vu une croissance du passage de voitures.”

La Région bruxelloise vient de placer une station sur la place De Brouckère afin de mesurer l’impact de l’absence de voitures pendant une dizaine de jours. Cela deviendra évidemment un outil politique important pour la multiplication de zones dites apaisées. Dans les années qui viennent, la Région souhaite installer 8 nouvelles stations mais les emplacements ne sont pas encore connus. “Nous allons choisir des emplacements avec un trafic dense, annonce toute de même Olivier Brasseur. Cela doit être démonstratif.” Coût de l’opération : 960.000 euros.

Les initiatives citoyennes

Les citoyens ont décidé de ne pas attendre les nouvelles stations de mesures régionales et ont lancé l’opération “Les chercheurs d’air”. Aujourd’hui, environ 300 appareils de mesure ont été installés par des particuliers via cette association. “Les appareils de mesure coûtent 30 euros et ne sont évidemment pas aussi perfectionnés que les stations régionales homologuées par l’Union européenne, explique Pierre Dornier, bénévole pour Les chercheurs d’air. Pour le moment, nous avons pu effectuer des mesures mais pas encore les analyses des raisons de la pollution. Toutes les mesures sont par contre accessibles en direct sur notre site. ” 

Actuellement, certaines zones ne sont pas couvertes. Il manque des capteurs à Molenbeek, Anderlecht et dans certaines zones d’Uccle. L’association va donc lancer prochainement une campagne de sensibilisation pour augmenter le nombre de chercheurs d’air. Elle se lance aussi dans le démarchage auprès de bibliothèques, d’écoles et d’entreprises qui pourraient placer une station de mesure. Le but est de doubler le nombre de capteurs dans les mois qui viennent.

Ces données pour aider le choix des emplacements des futures stations pérennes de la Région bruxelloise. L’urgence est là pour les citoyens, les scientifiques et les ministres bruxellois. À plusieurs reprises, Bruxelles a été épinglée, au même titre qu’Anvers, pour sa mauvaise qualité de l’air par les associations mais également par l’Union européenne. Une procédure est d’ailleurs toujours en cours et la Région pourrait avoir à s’acquitter d’amendes si le nombre de dépassements de la norme de concentration de dioxyde d’azote ne diminue pas drastiquement ces prochaines années.

Vanessa Lhuillier – Photo: Belga/Benoît Doppagne

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11 septembre 2019 - 17h33
Modifié le 13 septembre 2019 - 15h17