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Analyse sur la crise politique: “Je ne suis pas loin de penser qu’il s’agit d’un dérapage contrôlé de la part de la N-VA”

05 décembre 2018 - 20h25

Alors que le Parlement devrait approuver jeudi le Pacte sur les migrations en séance plénière, mettant la N-VA hors-jeu, le politologue à l’UCL Mons Pierre Vercauteren fait le point sur la crise politique.

La séance parlementaire de jeudi s’annonce déjà houleuse entre certains partis d’opposition et la N-VA. “Quelque part, avec le premier ministre aussi, car il est à la tête de la coalition gouvernementale. Et en même temps, il a montré une détermination d’aller le plus loin possible avec cette coalition. Dans l’état actuel des choses, aucun parti de la majorité ne souhaite la chute du gouvernement, ni la N-VA, ni les autres. Tout simplement parce que nous nous trouvons au milieu de deux échéances électorales, celles qui viennent de se passer, les communales et les provinciales, et d’autre part la mère de toutes les batailles, mai 2019”, explique Pierre Vercauteren.

Le parti qui fait tomber le gouvernement risque en tout cas fort d’en payer le prix électoralement. “C’est la raison pour laquelle on est dans une sorte de partie d’échecs dans laquelle la N-VA ne souhaite plus soutenir le gouvernement sur cette question et les trois autres partis entendent maintenir leur position sur le pacte qui doit être conclu. Cela veut dire quelque part que si la N-VA provoque un autre parti de la majorité pour faire tomber le gouvernement, elle espère à ce moment-là en retirer un bénéfice électoral. Mais aucun des trois autres partis n’entend faire tomber le gouvernement. Donc on est un petit peu dans un je te tiens tu me tiens par la barbichette”, indique le politologue.

La N-VA exposée à l’ensemble de ses contradictions

S’il y a ce vote en séance plénière comme prévu, la N-VA peut elle rester dans le gouvernement? “Juridiquement oui, maintenant on est davantage dans un débat politique que juridique. On peut considérer d’une part que la N-VA est en campagne électorale depuis le précédent scrutin duquel elle est sortie en recul. Autrement dit, elle essaie de récupérer les voix qu’elle a perdu au profit du Belang. C’est la raison pour laquelle, la question de la migration est une question hautement symbolique pour elle. Mais ça l’expose aussi à l’ensemble de ses contradictions: faire partir d’une majorité fédérale alors qu’elle a un programme indépendantiste, faire partie d’une majorité fédérale qui doit défendre tout ce qui a été fait par ce gouvernement en matière migratoire et qui a notamment appliqué déjà un certain nombre de points du Pacte de l’ONU sur les migrations. Mais en même dire je ne veux pas soutenir ce pacte. C’est cela évidemment qui constitue une difficulté pour la N-VA.”

“Pas nécessairement vers des élections anticipées”

Est-ce qu’on se dirige vers des élections anticipées si quelqu’un retire la prise? Pas nécessairement. “Il y a plusieurs scénarios possibles. Si Charles Michel va présenter la démission de son gouvernement, le roi peut l’accepter et on va vers des élections anticipées, mais il peut aussi charger le gouvernement de gérer les affaires courantes, le temps d’arriver à la fin de la législature. Autre possibilité: la N-VA peut retirer ses ministres et on a un gouvernement minoritaire. Enfin, il y a une autre hypothèse, la motion de méfiance constructive. Un parti s’en va et une majorité alternative vote la mise en place d’un autre gouvernement“, explique-t-il.

Les nationalistes à un moment charnière

“La N-VA se trouve à un moment clé de son évolution. jusqu’à présent, elle a connu grosso modo une ascension irrésistible, allant de victoire électorale à une autre. Et puis se produit le résultat du mois d’octobre dernier: un recul très net aux communales et même aux provinciales. Et la N-VA se trouve au fond à un moment que connaît tout parti politique qui a connu une ascension. Son électorat est de plus en plus composite. Et il est inévitablement exposé à des tendances contradictoires au sein de son électorat. Il essayera à tout prix de récupérer l’électorat du Belang, mais ce faisant, il risque de s’aliéner de son électorat. Je ne suis pas loin de penser qu’il s’agit d’un dérapage contrôlé de la part de la N-VA, mais qui pourrait s’avérer coûteux à l’avenir.”

J. Th.

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