Accueil des réfugiés ukrainiens : le rôle déterminant des communes

Après leur enregistrement au centre du Heysel, les réfugiés ukrainiens sont orientés par Fedasil vers les communes. Ce sont elles qui sont chargées d’assurer hébergement et accompagnement social et administratif, avec le soutien de nombreux citoyens solidaires. Mais sur le terrain, l’organisation de l’accueil est complexe et la charge lourde pour les entités locales.

Devant le centre d’enregistrement des réfugiés Ukrainiens au Palais 8 du Heysel, les candidats à la protection temporaire sont toujours aussi nombreux. Ce n’est qu’une fois enregistrés, que Fedasil les orientera vers une commune, où ils pourront s’inscrire, bénéficier d’un logement, d’un permis de travail, et de l’aide sociale du CPAS.

Chargées de trouver des logements susceptibles d’accueillir les réfugiés, la plupart des communes ont développé une plateforme permettant aux citoyens qui souhaitent proposer un hébergement de se signaler. Et les manifestations de solidarité se multiplient. À la Ville de Bruxelles, plus de 500 habitants se sont proposés. Ils sont une septentaine à Anderlecht, autant à Jette, 300 à Schaerbeek, 140 à Auderghem, pour n’en citer que quelques-unes. Ainsi donc l’accueil s’organise, vaille que vaille. Et il repose en grande partie sur la bonne volonté des citoyens. A Saint-Josse, 15 réfugiés ukrainiens sont actuellement hébergés chez huit habitants, via la plateforme communale ; Forest accueille 15 adultes et 7 enfants. Un chiffre ne tient pas compte de ce qui se met en place via d’autres réseaux, de manière indépendante et informelle. Ce qui explique sans doute en partie que la plupart des propositions citoyennes n’aient pas encore trouvé preneurs.

Un centre d’informations pour les réfugiés ukrainiens à la gare du Midi

Hébergements chez des proches

« Il semble que la plupart des gens qui arrivent, logent chez des proches ou des connaissances ou via leurs propres réseaux. », relève Fabrice Cumps (PS), le bourgmestre d’Anderlecht. Le porte-parole de Fedasil, Benoît Mansy, confirme qu’à ce stade, 70 % des réfugiés ont des points d’attache, seule une personne sur trois s’adresse à Fedasil. Les communes s’attendent à voir les demandes augmenter dans une deuxième phase d’accueil, analyse pour sa part Sophie de Vos (DéFI), première échevine à Auderghem.

Pourtant, on le sait, chaque jour, de nombreux réfugiés se retrouvent sans solution le soir venu. Comment comprendre alors que tant de propositions d’hébergements ne trouvent pas preneur ? « Fédasil est chargé de faire le ‘matching’ et visiblement ça ne suit pas… or c’est leur compétence ! », répond Sophie de Vos. « Il peut s’agir de personnes qui n’ont pas pu s’enregistrer, le centre n’étant pas ouvert 24 h sur 24 et n’ont donc pas pu être orienté vers une solution d’hébergement. Il y a des pistes d’amélioration possible », indique Benoît Mansy, pour Fedasil.

Gestion complexe

Et sur le terrain, c’est une gestion complexe et une charge pour les communes. « Le problème, c’est que nous avons très peu d’information en provenance du Fédéral. Je suis en colère face à la désorganisation au niveau fédéral », réagit Cécile Jodogne (DéFI), bourgmestre f.f. de Schaerbeek. « On a eu des informations au compte-gouttes et peu de réponses aux propositions de logement. » Réunis hier en conférence des bourgmestres, les 19 maïeurs bruxellois ont donné leur accord pour déclencher la phase provincale de crise « et cela clarifie les choses et permet une coordination régionale. » Parce que des questions se posent, quant à l’hébergement notamment : les personnes vont arriver dans les communes, celles-ci vont devoir organiser et gérer l’accueil, qui repose principalement sur la bonne volonté de citoyens. Mais les logements proposés le sont-ils pour quelques jours ou une longue période ? Sont-ils adaptés ? À Schaerbeek, les équipes sont sur le pont pour traiter les propositions d’hébergement en fonction de leur durée. Et la commune cherche également sur son territoire des bâtiments disponibles. Mais on sait que les possibilités sont très limitées. « Une fois que les réfugiés arrivent, le fédéral se désengagent, aux communes d’assurer la suite. Cela va être lourd, avec beaucoup de questions toujours sans réponse. »

Chaque commune s’organise en fonction de ses possibilités. A Jette, 84 réfugiés ont pu s’y installer, aux frais de la commune. Celle-ci a également lancé un appel à la solidarité citoyenne et a déjà reçu une soixantaine de propositions, nous indique le bourgmestre Hervé Doyen (CDH). Les services communaux procèdent actuellement à la vérification des hébergements proposés : « Nous nous rendons sur place pour une visite des lieux, vérifier que les conditions d’hébergements sont rencontrées et s’assurer de la probité morale des hébergeurs. » Une équipe spécifique a été mise en place pour gérer l’accueil des Ukrainiens.

La durabilité de l’accueil, le temps de mise à disposition des logements proposés est un défi de taille. À Anderlecht, une entreprise privée installée dans la commune a libéré des locaux de manière à accueillir une soixantaine de personnes, qu’elle va elle-même aller chercher en Ukraine et acheminer jusqu’à Bruxelles en fin de semaine. Elle mettre ensuite à disposition de la commune une centaine de places en plus. De son côté, la commune a ouvert un guichet spécial dans le centre administratif, avec des interprètes, pour accompagner les gens dans leurs démarches.

A Auderghem , qui accueille actuellement une dizaine de personnes arrivées via Fedasil, le bourgmestre Didier Gosuin (DéFI) et la première échevine Sophie de Vos (DéFI) proposent à la Région la création de 300 logements, susceptible d’accueillir 1000 personnes, dans un « village d’hébergements modulaires » sur le Triangle Delta, site de près de quatre hectares appartenant à la SAU (Société d’aménagement urbain), situé derrière le Chirec. « Qu’il s’agisse d’hébergement d’urgence ou chez l’habitant, ces solutions ne peuvent être durables. Notre proposition vise à offrir une solution de long-terme », explique Sophie de Vos.

S.R. – Photo : Bx1/Michel Geyer