Réforme du chômage : les CPAS bruxellois s’organisent
Sur les 250 communes les plus touchées par l’exclusion du chômage, la FGTB a calculé que 19 communes sont bruxelloises soit l’intégralité de la Région. Selon les calculs du syndicat socialiste, près de 32 000 bruxellois seraient exclus du chômage avec la limitation des allocations à deux ans maximum.
Alors que la date de rentrée en vigueur de la nouvelle réforme chômage approche, (1er janvier), les CPAS bruxellois se préparent face à la crainte de l’explosion des demandes. Mais comment les CPAS se préparent-ils à cette nouvelle vague? Dans un contexte où les travailleurs sociaux crient déjà à l’aide.
Berchem-Sainte-Agathe
Face à la réforme fédérale du chômage qui pourrait entraîner l’exclusion de nombreux demandeurs d’emploi, le CPAS de Berchem-Sainte-Agathe prend les devants. Dès le 15 septembre, une permanence sur rendez-vous sera mise en place pour accompagner les habitants concernés.
Chaque personne pourra rencontrer un assistant social afin d’évaluer sa situation, préparer les démarches administratives, et explorer des solutions comme des droits sociaux alternatifs, des formations ou des pistes de réinsertion professionnelle. Un plan de communication a été lancé et des recrutements ciblés sont en cours pour renforcer l’équipe.
En parallèle, le CPAS espère un soutien financier accru du fédéral, en complément des 300 millions d’euros prévus pour 2026-2027, afin de garantir un accompagnement durable. “Anticiper, c’est permettre de traverser ce changement avec dignité et sécurité“, affirme Marc Hermans, Président du CPAS.
Molenbeek
À l’approche de la réforme du chômage, la commune de Molenbeek-Saint-Jean a pris des mesures proactives pour préparer son CPAS à l’afflux de nouvelles demandes, malgré un contexte budgétaire tendu. La première, c’est le renfort du personnel. Le CPAS a anticipé le recrutement de 13 assistants sociaux et de plusieurs employés administratifs, face à une charge de travail déjà excessive (jusqu’à 140 dossiers par assistant social, bien au-delà du seuil raisonnable de 100). Une bourse à l’emploi est prévue pour renforcer encore les équipes, même si le recrutement reste difficile.
Au-delà du personnel, le CPAS a loué un bâtiment de 1.200 m² appartenant à CityDev pour accueillir 85 travailleurs et les futurs bénéficiaires dans de meilleures conditions. De plus, des groupes de travail internes sont en place pour identifier comment simplifier les démarches administratives et accélérer le traitement des dossiers, avec l’objectif d’être opérationnels avant le 1er janvier.
Le président du CPAS, Ahmed El Khannouss souligne le flou persistant sur les modalités de financement fédérales (avec un subside annoncé de 560.000€) et l’absence de garantie sur la pérennité de ces aides. “On ne peut pas créer de nouvelles charges structurelles sans financement durable. C’est une réforme idéologique qui aura un impact sur tous les citoyens. Quand on construit une maison, on commence par les fondations, pas par le toit”.
Auderghem
À Auderghem, le CPAS place sa priorité à éviter l’engorgement des services tout en assurant un accompagnement humain et ciblé. Pour cela, un hub dédié à l’accompagnement sera opérationnel dès début octobre. Il s’agira d’un espace spécifique, inspiré des dispositifs mis en place durant la crise du Covid. Ce hub accueillera exclusivement les personnes concernées par les exclusions, avec une équipe d’assistants sociaux formés à la réinsertion. L’objectif : fournir une information claire, un suivi personnalisé et éviter un afflux massif au CPAS principal. Un deuxième espace sera ouvert en janvier dans le quartier Transval à proximité de la résidence Reine Fabiola, zone où vit une grande partie des personnes potentiellement touchées.
Auderghem prévoit également de recruter 4 assistants sociaux supplémentaires et 2 employés administratifs pour soulager les équipes existantes. Une réflexion est en cours pour organiser des réunions d’information. “Recevoir les gens correctement, avec des équipes dédiées, c’est essentiel pour faire face à cette réforme dans de bonnes conditions”, souligne Didier Molders, président du CPAS.
Evere
À Evere, le CPAS se dit déjà sous pression et en pleine réorganisation, avec un déménagement prévu en novembre vers un nouveau bâtiment. Cette transition complique la mise en place immédiate d’un dispositif spécifique pour les futurs exclus du chômage. Malgré des réunions fédérales et régionales en cours, la commune déplore le manque de clarté sur les textes, les moyens financiers et la stratégie globale. “C’est prématuré de communiquer. On attend des réponses concrètes avant d’agir”, indique Sébastien Lepoivre, président du CPAS.
Saint-Josse
Même son de cloche pour le CPAS de Saint-Josse, qui dénonce déjà une situation tendue, avec une forte pression sur les équipes sociales. Si la commune reconnaît être débordée, le CPAS affirme faire le nécessaire pour renforcer l’accueil. “Une partie des personnes attendues risque de ne pas pouvoir ouvrir de droits, mais chaque dossier nécessitera malgré tout une enquête sociale complète, ce qui alourdit la charge de travail”, affirme Luc Frémal, président du CPAS. Ainsi, il l’affirme : “Oui, nous comptons engager des travailleurs sociaux complémentaires”.
Uccle
Le CPAS d’Uccle a commencé à anticiper les impacts de la réforme du chômage dès la fin du mois de mai, avec une série de mesures en préparation pour accompagner les futurs exclus. À partir d’octobre, une permanence sera mise en place dans les locaux d’Actiris, juste en face du CPAS. Des flyers seront distribués pour informer les chômeurs des mesures disponibles, bien que certains ne rempliront pas les critères pour être éligible aux aides du CPAS. L’objectif est de fournir des informations simples sur les options possibles, même pour ceux qui ne seront pas directement concernés.
Le CPAS a également mis en place un plan d’engagement sur 18 mois pour déterminer le nombre exact de personnes potentiellement en demande de revenu d’intégration (RI) ou emploi de réinsertion (ERI). Sur cette base, une estimation a été réalisée pour savoir combien de nouveaux travailleurs sociaux seraient nécessaires et comment les engager efficacement. Un système de monitoring sera mis en place pour suivre l’évolution du nombre de dossiers et ajuster les ressources en conséquence.
L’un des défis majeurs reste la difficulté d’estimation de l’impact, car une partie des personnes concernées par la réforme ne pourra pas accéder aux aides du CPAS (par exemple, si le revenu du conjoint dépasse un certain seuil ou si la personne se met sur la mutuelle). Une fois les limites de dossiers par assistant social définies, de nouveaux recrutements seront effectués en fonction des besoins. “Nous ajusterons les effectifs au fur et à mesure”, indique Michel Cohen, président du CPAS d’Uccle.
Forest
Le CPAS de Forest met l’accent sur l’information et la réorganisation de ses services. Afin d’éviter que des chômeurs ne passent à côté de leurs droits, le CPAS, en collaboration avec Actiris, les syndicats et des associations locales, organisera des séances d’information pour expliquer les démarches à suivre. “Nous devons nous assurer que tout le monde comprenne ses droits et sache où s’adresser pour obtenir de l’aide”, indique Severine De Laveleye, présidente du CPAS.
Au-delà de la phase d’information, Forest prévoit l’ouverture d’un nouveau bâtiment dans un an et demi. En attendant, une antenne extérieure sera mise en place pour accueillir les nouveaux exclus. Le CPAS prévoit également de renforcer ses équipes avec des recrutements d’assistants sociaux et de personnel administratif. “Nous devons anticiper les besoins, mais l’incertitude financière du fédéral rend les recrutements difficiles”, explique-t-elle. À plus long terme, le CPAS anticipe un coût supplémentaire pour la commune dû au transfert des charges fédérales. Des réflexions sont en cours pour rationnaliser les dépenses et maintenir une politique sociale efficace “sans sacrifier le droit des citoyens”.
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Woluwe-Saint-Lambert
Le CPAS de Woluwe-Saint-Lambert se mobilise pour accompagner les chômeurs affectés par la réforme, en partenariat avec Actiris, le service emploi de la commune et la Cité des Métiers. Des séances d’information seront organisées pour guider les chômeurs vers des formations et des métiers en pénurie, afin de maintenir leurs droits aux allocations.
Face à l’afflux attendu, le CPAS a dû réorganiser ses locaux en urgence, en libérant un étage pour accueillir du personnel supplémentaire et aménager des bureaux pour les assistants sociaux. Ces investissements doivent être finalisés d’ici janvier 2026, avec des achats informatiques et des travaux d’aménagement.
Également prévus dans cette réorganisation, des recrutements, et notamment l’ajout de deux accueillants en décembre et deux dans l’administratif. Le CPAS prévoit aussi des formations pour ses équipes pour évaluer l’impact de la réforme et ajuster les actions nécessaires. Un suivi à 3-6 mois sera effectué pour évaluer l’impact de la réforme et ajuster en fonction.
Etterbeek
Le CPAS a décidé d’anticiper avec la création d’une équipe de travailleurs sociaux dédiés aux personnes exclues avec la nouvelle réforme. La mission de celle-ci sera d’accueillir les nouveaux demandeurs, de réaliser les enquêtes sociales et de déterminer qui pourrait bénéficier d’un soutien. Pour ce faire, quatre travailleurs sociaux et un responsable d’équipe sont actuellement recrutés. Ils seront formés dès cet automne afin d’être opérationnels début 2026.
Parallèlement, Etterbeek souhaite aller plus loin que l’aide sociale. L’enjeu, selon le président du CPAS, Arnaud Van Praet, est aussi de favoriser l’insertion professionnelle lorsque cela est possible. Comme cela ne sera pas possible seul, le CPAS prévoit de travailler en étroite collaboration avec les acteurs régionaux de l’emploi, même si les dispositifs concrets sont encore en discussion, faute “d’une stratégie régionale suffisante”.
Koekelberg
De son côté, le CPAS s’organise malgré un manque d’informations concrètes sur les personnes concernées. “Sans liste officielle, il est impossible de contacter les habitants de manière ciblée.”
Le CPAS mise sur son accueil en première ligne, où toute personne se présentant en permanence est reçue directement par un assistant social, permettant un traitement rapide des demandes. “Le délai des trente jours est toujours respecté, on espère pouvoir le maintenir”, confirme Karima Laouaji, présidente du CPAS. Une réorganisation interne est en réflexion, avec l’idée d’affecter une personne à la gestion des nouveaux dossiers, sans distinction.
Aucun nouveau recrutement n’est prévu à ce stade, faute de moyens. L’objectif est de maintenir les effectifs actuels et de s’adapter en fonction des ressources futures.
Ixelles
En vue des exclusions liées à la réforme fédérale du chômage, le CPAS d’Ixelles prévoit d’engager de nouveaux travailleurs sociaux avant 2026. L’impact budgétaire est en cours d’évaluation.
Des mesures de prévention sont déjà mises en place (accueil renforcé, médiateurs), et la commune veut renforcer la collaboration avec Actiris, Bruxelles Formation et les missions locales pour mieux accompagner les futurs demandeurs.
Le CPAS mise aussi sur un meilleur partage des informations avec Actiris pour adapter son action aux profils concernés.
Ville de Bruxelles
Plutôt que de céder aux “discours alarmistes”, le CPAS veut saisir cette occasion pour renforcer son rôle dans l’insertion professionnelle.
Selon une étude commandée par la Ville, environ 27 % des chômeurs de longue durée s’étaient tournés vers les CPAS lors des précédentes réformes. Bruxelles anticipe donc une hausse des demandes, mais mise sur un accompagnement renforcé pour favoriser le retour à l’emploi.
Le CPAS entend améliorer le Projet Individualisé d’Intégration Sociale, développer des partenariats avec les entreprises, orienter les bénéficiaires vers les métiers en pénurie et intensifier la collaboration avec Actiris et les missions locales. La modernisation des outils numériques et le soutien à l’économie sociale complètent cette stratégie.
L’objectif affiché est clair : faire du CPAS un acteur central de la réinsertion, en transformant une contrainte sociale en opportunité pour les chercheurs d’emploi bruxellois.
Ganshoren
La Région bruxelloise anticipe la réforme du chômage avec un plan d’action
À l’approche de la réforme fédérale qui limitera les allocations de chômage dans le temps dès janvier, la Région bruxelloise se mobilise. Un sommet social est prévu le 1er octobre avec les partenaires de l’emploi et de la formation pour adapter sa mise en œuvre aux réalités locales.
En parallèle, Actiris et Bruxelles Formation ont lancé un plan en 7 mesures pour mieux accompagner les chercheurs d’emploi : bilans de compétences dès l’inscription, formations orientées vers les métiers en pénurie, remobilisation des chômeurs de longue durée, et renforcement des partenariats avec les CPAS.
► Reportage | Réforme du chômage à Bruxelles : les administrations emploi et formation s’activent en sept mesures
Objectif : éviter les ruptures de droits et accélérer le retour à l’emploi, tout en protégeant les publics les plus fragilisés.
E.D





