Rue de la Loi : sport et politique, même combat, Denis et Georges-Louis ne nous contrediront pas

Une élection n’est jamais gagnée d’avance.  S’il y a un parallèle à faire entre les sports et la politique, c’est bien celui-là. Comme dans un match de foot, de rugby, un tournoi de tennis, ou une course cycliste, le résultat n’est jamais acquis. On en a vu des David faire trébucher Goliath, des petits Poucets, issus du football amateur, éliminer des équipes professionnelles. On a même vu le Paris Saint-Germain mettre ses millions sur la table, aligner les stars internationales comme les photos d’un catalogue Ikea, être incapable de gagner une Ligue des Champions. Finalement, c’est peut-être ça qui nous passionne autant dans le sport que dans la politique : l’incertitude du résultat final. On pourrait donc se passionner sur la politique rien que pour cela. Pour ce délice de gourmet qui consiste à être surpris par le résultat d’une élection. Pour ce plaisir de l’esprit de pouvoir le comparer avec les sondages, pour cette excitation de nos neurones à nous perdre en conjectures sur ce qui a provoqué le succès ou la contre-performance de l’un ou l’autre candidat et notre grande satisfaction intellectuelle à pouvoir imaginer ce que vont être la tactique du second tour, les alliance possibles, le gouvernement envisageable. Et c’est vrai, il y a dans le sport et la politique cette part de spéculation qui nous permet de nous improviser commentateur, analyste, parieur même. En Belgique, il y a 11 millions de sélectionneurs potentiels quand on parle des Diables rouges, il y a aussi 11 millions de politologues virtuels au soir du 26 mai.

Ce qui nous occupe ce mercredi midi, nous les politologues amateurs, ce sont donc les résultats de l’élection présidentielle au Mouvement Réformateur. Pour Georges-Louis Bouchez 44,6% des suffrages, pour Denis Ducarme 25,1%. Il y aura donc un second tour. Un duel, un pugilat, comme les amateurs de paris sportifs en raffole. Un second tour, c’est l’assurance que la compétition se poursuit, qu’elle est incertaine, qu’il n’y a ni vainqueur ni vaincu, qu’on va continuer à s’échanger des coups. Et comme en plus, les deux candidats viennent du Hainaut, on passe du simple match au derby : Georges-Louis et Denis au second tour, c’est un peu comme si la finale de la Coupe de Belgique opposait le Sporting d’Anderlecht à l’Union Saint-Gilloise, et aucun des deux n’a envie de passer à côté du Graal et d’être le Poulidor de l’autre, surtout le jour où nous saluons la mémoire de ce grand champion cycliste. Il va donc y avoir encore du sport. Et ça déjà commencé ce matin. Dans un étrange moment à la radio, sur la Première, où les deux candidats étaient là, mais que l’un des deux n’a pas voulu débattre face à l’autre. Denis Ducarme et Georges-Louis Bouchez ont donc pris la parole l’un après l’autre. Et on entend déjà les arguments se dessiner, l’un qui taxe l’autre d’avoir le soutien des barons, l’autre qui riposte en racontant son parcours, je viens de la base et je ne suis pas un “fils de” moi, monsieur, et d’ailleurs j’accepte le débat que vous me refusez.

Stop. Quittons les tribunes. Au delà du match de boxe ou du match de catch, ce qu’on a envie de savoir, c’est ce que sera la politique du Mouvement Réformateur dans les 10 ans qui viennent. Est-ce que le Mouvement Réformateur veut d’abord moins de taxes et moins d’État, et est ce-que pour cela, il est prêt à s’allier avec des partis flamands qui partagent cette vision, ou est-ce qu’il veut au contraire défendre d’abord une solidarité interrégionale qui impose d’offrir un front francophone face aux demandes de régionalisation flamandes ? C’est là-dessus qu’on a envie d’entendre Georges-Louis Bouchez et Denis Ducarme. Savoir aussi lequel des deux aura prioritairement de bonnes relations avec Maxime Prévot de faire un bloc de centre-droit, ou plutôt avec Paul Magnette, Jean-Marc Nollet et Rajae Maouane pour négocier des majorités larges dans un climat de confiance. On ne doute pas que ce débat a eu lieu dans les réunions réservées aux militants, mais faites-en profiter les non-adhérents. Offrez-nous du sport, d’accord, du spectacle, on en raffole, de  l’incertitude, on aime ça. Mais ne vous contentez pas de nous parler des soutiens de l’un ou de l’autre, des militants qui ont la parole, de la démocratie qui a parlé, et autres poncifs. Donnez-nous du programme, une vision, des idées, du contenu, de la vraie politique. Restons dans la métaphore sportive, pour qu’on continue à vous suivre avec autant de passions, messieurs les compétiteurs, il est indispensable d’élever votre niveau de jeu.

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