Rue de la Loi : quand la richesse du vocabulaire cache une situation à l’arrêt

Informateur, démineur, explorateur, conciliateur, formateur (j’en passe et des meilleurs). En matière de lexique poltique, la Belgique fédérale est championne du monde de la créativité. Trouver le bon terme pour déterminer la bonne mission,voici l’exercice sur lequel journalistes et commentateurs se concentrent depuis quelques jours. Geert Bourgeois de la N-VA et Rudy Demotte du Parti Socialiste ont donc été chargés par le Roi d’une mission qui doit aboutir à la remise d’un rapport le 4 novembre. Ils “examineront les bases concrètes en vue de la formation d’un gouvernement fédéral autour de leurs partis respectifs, et ceci avec les quatre autres partis impliqués dans les discussions” dit le communiqué du Palais royal. La presse les a donc baptisé préformateurs. Un terme à mi-chemin entre informateur et formateur. Une histoire de graduation subtile.

Un informateur c’est le début du processus quand on parle encore avec tout le monde et qu’on a écarté aucun partenaire potentiel. La formation implique qu’on a choisi ses partenaires, que les négociations ont réellement débuté et qu’on commence la rédaction d’un accord de gouvernement. Nous sommes donc entre les deux. Et pour être franc, beaucoup plus proche de l’étape 1 que de l’étape 2.  On aurait donc pu parler d’examinateur puisqu’il s’agit d’examiner des bases concrètes. Ou le néologisme de concretisateur peut-être. Mais soit, pour l’instant le mot préformateur est en train de s’imposer.

Si nous faisons collectivement preuve d’autant de créativité lexicale, c’est bien parce que nous explorons une situation atypique. Une sorte de plongée dans l’inconnu.  Mettre un émissaire N-VA et un émissaire PS ensemble c’est une manière pour le Palais de dire que c’est à ces deux partis de former l’ossature principale d’une potentielle coalition. Potentielle seulement. Sur le papier c’est la plus évidente mathématiquement, les deux partis sont arrivés en tête dans leur communauté respective. Ils forment les plus gros bataillons à la chambre des représentants avec 25 députés pour la N-VA et 20 pour le Parti Socialiste. C’est aussi la moins évidente politiquement puisque les programmes des socialistes francophones et des nationalistes flamands diffèrent à peu près sur tout. Sans doute cette mission de préformation est-elle un moyen de tester une piste. On peut être sceptique. Outre que les deux partis ont peu de chose en commun, garder 6 formations autour de la table avec un penchant plutôt à droite et très flamand, n’apparaît pas de prime abord comme une formule ouvertement  gagnante. Il serait sans doute plus utile de ne garder que 5 partenaires. Peut-être que cette mission de préformation servira à détacher l’un d’entre eux.

Pour l’instant cela ressemble à une démonstration par l’absurde. Mettre 6 partis autour de la table avec la N-VA et le PS aux commandes, ressemble à un moyen de fermer une piste. Dans notre monde politique, tant  qu’on n’a pas essayé, on ne peut pas dire que ce n’est pas possible… ni le faire accepter par l’opinion publique.