Rue de la loi : Paul Magnette, l’étroit couloir et les portes fermées

Un homme, une mission, un délai. Depuis hier soir, Paul Magnette est donc informateur. Sa mission est de tenter de relancer le processus de formation d’un gouvernement au niveau fédéral, d’essayer de trouver une piste pour constituer une hypothétique majorité. Le délai : 13 jours, le roi a donné jusqu’au 18 novembre pour obtenir un premier rapport. Un délai court. Très court.  Si court, qu’on se demande s’il s’agit réellement d’une nouvelle mission ou seulement d’un passage obligé pour fermer une porte.

Officiellement, Paul Magnette a les mains libres. Il peut tester la coalition de son choix. Pratiquement, nous avons bien compris que l’association de la  N-VA et du Parti Socialiste n’est pas l’hypothèse privilégiée. Cette piste-là a été explorée, testée, creusée, favorisée depuis 5 mois et cela n’a rien donné. En prenant acte des conclusions négatives de Geert Bourgeois et Rudy Demotte, le roi Philippe a donc symboliquement fermé une porte. La porte qui donnait sur cet étroit couloir qui devait amener socialistes francophones et nationalistes à travailler ensemble n’est pas définitivement close, la solidité d’un verrou fermé à double tour est relative si on est décidé à défoncer la porte et il ne faut jamais dire jamais en politique, mais ce couloir ne sera plus emprunté dans les jours qui viennent. La décision du palais marque donc un tournant, un virage, une césure.

Avec Paul Magnette comme personnage central, nous changeons d’histoire. Fini l’écriture à 4 mains avec des missions en tandem, le nouvel informateur travaillera seul. Fini les personnages secondaires, place aux présidents de partis. Et puis surtout, nouveau chapitre : la N-VA n’est plus le protagoniste central. L’intrigue se déplace. Elle va se concentrer dans les prochaines semaines sur l’Open VLD et sur le CD&V : les libéraux flamands et les sociaux-chrétiens flamands accepteront-ils de monter dans un exécutif alors que le plus grand parti flamand resterait dans l’opposition ? Jusqu’à présent, la réponse était non. Paul Magnette va tenter de faire bouger ces lignes. Peut-il y parvenir en l’espace de 13 jours, alors que le parti social-chrétien est en pleine campagne interne pour désigner son prochain président ? Il est permis d’en douter.

Avant de forcer cette réponse, le président du PS devra s’assurer des intentions des libéraux francophones et du soutien des partis écologistes,  il évaluera l’opportunité d’un soutien du CDH, qui avec ses 5 députés ne se dit plus si fermé à l’idée de servir de force d’appoint. Inutile en effet de brusquer les partis flamands si c’est pour tomber sur un écueil entre francophones quelques semaines plus tard : la confection d’une majorité dans un climat aussi sensible est une mayonnaise où il faut introduire les ingrédients simultanément mais avec doigté. 13 jours pour faire tout cela, même si on a le pouvoir d’un magnétiseur, cela relève de l’exploit. Pour réussir, Paul Magnette aura besoin de plus de temps, c’est une évidence.  Une prolongation de mission sera donc nécessaire, sauf s’il s’agissait à nouveau de fermer une porte. De constater que l’hypothèse sans la N-VA n’est pas plus possible que l’hypothèse avec la N-VA. Nous aurions alors deux portes fermées. Et, à moins de découvrir un couloir secret,  l’idée qu’une fenêtre électorale se rapproche à grand pas.

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