Rue de la Loi : on devient ce qu’on mange

Ce qui est pratique avec les dictons populaires, c’est qu’ils s’appuient souvent sur une vérité ancestrale. La force de l’expérience, coulée dans une sentence qu’on se transmet de bouche à oreille de génération en génération. “On devient ce qu’on mange” dit donc la sagesse populaire. Cette maxime peut prêter à sourire, elle  n’a probablement jamais été autant d’actualité, pour nous les habitants de cette riche Europe occidentale qui avons la chance d’avoir le choix de notre alimentation.

On devient donc ce qu’on mange. Hier, les amateurs de hamburgers ont plutôt eu l’appétit coupé lorsqu’ils ont découvert une publicité qui pour vanter une marque, que j’ai décidé de ne plus citer, qui mettait en scene un homme frappant une femme sous pretexte que le hamburger  n’était pas celui du fabriquant en question. On passera sur les qualités gustatives et nuritionelles de ce fabricant, même les amateurs de burgers reconnaitront que ce n’est pas la meilleure, mais qu’elle a l’avantage d’être bon marché. Le problème est évidement dans l’utilisation de la violence domestique à des fins publicitaires. Monsieur le fabricant de hamburgers, sachez qu’il y a 40 féminicides par an en Belgique, oui en Belgique. 40 femmes tués par un homme parce qu’elles sont femmes. Et encore ces meurtres sont comme des grains de sésame sur un morceau de pain industriel : ils ne doivent pas cacher qu’il y a des milliers de femmes qui chaque année n’en meurent peut être pas, mais subissent régulièrement les coups de leur compagnon.

On devient ce qu’on mange. Cette histoire de hamburgers sexiste a une sauce provoc qui dégouline de machisme ordinaire. Elle est même si épicée cette sauce qu’on se dit que ce n’est pas possible d’oser une telle pub en 2019, qu’on est dans la volonté délibérée de choquer. Faire parler pour faire parler. Benetton-hamburger, même combat. Pourtant si on devient ce qu’on mange, on pourrait donc s’en passer de ces hamburgers. Certains hommes ou femmes politiques qui ont senti que ce burger s’était grillé, annoncent déjà qu’ils boycotteront la marque. L’effort n’est pas insurmontable, honnêtement, s’ils sont comme moi, ils ne devaient pas en manger souvent. Ce choix alimentaire est malgré tout une bonne nouvelle. Parce qu’il n’y a pas qu’un parfum de machisme dans notre alimentation. Il y a aussi le juste prix payé ou pas aux paysans. La viande qu’on importe du bout du monde. Les conditions de travail dans les bananeraies. La tomate qui n’a jamais vu le soleil. Le pain chargé de conservateurs .Les OGM ou les produits chimiques. A l’heure ou l’on se mobilise contre le réchauffement climatique ou pour un monde plus équitable, on oublie parfois que notre alimentation est une manière de définir le monde. On peut retourner notre dicton populaire. Choisir ce qu’on mange, comment c’est produit et qui nous le vend, c’est définir ce qu’on veut devenir. Quand on rêve d’un monde meilleur, s’imposer à nous même une certaine éthique de l’assiette c’est peut être aussi efficace qu’un bulletin de vote.

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09 octobre 2019 - 16h53
Modifié le 09 octobre 2019 - 16h53