Rue de la Loi : le long chemin de l’égalité hommes-femmes
“Les Belges sont égaux devant la loi. L’égalité des femmes et des hommes est garantie”. Voilà ce qui figure dans la constitution belge. Pour être franc, ça n’a pas été sans mal. La constitution date de 1831, la petite phrase sur l’égalité hommes-femmes de 2002. Il a fallu 171 ans pour que le législateur estime que cette précision était peut-être nécessaire. On rappellera au passage que le droit de vote des femmes n’est devenu une réalité qu’un 1948 (avant, elles pouvaient voter aux communales, certaines veuves de guerre ou femmes particulièrement héroïques pouvaient également participer aux mêmes scrutins que les hommes, ce droit électoral était donc une sorte de récompense, dont on a privé les femmes pendant plus d’un siècle).
Je pourrai vous donner d’autres exemples : 1892, Marie Popelin est exclue du barreau parce qu’elle est une femme et qu’on n’imagine pas qu’on puisse être avocate, avec un e. Cela ne deviendra possible qu’en 1922. Il faut attendre l’année 1900 pour que les femmes aient le droit d’avoir un compte-épargne et puissent encaisser leur propre salaire. Avant, l’argent était donné au mari. Il faut attendre 1979, oui c’est tout récent, pour qu’une femme puisse travailler à la police judiciaire. Vous pouvez regarder autour de vous : combien de femmes sont cheffes de service, dirigeantes d’entreprises, ministres ? On peut même regarder notre gouvernement bruxellois : 5 hommes, 3 femmes. Nos 19 bourgmestres : 2 femmes seulement, dont une “faisant fonction”. Alors oui, l’égalité entre hommes et femmes reste un combat. Et ce lundi 20 janvier est une date importante dans ce combat puisque le parlement bruxellois se dote d’une commission parlementaire sur l’égalité et le droit des femmes. Jusqu’à présent, il existait un comité d’avis sur cette question. Lui donner le statut de commission parlementaire permettra de légiférer, rédiger une ordonnance par exemple qui aura force de loi, mais aussi lui donner la capacité de contrôler voire de sanctionner le gouvernement régional.
“Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits, (…) chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés , sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique (…) ” : c’est un extrait de la déclaration universelle des Droits de l’homme adoptée par l’assemblée générale des Nations Unies. Ce texte-là date de 1948. Au moment du vote, c’est justement sur l’égalité hommes-femmes qu’un des états membres, l’Arabie Saoudite, émettra des réserves. Selon l’ONG Oxfam, dans le monde, le travail des femmes non-rémunéré représente 12 milliards de minutes par jour.
C’est un hasard, le jour où le parlement bruxellois installe cette commission pour l’égalité, les hommes les plus influents de la planète se retrouvent à Davos (en Suisse) pour le Forum économique mondial. On peut jeter un coup d’œil à la composition des délégations : 80% d’hommes. On peut parfois faire la leçon aux pays musulmans, au tiers-monde, à l’Asie, et prétendre incarner des valeurs d’égalité et de tolérance… Dans les faits, dès qu’on s’intéresse au salaire, à la condition sociale, à l’exercice du pouvoir, notre monde occidental est très loin de l’égalité hommes-femmes. Il ne faut pas être un très grand militant féministe pour le constater. Il suffit d’avoir un peu d’honnêteté intellectuelle. Cette honnêteté, il n’est pas interdit aux hommes d’en avoir aussi.