Rue de la Loi : la campagne des 100 jours s’achève… on cherche le perdant (J+100)

Fabrice Grosfilley - Photo Couverture

Les commentateurs aiment les chiffres ronds. 100 jours sans gouvernement, l’occasion de faire un bilan, de livrer un arrêt sur image, de retracer la ligne du temps et d’oser quelques spéculations sur la suite. Rappelons quand même qu’en 100 jours, nous avons assisté à l’accouchement de deux gouvernements : celui de la Communauté germanophone (un accord bouclé en deux jours, ce n’est plus un accouchement mais une ballade de santé) et celui de la Région bruxelloise (les pressions du MR pour en être, par l’intermédiaire de l’Open VLD, ont rendu la chose un peu plus douloureuse).

En Wallonie, on a testé des pistes de centre gauche avec le PTB d’abord, avec la note Coquelicot ensuite (et l’espoir déçu de convaincre quelques francs-tireurs au cdH). En Flandre, on a fricoté avec l’extrême-droite en privilégiant de longues discussions avec le Vlaams Belang avant de consentir à négocier une majorité de « centre droit » (tout est relatif, l’attelage N-VA, Open VLD, CD&V penchant quand même nettement plus vers la droite que vers le centre). Au fédéral… on a observé, soupesé, analysé… pour finalement écarter quelques formations (le PTB, le Vlaams Belang, le cdH) mais sans pouvoir réellement avancer. En réalité, ces 100 jours sont une sorte de post-campagne, ce moment nécessaire pour décanter après le scrutin. Pas seulement pour analyser les chiffres et digérer ses déceptions. Mais aussi pour ne pas prendre l’électeur à contrepied et lui faire savoir qu’on a entendu son message, qu’on le prend en considération. C’est typiquement ce qu’ont fait Bart De Wever et Elio Di Rupo en discutant avec le Belang ou le PTB : on ne boude pas impunément des partis qui ont performé.

La suite sera une question de pression. Elle commence à émerger : les milieux entrepreneuriaux (fortissimo), les syndicats (mezzo voce) commencent à rappeler qu’il faut des mesures économiques et sociales. Les chiffres tombent : à politique inchangée, le budget dérapera de 12 milliards en 2024, annonçait ce lundi Sophie Wilmès, ministre du budget en s’appuyant sur les chiffres du comité de monitoring. Les chiffres du bureau du plan, qui faisaient état jusqu’ici d’un dérapage de 14 milliards, seront probablement plus sévères encore et seront réactualisés en fin de semaine. Couper dans les dépenses, lever de nouveaux impôts, rogner sur la dotation de la sécurité sociale : il n’y a pas 36 manières de corriger un déficit. Ce ne sera pas populaire. Cela ne donnera pas envie d’y aller. Mais cela fera la différence entre les hommes d’État qui mettent l’intérêt supérieur de la nation et des citoyens au-dessus de leurs intérêts partisans et ceux qui raisonnent uniquement avec la prochaine échéance électorale en tête. La campagne des 100 jours est derrière nous. Historiquement, les 100 jours s’achèvent à Waterloo avec la défaite de Napoléon. Pour changer d’univers au niveau fédéral, il faudra un perdant. Continuer de penser que les négociations associeront PS, N-VA, libéraux et CD&V, et peut-être même les écologistes en prime, ne permet pas d’avancer.

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03 septembre 2019 - 11h58
Modifié le 03 septembre 2019 - 11h58