Rue de la Loi : avec la note Magnette-De Wever, Bruxelles dans le collimateur ?

Fabrice Grosfilley - Photo Couverture

Ce ne sont à ce stade que des fuites dans la presse, des suppositions diront certains même si ce qui est paru sur ce blog, mais aussi dans les journaux Le Soir et l’Echo allait dans la même direction, mais depuis 48 heures elles alimentent un certain nombre de conversations politiques. Le grand accord que sont occupés à négocier Paul Magnette et Bart De Wever se fera-t-il, s’il voit le jour, sur le dos des Bruxellois et des habitants des communes à facilités ? Du coté du Parti Socialiste et du CDH, les deux partis francophones actuellement parties prenantes à “la bulle des 5”, on ne fera pas de commentaire. Certains mandataires commencent à faire part de leurs interrogations, d’autres semblent interloqués, mais  personne ne souhaite s’exprimer à visage découvert. On attend des éclaircissements des présidents de parti qui ont été annoncés pour la semaine prochaine (il faut noter que le dernier bureau de parti du CDH remonte au 13 juillet, à une époque où Maxime Prévot était loin d’avoir intégré cette fameuse bulle et que lundi dernier Paul Magnette n’est pas vraiment rentré dans les détails lors d’une réunion en ligne du bureau du PS). Ce vendredi, Maxime Prévot, sentant le danger, précisait bien à La Libre qu’il n’y avait “pas d’accord en tant que tel”. Dans les autres formations en revanche, on grince déjà des dents.

Sans surprise c’est à Défi que le ton est le plus courroucé. Pour Sophie Rohonyi, députée fédérale et conseillère communale de Rhode-Saint-Genèse, “la N-VA est dans un travail de déconstruction de l’Etat fédéral, qui n’est que la suite logique de la 6eme réforme de l’Etat, que Défi avait refusée, et si ces informations se confirment, les partis francophones qui participent aux discussions se lanceraient têtes baissées sans avoir préparé leurs propres revendications.” La députée pointe notamment la fin de la possibilité pour les électeurs des communes à facilités de pouvoir voter sur l’arrondissement de Bruxelles aux élections législatives.“Retirer ce droit, c’est priver les citoyens de la périphérie de représentation, or c’est fondamental. Il va falloir que les partis qui négocient avec la N-VA clarifient leur position”. Alain Maron, pour Ecolo ne dit pas autre chose sur le sujet : “cette possibilité de voter avec les Bruxellois aux législatives était une contrepartie à la scission de Bruxelles-Hal-Vilvorde. Y renoncer à la réforme suivante, c’est rompre l’équilibre politique de cet accord”. 

 

Du coté du Mouvement Réformateur, David Leisterh, président des libéraux bruxellois, ne veut pas croire qu’on puisse aller jusqu’à remettre en cause les facilités. Pour lui, il s’agit de posture de négociations. Mais il revient lui aussi sur la notion d’équilibre lié à la 6eme  réforme de l’Etat : “cette réforme prévoyait la création d’une communauté métropolitaine qui n’a jamais vu le jour. Cet engagement n’a pas été honoré et c’est au détriment des Bruxellois. Il faut implémenter cette communauté avant d’aller plus loin. La Région est dans une situation économique compliquée. Il faut élargir son hinterland économique avant de parler d’autre chose”. Ce que Sophie Rohonyi traduit par la formule suivante : “Bruxelles ne s’arrête pas à la frontière linguistique. Beaucoup de familles logent en périphérie mais travaillent à Bruxelles. Cette réalité bruxelloise est niée par les préformateurs, peut-être de manière inconsciente par le Carolo, et sans doute de manière consciente par l’Anversois”. 

Pour David Leisterh, le plus grand danger que courent les Bruxellois réside plutôt dans la régionalisation larvée de certaines politiques fédérales. “La régionalisation des hôpitaux par exemple. Si cela se fait, ce sera au détriment de la politique de santé et de l’intérêt des patients”.

 

Cette possibilité laisse également Alain Maron dubitatif. Ces derniers mois le ministre bruxellois de la santé a du régulièrement assister à des conférence interministérielle de la santé convoquées en urgence et pour lesquelles il recevait les documents la veille au soir. “Si j’avais dû en plus me concerter avec un ministre néerlandophone cela aurait été de la folie. “

Or, c’est bien ce risque que l’écologiste pointe dans les hypothèses qui circulent. “L‘accord de gouvernement bruxellois essayait de sortir de cette idée de cogestion d’une matière entre deux ministres. On a vu dans le passé ce que cela donnait entre Pascal Smet et Céline Fremault, c’est une source de dysfonctionnements et de blocages. Ce que j’entends c’est comme si on installait le modèle de la COCOM (la commission communautaire commune) au niveau fédéral. C’est absurde, c’est la fin d’un fonctionnement normal du fédéral où chacun ne sera plus attentif qu’à sa seule communauté francophone ou néerlandophone au lieu de viser l’intérêt commun”. Et Alain Maron de préciser qu’il n’est pas hostile par principe à une réforme de l’Etat. ” Bruxelles pourrait avoir intérêt à simplifier ses institutions, mais là, si la logique communautaire s’impose, c’est l’inverse”. 

Aurait-il fallu que les présidents de partis francophones se concertent avant d’entrer en négociation ?  Sur Twitter, deux anciennes présidentes de parti, Joëlle Milquet (CDH)  et Zakia Katthabi (Ecolo), ont publié des messages allant en ce sens. Sophie Rohonyi le dit ici également et ponctue : ” échanger du communautaire demandé par un seul parti,  contre du social censé bénéficier à tous, c’est du non-sens. Cela n’a rien de cohérent. On ne fait pas une réforme de l’Etat sur un coin de table sans consulter les populations concernées”.