Notre malaise, l’édito de Fabrice Grosfilley

Ce lundi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito l’émotion après l’assassinat du policier de Schaerbeek et les questions qui en découlent.

Un choc, de l’incompréhension, de la stupeur, de la colère… Nous sommes nombreux à avoir vécu une palette d’émotions très fortes depuis jeudi soir. L’annonce de la mort d’un policier, Thomas Monjoie, qui a été poignardé parce qu’il se trouvait au mauvais moment au mauvais endroit, nous a glacé d’effroi et rappelé, que la nature même du terrorisme, c’est de justement frapper des innocents.

L’onde de choc provoquée par l’assassinat de ce policier risque de provoquer encore des remous dans les jours à venir. Parce qu’on a, toujours à ce stade, du mal à comprendre comment un homme qui se présente à la police en annonçant son intention d’attaquer des policiers peut se retrouver quelques heures plus tard dans la nature. Parce que le terme “attentat” figure bien en toutes lettres dans le procès-verbal rédigé par le policier qui avait reçu le futur agresseur. Parce que la décision de le laisser en liberté n’a pas été prise à la légère, contrairement à ce qu’on aurait pu croire.

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Le procureur de Bruxelles, dans un rapport transmis ce lundi, indique que jeudi, la magistrate de garde a contacté son collègue en charge des affaires de terrorisme, et que deux autres spécialistes de ce genre de dossiers ont également été consultés. On n’est pas du tout dans un dysfonctionnement lié à une forme de nonchalance dans ce dossier. Le paradoxe est que l’agresseur demandait de l’aide, alors que s’il avait été dans le registre de la pure menace, les choses se seraient sans doute passées différemment.

Bien sûr, il y a probablement eu une erreur de diagnostic ou une communication insuffisante à un moment. Est-ce qu’il s’agit d’un acte purement terroriste, est-ce qu’il s’agit du geste d’un déséquilibré ? La réponse est peut-être un cumul des deux. C’est sans doute une des choses les plus difficiles à accepter. Face à cet assassinat, nous n’avons pas encore de réponse toute faite, nous ne pouvons pas le ranger dans l’une ou l’autre catégorie, cette incertitude ajoute encore au malaise.

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La mort de Thomas Monjoie, elle affecte au premier chef ses proches, sa famille, ses amis, ceux qui l’aimaient, mais aussi ses collègues policiers. Ses proches collègues, ceux qui le côtoyaient dans la zone Nord, ses collègues plus éloignés, qui ressentent au plus profond de leur être cette violence ultime qui ôte la vie à un policier juste parce qu’il est policier. Cet assassinat nous rappelle à quel point la fonction de policier est souvent difficile à exercer, parfois dangereuse et en même temps complétement indispensable au respect de l’État de droit et donc à notre vie en société.

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Si les policiers sont particulièrement affectés, et à raison, par cet assassinat, cette affaire concerne en réalité tous les Bruxellois. D’abord, parce qu’elle attire à nouveau l’attention sur un quartier où le maintien de l’ordre est problématique, et cela, alors que les commerçants, les syndicats de policiers, et même les bourgmestres concernés n’ont pas arrêté de sonner l’alarme et demandé des renforts. Il est temps que ces appels au secours soient entendus et pris au sérieux.

Ensuite, parce que cela illustre le danger de la pensée radicale. Ce radicalisme qui n’a hélas pas disparu, qui est toujours bien présent, conduit à la haine de l’autre. Et dans les cas extrêmes, il légitime le passage à la violence. Lutter contre le radicalisme, cela n’a rien à voir avec lutter contre une religion, ou contre une idéologie au sens large. C’est lutter contre la haine, et quand on défend le principe d’une société multiculturelle ou pluraliste, ce n’est pas une option, c’est une obligation. 

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Un édito de Fabrice Grosfilley