Ne pas oublier de dialoguer, l’édito de Fabrice Grosfilley
Ce jeudi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito les décisions prises à l’OTAN et les difficultés de dialogue avec Vladimir Poutine.
Peut-on, doit-on investir dans un canal diplomatique avec Vladimir Poutine ? Ce canal diplomatique, pourra-t-il être maintenu si des armes chimiques ou nucléaires venaient à être utilisées ? Voici deux des questions que les dirigeants européens et américains devaient trancher ce jeudi.
Lors des trois sommets qui se sont tenus aujourd’hui à Bruxelles, on aura donc à nouveau beaucoup parlé de menace chimique, bactériologique, nucléaire. L’une des premières décisions concrètes annoncées par l’OTAN au cours de ces discussions a été la fourniture d’un matériel de protection aux forces de l’OTAN qui sont stationnées le long de la frontière russe, ça concerne notamment les soldats belges envoyés en Roumanie ainsi qu’aux Ukrainiens eux-mêmes.
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Cette crispation autour des armes non-conventionnelles illustre parfaitement l’état de tension extrême qui existe désormais entre le bloc occidental d’un côté, la Russie et la Biélorussie de l’autre. Elle compromet aussi les quelques chances qui restaient de pouvoir espérer sortir de ce conflit par la voie diplomatique. Parce qu’il sera difficile de continuer à dialoguer avec Vladimir Poutine, si on le juge responsable d’une guerre sale, s’il a sur les mains la responsabilité de dizaines de milliers de morts, et qu’on est convaincu qu’il a employé des méthodes qui font de lui un criminel de guerre. Un criminel de guerre, on le traîne en justice, on ne négocie pas avec lui.
En soulignant ainsi le risque d’une escalade chimique ou nucléaire, l’OTAN nous alerte sur un dérapage possible du conflit et l’ouverture d’un chapitre qu’aucun Européen n’aurait envie d’écrire. On ne peut pas balayer d’un revers de main ce signal d’alarme, sous prétexte qu’il semble irrationnel, ou qu’il nous rapprocherait encore un peu plus d’un risque de guerre totale. Mais cette communication a aussi une conséquence diplomatique non négligeable : celle de repousser encore un peu plus loin la Russie de Vladimir Poutine dans le camp du mal. Dans le camp de ceux avec qui on ne peut plus discuter.
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Pourtant, discuter, maintenir ce fameux canal diplomatique reste une obligation si on veut essayer de sortir de la logique d’un affrontement total. Si le ton ferme et sans concessions adopté par les Américains rend sans doute impossible tout dialogue entre Washington et Moscou. Ce n’est peut-être pas encore le cas de l’Union européenne. Même si les relations sont extrêmement tendues, il n’est pas tout à fait exclu que Vladimir Poutine puisse encore parler à Emmanuel Macron qui occupe la présidence tournante de l’Union. Peut-être qu’il faudra s’adjoindre un troisième interlocuteur pour faciliter les échanges. Assortir le tout d’une demande des Nations unies. Peu importe la formule, du moment qu’elle puisse mettre Poutine autour d’une table de négociation. Et qu’on puisse s’assurer qu’il n’y vienne pas pour gagner du temps.
Tant qu’il n’y aura pas de discussion, il n’y aura pas d’issue enthousiasmante. Ce sera au choix la victoire totale de la Russie et l’occupation du territoire ukrainien, un enlisement du conflit et une guerre qui s’éternise, ou le scénario du pire avec l’internationalisation du conflit et le risque de guerre totale. Tenter une discussion pour trouver une 4e option. Pour les Américains, ce n’est peut-être pas indispensable. Pour les Européens, ça devrait l’être.
■ Un édito de Fabrice Grosfilley