Course de fond, l’édito de Fabrice Grosfilley

Ce jeudi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito les menaces de Vladimir Poutine dans le contexte de la guerre en Ukraine et la réaction de l’Europe.

Faut-il prendre très au sérieux les menaces de Vladimir Poutine ? La mobilisation partielle et temporaire de réservistes, l’allusion à l’arme nucléaire, un discours qui vise désormais l’Occident dans son ensemble.  Tous les services diplomatiques du monde décortiquent en ce moment les propos du président russe.

La première réaction des Européens, vous l’avez entendue hier, c’était de considérer que les propos du président russe étaient un aveu de faiblesse. Une sorte de fuite en avant d’un homme dont la stratégie militaire a été mise en échec. Mobiliser des réservistes, c’est sortir de la logique d’une simple opération spéciale qui devait être rapide et ne pas prêter à beaucoup de conséquences.
La question que les Européens doivent maintenant se poser, c’est de savoir en quoi ces annonces modifient la donne. Est-ce qu’il faut durcir le régime de sanctions ? Renforcer l’aide militaire et budgétaire accordée aux Ukrainiens ? Ou, scénario du pire, se préparer militairement à ce que le conflit déborde du seul territoire ukrainien ? Toutes ces questions-là sont sur la table. Avec différentes approches suivant qu’on est un voisin direct de la Russie comme la Finlande ou les Pays baltes, qu’on longe l’enclave de Kaliningrad, comme la Pologne, ou qu’on se trouve très éloigné de la zone de conflit comme l’Espagne ou le Portugal.

La question de la solidarité européenne avec l’Ukraine va donc se poser à nouveau. Avec un état qui nage à contre-courant, on le sait, la Hongrie. Son premier ministre Viktor Orban demande d’ailleurs aujourd’hui à ce que les sanctions contre la Russie soient levées d’ici à la fin de l’année. On ne veut surtout pas contrarier Viktor Orban, mais dire qu’on doit lever les sanctions au lendemain d’un discours qui menace d’employer l’arme atomique contre ses voisins, on va dire, comme dans une publicité des années 1990, que définitivement, nous n’avons pas les mêmes valeurs.

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Quelque soit le crédit qu’on apporte ou pas aux menaces de Vladimir Poutine, quelle est la part de bluff, quelle est la part de menace sérieuse, il y a un élément qu’on doit en revanche tous avoir bien en tête. C’est la durée. Ce conflit ne va pas s’arrêter en quelques semaines ni en quelques mois. C’est en années qu’il faut raisonner. Il suffit de regarder ce que l’histoire nous a enseigné, en 1914, en 1940… mais aussi au Vietnam, en Afghanistan, en Irak. La guerre éclair est un slogan. Le conflit de longue durée est une réalité.
Ce jeudi, nous sommes un petit peu dans la même situation que celle du début de l’année 2020. Quand l’épidémie de Covid-19 s’est déclarée et qu’elle nous a frappé de plein fouet.  Nous avions le secret espoir que cela ne serait pas trop long. Cela a pris plus de deux ans pour ramener le virus à un niveau de dangerosité gérable. Et encore, on nous annonce que ce n’est peut-être pas fini. Pour l’Ukraine, et toutes ses conséquences sur le plan énergétique et économique, nous allons vivre la même expérience. Nous aimerions déjà voir la fin du tunnel, et pourtant nous ne sommes qu’au début.

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Je sais que cette prophétie casse un peu l’ambiance. Que l’idée que l’on va devoir rogner longtemps sur le gaz et l’électricité n’est pas enthousiasmante. Que l’idée d’une récession économique est fortement angoissante. L’idée n’est pas d’être anxiogène, mais d’être réaliste. Le monde a basculé. Ce basculement ne se fait pas en un claquement de doigt. Nous sommes dans une course de fond. Et peut être même un marathon.

Un édito de Fabrice Grosfilley