Berchem et la Ville de Bruxelles ont toujours leurs finances dans le rouge

Où en sont les finances des communes bruxelloises? Voici peu, Charles Picqué, encore ministre-président, tirait la sonnette d’alarme. Les communes ne maîtrisaient pas leurs finances et couraient tout droit à la catastrophe. Aujourd’hui, à force de faire des économies et après une révision de la dotation générale aux communes, les comptes repassent dans le vert. Une petite embellie se fait sentir mais de grandes disparités se maintiennent entre les entités. Deux d’entre elles, Berchem et la Ville de Bruxelles, n’arrivent toujours pas à rendre un compte en boni. Et elles sont toujours 10 à faire l’objet d’un plan d’assainissement qui implique une surveillance sans relâche de la part de la Région.

L’organisme régional Bruxelles Pouvoirs locaux a publié un rapport sur l’état des finances communales entre 2014 et 2018. Ce rapport montre de manière globale une embellie. Il faut dire qu’on partait de très loin. La croissance démographique très soutenue n’a pas favorisé les communes. En effet, si une part des nouveaux habitants contribue fiscalement, les frais engendrés notamment par la construction d’écoles ou de crèches ont fait fléchir les lignes comptables. Les dépenses ont été supérieures aux recettes.

Aujourd’hui, les comptes se stabilisent et la plupart des communes bruxelloises affichent un compte 2018 en boni à l’exception de Berchem-Ste-Agathe et de la Ville de Bruxelles. Cette dernière refuse toujours de passer sous plan d’assainissement régional.

Les raisons de l’embellie

Il y a évidemment plusieurs facteurs qui explique l’état des finances. Tout d’abord, le revenu disponible des Bruxellois repart à la hausse depuis 2016. Entre 2009 et 2015, il a diminué en moyenne de 3% alors qu’il augmentait de 4% en Flandre et en Wallonie. En 2016, la tendance s’inverse et le revenu disponible moyen par habitant s’élève à 17.590 euros. Cependant, il s’agit d’une moyenne et les disparités sont très importantes selon les communes.

Un tiers des Bruxellois est en situation de précarité financière et un sur vingt bénéficie d’un revenu du CPAS.

Des recettes à la hausse

Pour beaucoup de communes, les recettes sont à la hausse. Elles se composent majoritairement du précompte immobilier et de transferts. Les additionnels au précompte immobilier constituent de loin la première rentrée financière des communes (28,56%). Viennent ensuite la dotation générale aux communes de la Région (18%) puis l’impôt des personnes physiques (9,66%). Ces dernières années, nombreuses sont les communes à avoir réalisé un taxshift comme cela fut le cas au niveau régional. Elles ont préféré augmenter le précompte immobilier et diminuer l’IPP. Ainsi, les propriétaires habitant la commune ne connaissent pas une hausse d’impôt mais ceux mettant leurs biens en location contribuent plus fortement. Et leurs locataires, eux, sont heureux puisque l’impôt sur leur salaire diminue.

Par contre, jusqu’en 2017, c’était le fédéral qui percevait le PRI puis reversait aux communes. A présent, c’est la Région bruxelloise qui collecte l’impôt. Elle procède par avance mensuelle et rectifie une fois par an. Cela a permis une amélioration de la trésorerie communale puisque les montants versés sont distillés au fur et à mesure. “Mais on constate encore des retards”, tempère le bourgmestre d’Etterbeek, Vincent De Wolf (MR), pas totalement convaincu par la formule.

En 2017, la dotation générale aux communes a aussi été revue. De nouveaux critères sont apparus ce qui a permis de mieux financer certaines entités. Une enveloppe supplémentaire annuelle de 30 millions d’euros a été ajoutée.

Des dépenses maîtrisées

Les dépenses ont connu une croissance moyenne de 1,8% entre 2014 et 2017 mais ont subi une hausse de 6,7% entre 2017 et les prévisions de 2018. Cette hausse concerne les frais de personnel en activité et les dépenses de fonctionnement. En plus, on enregistre une hausse de 6% des dotations aux CPAS et aux zones de police. La Ville de Bruxelles est la commune qui dépense le plus par habitant puis viennent Saint-Josse, Ixelles et Saint-Gilles.

Un avenir préoccupant

Si en 2018, les comptes sont dans le positif, l’avenir des finances communales est plutôt préoccupant. En effet, le coût des pensions va croître de manière exponentielle. Les communes emploient aujourd’hui 16.000 équivalents temps pleins. La véritable hausse des cotisations de pension se fera à partir de 2019 à cause du supplément mensuel qui équivaut à 23,4% des cotisations de responsabilisation de 2017. Le taux de cotisation est donc revu à la hausse. Les coûts de pensions vont fortement augmenter les prochaines années. En plus, si les agents communaux voient leur salaire revu à la hausse pour s’aligner avec ceux des fonctionnaires régionaux comme les syndicats le réclament depuis des mois, la facture des pensions sera alourdie.

Les autres dépenses concernent aussi les frais liés à l’enseignement. Le boom démographique a conduit à une augmentation du nombre d’élèves et donc de professeurs. Idem pour les lieux d’accueil de la petite enfance. Et puis, il y a aussi l’augmentation de la dotation aux zones de police. Le financement des déficits repose sur les communes. Idem pour les CPAS. Un nombre important de personnes exclues du chômage demande ensuite un revenu d’intégration ce qui pèse lourd sur les finances communales puisque le fédéral ne finance qu’à 70% les RIS.

Les communes tirent l’essentiel de leurs revenus de la fiscalité mais celle-ci n’est pas extensible à l’infini. Elle atteint ses limites. Or, les dépenses vont poursuivre leur augmentation. Les communes auront toujours besoin du soutien régional. D’ailleurs, elles sont encore 10 à être sous plan d’assainissement. Pour certaines, même si cela va mieux, il est impensable de quitter la tutelle. Elles ont besoin d’avoir accès au fonds de refinancement des trésoreries communales. En contrepartie, elles acceptent d’avoir un fonctionnaire régional qui valide toutes leurs dépenses, d’établir un plan triennal d’investissement qui est limité dans son montant et d’être en équilibre chaque année. Si elles respectent ces conditions, alors elles ne doivent pas rembourser le capital.

Depuis 1993, quelque 300 millions d’euros ont été empruntés via ce fonds. Actuellement, les investissements communaux représentent 331 millions d’euros par an. Certains dépendent directement des fonds régionaux. Seulement, à un moment, la Région ne va plus pouvoir palier le déficit des communes. Ce fonds coûte assez cher car pour 10 millions d’emprunté, on doit compter 800.000 euros de charge.

Au cabinet du ministre en charge des Pouvoirs locaux, Bernard Clerfayt (DéFi), on va procéder à une analyse fine de la situation pour éviter de revenir à des comptes dans le rouge.

Vanessa Lhuillier – Photo: Belga