Rénovation des bâtiments scolaires : CDH et DéFI dénoncent une répartition inéquitable des budgets

La rénovation des bâtiments scolaires est l’un des grands chantiers de la législature pour la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB). Le ministre du Budget, Frédéric Daerden (PS), a annoncé au mois de décembre un plan d’investissement. Mais la clé de répartition envisagée entraîne des déséquilibres entre réseaux, dénonce le Segec, suivi par le CDH et DéFI qui proposent une alternative.

La dégradation et la vétusté des bâtiments scolaires sont sur la table de la FWB depuis des lustres et on le sait en la matière les besoins sont colossaux. Au mois de décembre, le gouvernement annonce un programme d’investissement pour les infrastructures scolaires, dont 300 millions sont destinés à la rénovation des écoles. Cette manne provient provient de la part du fonds de relance européen octroyé à la FWB. Une convention d’emprunt de 600 millions d’euros a également été conclue avec la BEI (Banque européenne d’investissement). Un ballon d’oxygène, vu les besoins colossaux et le nombre de dossiers en attente. Mais très vites les espoirs de certains sont douchés : le partage de l’enveloppe entraînerait de profonds déséquilibres.

“Inéquitable”

La clé de répartition envisagée prévoit d’attribuer :

– 58,6 % des crédits au réseau WBE (Wallonie-Bruxelles Enseignement)
– 22,9 % au réseau officiel subventionné (communes, provinces, cocof/Cpeons)
– 18,5 % au réseau libre subventionné (confessionnel et non confessionnel)

Le Segec (Enseignement catholique)  ne décolère pas. Le pouvoir organisateur s’estime gravement lésé. La clé est totalement déséquilibrée au regard de la répartition des populations scolaire par réseau, dénonce-t-il. La clé utilisée pour le PPT (Programme prioritaire des travaux), mécanisme de financement mis en place en 2007 pour permettre des interventions rapides sur les bâtiments scolaires lourdement dégradés, est basée sur le critère de populations scolaire (“clé élève”), qui établit que :

– 15% des élèves sont scolarisés dans le réseau WBE
– 35% dans le réseau officiel subventionné
– 50% dans le réseau libre subventionné

Ainsi, le réseau WBE qui ne scolarise que 15% des élèves s’attribuerait plus de la moitié des budgets du plan d’investissement constitué des fonds européens. Un tel déséquilibre est inacceptable aux yeux du Segec. Celui-ci a sorti sa calculette pour traduire en chiffres le montant du préjudice. Selon ses calculs, les 300 millions promis se distribueraient de manière très différente en fonction de la clé retenue :

Clé de répartition du gouvernement                   Clé de répartition PPT (‘clé élève”)

WBE                             176 mos                                         45mos
Cpeons                         69 mos                                           106 mos
Libre subventionné   56 mos                                           149 mos

Clé de répartition alternative

Le Segec demande au gouvernement de revoir sa copie. Du côté du Cpeons (Communes, provinces et Cocof), Roberto Galluccio, son président, se montre plus mesuré : « Nous n’allons pas négocier par presse interposée. Nous attendons d’abord de rencontrer le ministre

La grogne atteint le parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Depuis les bancs de l’opposition, CDH et DéFi s’allient – « malgré leurs différences de sensibilité » – pour déposer une proposition de décret visant à «corriger ce déséquilibre.» Ils proposent une clé de répartition alternative, basée sur celle utilisée pour le PPT. Pour Christophe Magdalijns, chef de groupe DéFI au parlement de la FWB, le ministre Daerden met « le feu aux poudres d’une possible guerre scolaire », en favorisant ouvertement son réseau au détriment des autres.

L’ancien bourgmestre d’ Auderghem s’est lui aussi prêté à l’exercice de mathématique. Prenant l’exemple de sa commune, il y observe que le préjudice théorique pour le libre et le communal est évalué à 107,5 euros par élève. Appliquée à la population scolaire, cela donne 400.000 euros de préjudice, 135.000 euros pour les écoles communales et 265.000 euros pour le écoles du réseau libre. Certes les chiffres mériteraient d’être affinés mais ils donnent une idée des volumes budgétaires concernés.

« Notre texte est facile à mettre en œuvre : on propose la modification du décret de 2007 – relatif aux programmes prioritaires de travaux – pour y inclure les crédits obtenus dans le cadre du plan de relance européen. », insiste Christophe Magdalijns.

Mais le ministre Frédéric Daerden maintient le cap. Il explique le choix de la clé de répartition par la différence de nature des bâtiments «La FWB en tant que propriétaire de son parc sera redevable devant la Commission et les régions quant à l’atteinte des objectifs de transition énergétique qui lui sont imposés.», nous explique-t-on à son cabinet. Quant à la proposition de décret déposée par le CDH et DéFI, elle ne rentre pas dans le cadre de l’échéancier imposé par le dispositif européen. Celui-ci prévoit que les dossiers soient déposés au plus tard au 31 décembre 2023, et terminés pour 2026, et correspondent aux critères d’efficacité énergétique des bâtiments. Modifier le PPT n’est pas la solution, poursuit le ministre : « Il prescrit des plafonds de subvention, ne couvre pas l’enseignement supérieur, n’impose pas de délais d’exécution. Une telle mutation nécessiterait du temps pour, in fine, obtenir un décret encore plus complexe qu’aujourd’hui. Il est donc beaucoup plus opportun de prévoir un dispositif particulier, spécifique et adapté au Fonds de relance »

S.R. – Photo : Bx1