Salle comble pour la première audience au fond du procès de Sammy Djedou

Avec une heure de retard, le procès de Sammy Djedou, jugé par défaut par la cour d’assises de Bruxelles, a repris jeudi matin, soit trois jours après la composition du jury populaire chargé de juger l’ancien combattant de l’État islamique pour crime de génocide et crime contre l’humanité envers le groupe religieux yézidi.

Le retard d’audience était dû à la mise en route des caméras et des micros installés exceptionnellement en cour d’assises pour assurer une captation complète du procès, à des fins d’archives. Ce procès est le premier procès belge relatif au crime de génocide commis envers la communauté ethnico-religieuse yézidie, tuée, capturée et déportée dans la région du Sinjar (nord de l’Irak) à partir du 3 août 2014. Une traduction simultanée du français vers le kurmancî est également assurée pendant ce procès.

■ Reportage de Camille Tang Quynh, Charles Carpreau et Hugo Moriamé

Deux parties civiles, sur les trois femmes qui se sont portées parties civiles contre le djihadiste belge, sont présentes à l’audience jeudi. Installées au premier rang, elles sont accompagnées par des employées du service d’aide aux victimes. Les parties civiles sont conseillées par les avocates Olivia Venet et Eva Sierra.La salle d’audience était comble jeudi matin pour la lecture de l’acte d’accusation par l’avocate générale, Kathleen Grosjean. Le texte reprend les infractions mises à charge de l’accusé (crime de génocide entre le 1er novembre 2014 et le 14 avril 2019, viols et esclavagisme sexuel du 1er novembre 2014 au 31 décembre 2016), une description du profil de l’accusé, ainsi que des éléments de contexte rassemblés par le parquet fédéral pour caractériser le génocide de la population yézidie.Depuis 2001, la cour d’assises de Bruxelles a déjà tenu d’autres procès d’assises relatifs à des crimes de droit international humanitaire commis à l’étranger par des citoyens belges, mais uniquement dans le cadre du génocide des Tutsis au Rwanda en 1994.

Le parcours judiciaire de Djedou, accusé de crime de génocide et crime contre l’humanité

Né en 1989 à Etterbeek, Sammy Djedou a quitté la Belgique le 26 octobre 2012 pour rejoindre la Syrie en bus, en passant par l’Allemagne. Il a grandi à Bruxelles et le dernier logement qu’il a occupé avant de rejoindre l’Etat islamique en Syrie était situé à Laeken, pose l’acte d’accusation du parquet général lu jeudi devant la cour d’assises de Bruxelles.
En tant que combattant de l’État islamique, Sammy Djedou était connu sous le nom de guerre Abu Moussab al Belgiki, alias Abu Musab al Belgiky, alias Abu Mousahab al-Belgiky. Il serait décédé le 4 décembre 2016 à Raqqa, selon des informations diffusées par les autorités américaines et jugées fiables par la Sûreté de l’État. Cependant, les autorités judiciaires belges poursuivent les personnes tant que la certitude de leur décès n’est pas assurée. Sammy Djedou est dès lors jugé par défaut par la cour d’assises.

Le 17 juin 2021, le tribunal correctionnel francophone de Bruxelles l’a condamné par défaut pour sa participation aux activités du groupe terroriste de l’État islamique, à 13 ans d’emprisonnement et à une amende de 40.000 euros. L’homme a été reconnu coupable d’avoir été une personne dirigeante du groupe terroriste entre le 18 novembre 2015 et le 21 janvier 2020, et d’avoir participé aux activités de l’Etat islamique entre le 20 octobre 2012 et le 1er novembre 2014.

En 2021, le tribunal correctionnel s’est basé sur les devoirs téléphoniques, l’exploitation de l’ordinateur de Sammy Djedou, les déclarations de sa mère et des informations transmises par la Sûreté de l’État pour déterminer sa culpabilité.
Il est également ressorti du premier jugement de Sammy Djedou qu’il exerçait une fonction de dirigeant au sein de l’État islamique. “Il planifiait, coordonnait et exécutait des opérations terroristes en Europe, en dehors de la Syrie et de l’Irak”, indique l’acte d’accusation de Sammy Djedou pour le procès d’assises qui s’est ouvert lundi à Bruxelles.
Sammy Djedou était en “contact étroit” avec Abdelhamid Abaaoud, l’un des auteurs des attentats de Paris (novembre 2015), et Oussama Atar, condamné par défaut pour les attentats de Paris et de Bruxelles (mars 2016).

Le 12 octobre 2021, le parquet fédéral a ouvert le dossier judiciaire à charge de Sammy Djedou amenant, après enquête, à son procès d’assises pour crime de génocide contre la communauté yézidie et crime contre l’humanité, et plus particulièrement le crime de viols et soumission à l’esclavage sexuel de trois survivantes yézidies.
Les juridictions belges sont compétentes pour juger les crimes de droit international humanitaire commis en dehors du territoire belge par les personnes belges ou résidant en Belgique.

L’ensemble des faits soumis à la cour d’assises et relatifs à la culpabilité de Sammy Djedou se sont passés en Irak et en Syrie.

La témoin yézidie Nadia Murad confirme le viol comme arme de guerre utilisée par Daesh

“Je pensais au départ que le viol n’était qu’un petit dommage collatéral de la guerre, mais le viol est une arme pour détruire des communautés”, a affirmé Nadia Murad à la cour d’assises de Bruxelles, jeudi. Lauréate du prix Nobel de la paix 2018, elle est la première témoin à partager devant la cours son parcours de survivante de viols et de violences sexuelles commises par les combattants de l’Etat islamique à partir du 3 août 2014 dans le Kurdistan irakien.
“Lorsque les femmes sont prises pour cibles, cela laisse une trace permanente,” a-t-elle déclaré. En comparaison à la mort de son frère tué par l’État islamique, dont il est plus facile pour elle de parler, le viol est un tabou. “Il est très difficile d’en parler”, a-t-elle indiqué. “Daesh savait que, tôt ou tard, ils seraient battus et ils savaient qu’avec ces viols, ils laisseraient un héritage permanent derrière eux.”

Avant d’être interrogée par l’une des membres du jury populaire sur le caractère genré du génocide de la communauté yézidie, Nadia Murad avait précisé à la cour que les termes de viols et de violences sexuelles n’existent pas dans le dialecte kurmancî propre à la communauté des Yézidis, ce qui explique notamment les difficultés pour les survivantes à témoigner sur cette facette du génocide, confirmé en 2021 par le Conseil de sécurité des Nations unies.

Lors de son intervention, Nadia Murad a expliqué en quoi le génocide de la communauté ethno-religieuse yézidie a été conçu par l’Etat islamique comme un projet global. “It was made by design” (C’était fait à dessein, NDLR), a-t-elle répété à plusieurs reprises.
“Tout était planifié”, a-t-elle déclaré à la cour. “Les terroristes de l’Etat islamique n’ont pas agi de façon individuelle. Ils ont suivi des règles établies par leurs supérieurs. Ils savaient précisément quoi faire des femmes âgées, des femmes plus jeunes et des hommes.”
Ces consignes étaient propagées par les outils de propagande de l’Etat islamique, tant à Raqqa qu’à Mossoul, a-t-elle ajouté à l’attention des juges qui l’interrogeaient sur ce point précis, citant les expériences de ses sœurs et de ses nièces.

Elle a également indiqué à la cour qu’elle n’a pas perçu de différence entre le comportement des djihadistes de l’Etat islamique provenant d’un pays étranger ou des dijhadistes de nationalité irakienne. “Je ne vois pas la différence entre quelqu’un qui voyage d’un pays comme le vôtre ou quelqu’un qui vient d’Irak pour commettre des meurtres de masse. Il n’y a pas de différence quand on croit à une idéologie qui permet d’utiliser et de violer des femmes”, a-t-elle souligné.
Première témoin entendue par la cour d’assises de Bruxelles dans le cadre du procès de Sammy Djedou, sans être une victime directe de l’accusé, Nadia Murad est l’une des survivantes et nombreuses victimes des persécutions sexuelles commises dans le Kurdistan irakien par les combattants de l’Etat islamique à partir du 3 août 2014.
Elle a reçu le prix Nobel de la paix en 2018 aux côtés de Denis Mukwege pour ses efforts à mettre fin au viol comme arme de guerre. Résidant principalement en Allemagne, Nadia Murad s’est exprimé jeudi devant la cour en anglais et par visioconférence.

Belga

BX1
Résumé de la politique de confidentialité

Ce site utilise des cookies afin que nous puissions vous fournir la meilleure expérience utilisateur possible. Les informations sur les cookies sont stockées dans votre navigateur et remplissent des fonctions telles que vous reconnaître lorsque vous revenez sur notre site Web et aider notre équipe à comprendre les sections du site que vous trouvez les plus intéressantes et utiles.

Plus d'informations sur nos mentions légales