Assises : Teresa Rodriguez Llamazares avait quitté l’accusé et souhaitait de la distance
Plusieurs éléments d’enquête, cités jeudi à l’audience lors de la lecture de l’acte d’accusation, indiquent que Teresa Rodriguez Llamazares ne souhaitait pas la visite de César Arribas Calvo à Bruxelles, en octobre 2022, au moment où elle a été tuée.
L’acte d’accusation contient notamment des messages WhatsApp envoyés par la victime à deux amies, le 13 octobre 2022, soit une semaine avant l’arrivée de César Arribas Calvo. “Les files, honnêtement, ça me fait cher que César vienne. (…) Chaque fois que j’y pense, ça ne fait un peu plus chier.“
Six témoignages, repris dans l’acte d’accusation et provenant du travail d’enquête mené à l’automne 2022, indiquent également que Teresa Rodriguez Llamazares ne souhaitait pas la visite de César Arribas Calvo, un peu plus d’un mois après leur rupture. Une collègue, la mère de Teresa Rodriguez Llamazares et quatre amis ont précisé lors de leurs auditions que la victime avait “une appréhension à la venue de l’Espagnol en Belgique“, que cette visite “n’était pas planifiée“, que Teresa “pensait que César allait séjourner ailleurs” que dans son appartement, qu’elle avait “insisté à plusieurs reprises pour qu’il ne vienne pas“, qu’elle s’est sentie forcée.
■ Reportage de Jamila Saïdi M’Rabet, Nicolas Scheenaerts et Stéphanie Mira
César Arribas Calvo, que Teresa Rodriguez Llamazares avait quitté le 15 septembre 2022, a tout de même été accueilli par ses soins à Bruxelles durant quatre jours, du 22 octobre au 26 octobre 2022. Il a logé dans l’appartement qu’elle occupait alors, situé près de la Grand-place. Les deux personnes ont passé plusieurs moments ensemble entre ces deux dates, indique le rapport d’enquête. Le 27 octobre 2022, à 07h20, un voisin découvre le corps de César Arribas Calvo tombé dans une rue adjacente à l’appartement de Teresa Rodriguez Llamazares, depuis la fenêtre ouverte du 5e étage.
Dans l’appartement, la police trouve le corps de Teresa Rodriguez Llamazares, 23 ans, décédée après avoir reçu 153 coups de couteaux. Le procès de César Arribas Calvo, accusé de son assassinat, a commencé jeudi matin devant la cour d’assises de Bruxelles avec la lecture de l’acte d’accusation par l’avocate générale, Anne Karcher. De nationalité espagnole, César Arribas Calvo (26 ans aujourd’hui) était policier au sein de la Guardia civil. Il est détenu à la prison de Haren depuis 2022.
Pas de trouble mental
César Arribas Calvo ne présente pas de trouble mental qui aurait aboli ou gravement altéré sa capacité de discernement ou de contrôle de ses actes, indique les différentes expertises psychiatriques menées lors de l’enquête, et reprises dans l’acte d’accusation.
L’acte d’accusation comprend un large passage consacré aux examens psychiatriques de l’accusé, réalisés en 2023. L’expertise indique que César Arribas Calvo ne présente pas de trouble mental, ni au moment des faits, ni au moment de l’expertise. Il n’a pas de trouble bipolaire. Il n’a pas été victime de maltraitances, mentionne le rapport d’expertise. L’expertise cite un état dépressif majeur, des sensations de rétrécissements de pensées, un état émotionnel négatif persistant, des ruminations internes. L’accusé est capable de recul critique et d’introspection, poursuit le rapport. Il reconnaît des sentiments comme la colère, la tristesse, la frustration.
“Quand il n’obtient pas quelque chose, frustration interne qui fait qu’il n’arrive pas à lâcher prise et à passer à autre chose“, a lu l’avocate générale à l’audience jeudi. Des images envahissantes peuvent provoquer de la détresse et de la souffrance chez César Arribas Calvo. Sociable mais réservé, il est moins à l’aise avec lui-même qu’avec autrui, poursuit l’expertise lue jeudi devant la cour.
En 2022, l’année des faits, César Arribas Calvo remettait en question son choix professionnel. Il était alors policier et assurait une fonction administrative dans la Guardia civil, en Espagne. Il était également arbitre sportif. “Il s’enferme dans une forme de retrait relationnel avec un mutisme sélectif quant à ses difficultés“, rapporte l’expertise relativement aux questionnements vécus par César Arribas Calvo en 2022, lorsqu’il a 23 ans.
Sa candidature à la Guardia civil avait été acceptée l’année de ses 22 ans, après un refus reçu l’année précédente. En juin 2024, César Arribas Calvo déclarait aux enquêteurs: “Je n’arrive pas encore à comprendre comment tout ça a pu se passer.” Il a précisé lors de l’enquête qu’il “ne supportait pas la séparation avec Teresa“. “Le dernier jour, j’étais perdu, je ne savais plus quoi faire en sachant que je devrais rentrer chez moi, seul en avion, en laissant les souvenirs derrière moi.“
Teresa Rodriguez Llamazares avait 23 ans. En relation sentimentale et officialisée avec César Arribas Calvo pendant près de deux ans, elle avait décidé de le quitter.
César Arribas Calvo reconnaît avoir porté les coups de couteaux qui ont tué Teresa R. L.
Interrogé sur le déroulé des événements du 27 octobre 2022, César Arribas Calvo a confirmé jeudi devant la cour d’assises de Bruxelles avoir porté les coups de couteaux qui ont provoqué la mort de Teresa Rodriguez Llamazares, victime de féminicide. Accusé de l’homicide commis avec préméditation sur la personne de Teresa Rodriguez Llamazares, César Arribas Calvo a déclaré jeudi se souvenir d’avoir utilisé les deux couteaux retrouvés dans la chambre de Teresa Rodriguez Llamazares, l’un après l’autre.
L’accusé a également déclaré à la cour qu’il avait eu conscience que le corps de Teresa Rodriguez Llamazares ne bougeait plus lorsqu’il l’a déplacé dans la chambre, après avoir porté les coups et avant de quitter les lieux pour monter sur le toit de l’immeuble et tenter de mettre fin à ses jours en sautant. César Arribas Calvo a soutenu jeudi à l’audience ne pas se souvenir du déroulé précis des 153 coups de couteaux qu’il a portés sur Teresa Rodriguez Llamazares, mais il a indiqué que son “intention était d’aller à la gorge” au moment où il s’en est pris à Teresa Rodriguez Llamazares, qui s’est défendue et a tenté de s’enfuir.
L’accusé a livré cette déclaration au bout d’un long interrogatoire mené à l’audience par la présidente de la cour d’assises, Anne Leclercq, ponctué par les questions des avocats des parties civiles et de l’accusé. “C’était très violent”, a-t-il reconnu jeudi. Il a expliqué avoir éteint la lumière dans la chambre pour ne pas voir ce qu’il était en train de faire. “C’était très douloureux et je ne voulais pas voir ce que je faisais (…) Je voulais que ça se termine, arrêter d’entendre ses cris. (…) C’est tout ce que j’avais en tête.” “J’étais stressé et agité”, a-t-il répété jeudi après-midi. L’accusé dit avoir “perdu le contrôle” une fois arrivé dans l’appartement, le 27 octobre 2022 à 06:40, mais il a également déclaré qu’il était “déterminé” au moment d’entrer chez la victime. “C’était dans ma tête”, a-t-il dit à l’audience. Il a expliqué qu’il voulait en finir avec sa vie, mais qu’il avait “associé” sa propre mort à celle de Teresa Rodriguez Llamazares, son ancienne partenaire.
Elle l’avait quitté un mois plus tôt, le 22 septembre 2022, et il était blessé par cette rupture. “Je ne pouvais pas vivre sans elle et j’ai tout associé. Je ne sais pas pourquoi j’ai fait cela”, a stipulé César Arribas Calvo à l’audience, décrivant un climat général de “destruction”. “J’étais dans la même logique”, a-t-il développé, pour justifier l’articulation entre ses pensées suicidaires post-rupture et la violence portée par lui-même sur Teresa Rodriguez Llamazares. “Je voulais arrêter, pouvoir passer à autre chose, respirer, et j’ai tout associé à la destruction.” Les médecins légistes viendront à l’audience vendredi pour fournir des explications sur les coups de couteaux portés sur la victime, dont l’entaille très profonde constatée au niveau de la gorge, qui permet à la présidente de la cour d’assises de parler d’égorgement de la victime
Belga





