L’édito de Fabrice Grosfilley : le choc de Liège

La condamnation est unanime. Le taggage de la tombe de Jean Gol, hier matin dans un cimetière de Liège, est un nouveau choc, une nouvelle alerte. Une alerte à l’antisémitisme, d’abord. Jean Gol, il faut peut-être le rappeler pour les plus jeunes, fut un homme politique, fondateur et président du PRL, le Parti réformateur libéral, qui allait devenir le MR d’aujourd’hui. Il était le petit-fils d’un couple déporté et mort au camp de concentration d’Auschwitz.

Sur la tombe de Jean Gol, hier matin, on retrouvait des inscriptions à la peinture rouge : Never again, hé merde. Une référence à la Shoah ou au concept de génocide ? On ne sait pas très bien quel message le ou les auteurs de ce taggage ont voulu faire passer. Ce qui est évident, en tout cas, c’est que peindre sur une tombe, dans un cimetière, s’apparente à une profanation. Que ce geste, posé trente ans, jour pour jour, après le décès de Jean Gol, a suscité une vague d’indignation, tous partis confondus. Le roi Philippe a appelé la fille de Jean Gol et lui a fait part de son indignation : l’antisémitisme et la haine sont inacceptables, a rappelé le Palais royal.

S’en prendre à la tombe d’un défunt, ce n’est jamais anodin, quelle que soit la religion. Quand il s’agit d’une tombe juive, cela prend évidemment une dimension supplémentaire en raison de l’histoire. La Shoah, c’est une monstruosité qui a démarré au cœur de l’Europe. La profanation de cimetières juifs — à Carpentras en 1990, à Marcinelle en 2023, dans la Sarre en Allemagne un jour anniversaire de la mort d’Adolf Hitler, ou aujourd’hui à Liège — est un rappel constant que la haine dirigée contre la population juive existe encore et toujours.

Cette journée d’hommage à Jean Gol était aussi l’occasion d’une soirée-débat organisée par le Mouvement réformateur sur le campus de l’université de Liège. Quatre cents manifestants ont voulu s’y opposer, barrant l’entrée du bâtiment. Une action destinée à protester contre la politique défendue par le MR vis-à-vis de la situation à Gaza. Georges-Louis Bouchez a dû entrer dans le bâtiment par une porte dérobée, plusieurs élus ont été insultés ou molestés, 6 policiers ont été blessés. Ces incidents ne sont pas plus acceptables que la profanation du matin. On a le droit de manifester. On a le droit de ne pas être d’accord avec les positions défendues par le MR. On a le droit d’estimer qu’il laisse faire ce qui s’apparente effectivement à un nouveau génocide. Mais ce n’est pas une raison pour agresser physiquement une personne avec laquelle on n’est pas d’accord.

Ces deux incidents indiquent la dimension désormais passionnelle et irrationnelle que prend le débat public au sujet de Gaza. Si l’on est de bonne foi, on ne peut pas catégoriser ni essentialiser les populations. Ni ici, ni là-bas. Il n’y a pas les méchants Juifs d’un côté et les gentils Palestiniens de l’autre, ni l’inverse. Il y a un mouvement terroriste, le Hamas, qui s’est définitivement disqualifié lors de l’attaque du 7 octobre. Et il y a un gouvernement israélien qui conduit une politique atroce, innommable, intolérable, contre lequel on devrait prendre toutes les mesures de coercition possibles. Benjamin Netanyahou ne parle pas au nom de tous les Juifs du monde. Le Hamas et ses méthodes ne représentent pas tous les Palestiniens, qui n’ont pas à être punis pour des faits qu’ils n’ont pas commis (et qui ont, eux aussi, le droit à un Etat).

Et nous, à Bruxelles, à Liège, dans les synagogues, dans les mosquées, dans les médias, nous avons besoin de personnes capables de calmer le jeu, qui n’instrumentalisent pas l’émotion dans le but d’accélérer et d’accentuer la polarisation. Rappelons-nous que le respect de la personne humaine s’impose à nous. Partout, tout le temps, et avec tout le monde.

Fabrice Grosfilley 

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